Evelyne Huytebroeck souhaite lancer une réflexion sur l’adoptabilité d’enfants placés en aide à la jeunesse. Une hérésie ! Clament certainesassociations.
C’est une petite phrase qui a mis le feu aux poudres. Elle se trouve dans le discours d’Evelyne Huytebroeck (Ecolo), ministre de l’Aide à la jeunesse, prononcé en octobre dernier,lors de l’annonce du plan d’action pour améliorer le dispositif adoption.
« Une réflexion sur l’adoptabilité des enfants placés en Aide à la jeunesse dont les parents se sont manifestement désintéressés vaégalement être menée. »
L’enjeu n’est pas mince. La ministre propose de simplifier les possibilités d’adoption d’enfants placés au sein d’institutions de l’Aide à la jeunesse. On pense ici aux« homes » dans lesquels certains jeunes en danger, qui ont été éloignés de leur milieu familial, vivent parfois pendant des années. Pour troisassociations, la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant, ATD Quart-monde et Luttes-solidarité-travail, on met le doigt sur un point sensible. Lorsqu’un enfant est placé enfamille d’accueil ou en home de l’Aide à la jeunesse, le lien avec les parents doit être préservé et maintenu, avec en ligne de mire : le retour en famille. C’est laphilosophie du décret de mars 1991 relatif à l’Aide à la jeunesse. Lorsque des enfants placés sont adoptés, le lien avec les parents est rompu. En caricaturant, onpourrait comparer ces adoptions à des « vols d’enfants » au profit de familles plus aisées. Sans en arriver à de telles extrémités, Herman VanBreen, de l’équipe nationale belge d’ATD Quart-monde1, rapporte que « beaucoup de familles vivant dans la pauvreté vivent le placement de leur enfant comme unvol. »
L’idée de la ministre serait donc de faciliter les adoptions lorsque les parents se désintéressent manifestement de leur enfant placé. Mais comment évaluer unetelle notion ? Parfois, le lien entre la famille et l’enfant est mauvais, presque inexistant. Mais pour Herman Van Breen, cela ne veut pas dire que les familles se contrefichent de leurenfant : « Il faut faire très attention avec cette notion. Certaines familles déménagent, et se retrouvent très loin du lieu de placement de leur enfant.Le déplacement leur coûte cher. Mais surtout, beaucoup ont des difficultés avec les services de l’Aide à la jeunesse, car on leur a pris ce qui leur était le pluscher. » Pour lui, au lieu de se préoccuper de l’adoption de ces enfants, « il faudrait améliorer la relation avec les familles d’origine. Si l’on améliorele lien entre les institutions et les familles, le lien entre les familles et les enfants s’améliore. Et du coup, il leur deviendrait possible de vivre à nouveau enfamille. »
« C’est l’intérêt de l’enfant qui est prioritaire »
A la direction de l’adoption de la Fédération Wallonie-Bruxelles2, on tient à rassurer les associations précitées. « L’idée de base,précise Béatrice Bertrand, juriste à la direction de l’adoption, n’est pas du tout de sortir tous les enfants d’institutions pour les adopter. Le but premier, c’est bien degarder l’enfant dans la famille d’origine ou de faire le maximum pour recréer les liens avec celle-ci. Mais dans certains cas, très rares, il faut réfléchir àl’adoption comme à une mesure de protection de certains enfants. Lorsque les parents s’en désintéressent complètement ou quand des familles sont particulièrementdéfaillantes. Car c’est l’intérêt de l’enfant qui doit être prioritaire. »
Du côté du cabinet de la ministre de l’Aide à la jeunesse, c’est l’embarras. On se limite à un seul commentaire officiel : « La ministre entend mettresur pied un groupe de réflexion, composé de mandants, de représentants de la direction générale de l’Aide à la jeunesse, de divers servicesagréés de type résidentiel et de représentants d’ATD Quart-monde, de LST, qui serait chargé d’analyser la question du maintien du lien entre les enfantsplacés et leur famille. » Fin de citation.
Un groupe de réflexion sur le lien entre familles d’origine et enfants placés est mis en place, pendant qu’un autre groupe de réflexion planchera comme prévu surl’adoptabilité de ces mêmes enfants. L’idée étant de conduire les deux réflexions en parallèle alors que, pour les associations, ces deux thèmess’excluent mutuellement. Une façon pour la ministre de faire face aux critiques… en temporisant.
Article paru sur le blog d’Alter échos sur le site du Soir, le 17/01/2012. www.lesoir.be/alterechos/
1. ATD Quart-monde :
– adresse : avenue Victor, 12 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 647 99 00
– site : www.atd-quartmonde.be
2. Direction de l’adoption :
– adresse : boulevard Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 41 35
– courriel : adoptions@cfwb.be