Le mardi 3 février dernier, le Parlement bruxellois s’est animé. La question de la prostitution a donné lieu à une longue suite d’interpellations aux couleurs variées. Car les parlementaires avaient eu vent d’une récente étude, réalisée par l’Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité (OBPS), qui s’est attachée à réaliser une véritable photo de la prostitution à Bruxelles. C’est à travers trois volets distincts, les nuisances publiques, le bien-être et la santé, et la criminalité, que cette étude a examiné de près la prostitution «publique». Pourquoi spécifiquement la prostitution «publique»? Parce que étudier la prostitution privée «nécessiterait la mobilisation d’un dispositif de recherche particulier», nous explique-t-on, mais aussi, soyons clair, parce que c’est cette prostitution publique qui est visible, qui dérange, qui a donc un «intérêt politique».
Des politiques locales diverses
L’un des atouts de l’étude de l’OBPS est de mettre en lumière la dysharmonie des politiques locales en la matière. Sur les cinq communes concernées, alors que Ixelles et Saint-Gilles ne font pas mention de la prostitution dans leur déclaration de politique et font preuve d’un certain «attentisme» en la matière, Bruxelles-Ville, Schaerbeek et Saint-Josse «en parlent» et ont adopté des règlements généraux de police. Des mesures qui ont des effets de «déplacement», souligne le rapport. Déplacements vers la prostitution privée, qui gagne du terrain, déplacements vers plus de clandestinité, déplacements vers des lieux moins sécurisés et associés à des conditions d’hygiène moins favorables.
Au-delà des divergences entre les règlements locaux, comme souvent, on constate aussi que la gestion politique de la prostitution est découpée selon des compétences multiples et émiettée dans les différents niveaux de pouvoir. Alors que l’Intérieur et la Justice sont compétents, au fédéral, en matière de criminalité, l’urbanisme, l’emploi, mais aussi la prévention et la sécurité relèvent notamment du régional. Les communautés sont en charge de la santé et de l’aide aux personnes, tandis que les communes s’occupent d’urbanisme, d’affaires sociales, ainsi que du maintien de la tranquillité publique (police administrative).
Bien-être, santé et statut social des personnes prostituées, sécurité et tranquillité des riverains et des commerçants, criminalité, proxénétisme et traite des êtres humains… autant de questions et de facettes du phénomène qui mériteraient pourtant une prise en charge globale et cohérente. C’est la raison pour laquelle l’OBPS, se focalisant sur le niveau bruxellois auquel il se situe lui-même, recommande l’organisation d’une concertation régionale entre les autorités locales concernées, «en vue de convenir d’une vision politique partagée du phénomène et d’harmoniser les actions mises en œuvre».
À défaut d’une vision, une concertation
Mardi 3 février, commission des affaires intérieure du Parlement bruxellois. Chez les parlementaires, on est encore loin de résoudre l’éternel débat entre abolitionnisme, prohibitionnisme et réglementarisme. Une unanimité se dégage néanmoins sur la nécessité de mettre sur pied une véritable coordination afin d’éviter les mesures contradictoires. La prostitution doit être envisagée, au minimum, à l’échelle régionale. Là-dessus, tout le monde est d’accord. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement?
Pour ou contre l’éradication de la prostitution de rue? Pour ou contre une Villa Tinto à Bruxelles? Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort est lui aussi bien loin d’apporter des réponses claires à ces questions. Il s’engage par contre à organiser, dans les semaines à venir, une vaste concertation, avec pour objectif, «d’aboutir à la fin du semestre». Aboutir à quoi? Dieu seul le sait… Car «comme pour beaucoup d’autres questions, il n’existe pas une réponse simple qui puisse tenir compte de cette complexité et de la diversité locale», soutient-il, précisant tout de même, qu’ «il ne s’agit pas uniquement d’avoir une approche sécuritaire du problème» et, parlant de la Villa Tinto à Anvers, qu’il n’exclut pas «qu’il s’agisse d’une solution appropriée».
La concertation sera pilotée par l’OBPS. Un règlement général de police commun à l’ensemble des dix-neuf communes devrait quant à lui permettre de coordonner la lutte contre la traite des êtres humains, et une coordination entre la Région et la Cocom sera également mise sur pied pour aborder ces questions de manière conjointe.
Aller plus loin
Alter Échos n°334 du 16.03.201: «Anvers: ‘Pas de prostituées sur mon trottoir!’»
Alter Échos n°390 du 14.10.2014: «Saint-Josse: du quartier Nord au quartier Rouge»
En savoir plus
Bailly N., La prostitution en Région de Bruxelles-capitale, étude réalisée dans le cadre de la conférence interministérielle bruxelloise social-santé, Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité, septembre 2014.