Ce 12 octobre, lors d’un conseil d’administration extraordinaire, la Société wallonne de logement a réagi avec vigueur au projet de fusion par absorption de troissociétés de logement de service public à Seraing.
Le 27 septembre dernier, trois sociétés de logement de service public (SLSP) – La Maison sérésienne, Le Home ougréen et L’Habitation jemeppienne– ont décidé de fusionner. Ce projet, qui émane du bourgmestre de Seraing Alain Mathot (PS), concerne près de 7 000 logements, 7 000 familles et un patrimoinede quelque 600 millions d’euros. C’est une part énorme du logement public en Wallonie. L’affaire fait grand bruit depuis, dans la mesure où ce projet vise uneabsorption de ces trois SLSP par L’Immobilière publique, une intercommunale créée l’an dernier par Alain Mathot… et non agréée par laSociété wallonne de logement (SWL) ! Certains s’interrogent sur la légalité de l’opération. D’autres la qualifient de véritablehold-up.
Estimant que ce projet est « contraire à la législation wallonne du logement social ainsi qu’à l’intérêtgénéral », les commissaires de la SWL affectés auprès de ces trois SLSP ont dès lors introduit un recours en annulation auprès de la SWL. Ils onteu gain de cause. En vertu de l’article 168, § 3 du Code wallon du logement, le conseil d’administration de la SWL a, à l’unanimité, annulé lesdécisions d’approbation du projet prises par les SLSP.
Un risque de clientélisme ?
Frédéric Sevrin, juriste à la direction générale de la SWL, estime que « la politique du logement social, qui est aujourd’hui définie parle gouvernement wallon au travers de la SWL, ne peut exister en dehors de ce cadre ». Avec une telle fusion-absorption, les locataires sociaux risqueraient de ne plus pouvoirbénéficier des avantages d’une série de lois ou de procédures : « Par exemple, lorsqu’une personne demande à bénéficierd’un logement social et que ce droit lui est reconnu, un comité d’attribution se prononce en fonction de critères déterminés non seulement par le Code wallondu logement mais aussi par un arrêté spécifique du gouvernement wallon. Le risque, avec cette fusion, serait que seules perdurent les obligations découlant du contratsigné entre ce locataire et l’une de ces trois sociétés de logement. Or certains droits de cet arrêté ne sont pas repris dans ces contrats, comme celui depouvoir bénéficier d’une mutation de logement en cas de changement de statut, par exemple si le locataire a un nouvel enfant. » Frédéric Sevrin expliqueencore que « la composition du comité d’attribution est réglementée ; on y trouve notamment la présence d’un commissaire de la SWL pouraméliorer la garantie offerte au locataire. Et si vous n’êtes pas d’accord avec une décision du comité d’attribution, vous pouvez saisir une chambre derecours instituée auprès de la SWL. »
Tout cela pourrait ne plus être d’application. Pour le dire clairement, ce que craignent beaucoup d’observateurs est qu’une telle fusion-absorption entraîne àl’avenir l’attribution arbitraire, partisane ou politique de logements sociaux… un peu comme dans un passé pas si lointain, diront les mauvaises langues !
En quittant la tutelle de la SWL, les trois SLSP pourraient aisément contourner les règles légales d’attribution des logements et échapper à toute forme decontrôle. Sur ce point, Alain Mathot contre-attaque, estimant que l’intercommunale L’Immobilière publique serait sous tutelle du ministère wallon des Pouvoirs locaux.« Le problème est qu’à ce niveau-là, les outils n’existent pas pour vérifier le respect de la réglementation propre au logementsocial », rétorque Frédéric Sevrin.
Aujourd’hui, les SLSP incriminées n’ont théoriquement plus le droit de fusionner. Elles pourraient toutefois saisir le Conseil d’Etat pour contester ladécision d’annulation de la SWL. On se souviendra que le ministre wallon en charge du Logement, Jean-Marc Nollet (Ecolo), avait déjà fustigé ce « coup deforce » et « détournement de patrimoine » à la fin septembre. Ici, la SWL vient de procéder à une condamnation en bonne due forme. Si lestrois SLSP campent sur leur position, il est probable que le ministre intente également une action.