Le 9 juillet dernier, les députés Goutry-Smeyers (CD&V-NVA)1 déposaient une proposition de loi2 portant sur la modification des statutsd’incapacité. De concert, 18 associations3 d’usagers et de représentants des personnes dites « vulnérables » ont marqué leur totaldésaccord avec cette proposition. Entre simplification administrative et solutions respectueuses de la diversité des cas, le Parlement devra trancher.
La proposition de loi, déposée par les deux sénateurs CD&V-NVA et soutenue par tous les partis de la majorité, vise à harmoniser les mesures de protectionjuridique des personnes vulnérables. On entend ici par personnes vulnérables essentiellement les personnes souffrant de handicap mental, de problèmes psychiatriquessérieux ou encore de démence. Cette proposition est coulée dans un « moule » du même type que celui du régime actuel de tutelle, par lequel le statutd’une personne adulte est réduit à celui d’un enfant de moins de quinze ans.
Tout globaliser
Selon les auteurs de la proposition, en dépit des réformes qu’a connu le statut de l’administration provisoire (voir encadré), il subsiste un problèmefondamental : l’administration provisoire est limitée à la gestion des biens et ne porte pas sur les soins à la personne. « De ce fait, les proches de la personneprotégée sont tributaires, en ce qui concerne les soins à la personne, d’autres statuts d’incapacité, dont le champ d’application est limité(minorité prolongée) ou dont la procédure est coûteuse ou compliquée (interdiction judiciaire). C’est pourquoi les proches de la personneprotégée sont souvent incités à recourir à des solutions informelles et empreintes d’insécurité juridique. »
Pour Luc Goutry et Sarah Smeyers, la première ligne de force de leur proposition consiste en un élargissement de l’administration provisoire à la protection de lapersonne. « Cela permettra enfin de supprimer formellement les autres statuts. En effet, d’un point de vue juridique, il ne peut se justifier que les malades mentaux et leshandicapés mentaux soient soumis à un statut juridique différent et ce, même si leur situation médicale est différente. Leur situation juridique est en effetla même en ce qui concerne leur incapacité d’exprimer leur volonté. »
Autre ligne de force, toujours selon les deux parlementaires : tous les statuts d’incapacité existants sont fondus dans un statut global unique prenant comme point de départ laréglementation actuelle relative à l’administration provisoire. Les points positifs des statuts à supprimer, tels que le prolongement ou la reprise del’autorité parentale en cas de déclaration de minorité prolongée, sont intégrés, voire étendus, dans le statut global. Ainsi, le statut actuelde la minorité prolongée, qui donne de bons résultats, ne disparaît pas dans le nouveau système. Son intégration dans un statut global permet au contraire dele consolider », arguent les deux parlementaires. À l’heure actuelle, la déclaration de minorité prolongée n’est pas applicable, par exemple, au jeunequi, à l’âge de dix-huit ans, est victime d’un accident de la circulation ou développe une schizophrénie qui le rend incapable de manifester sa volonté.Dans la présente proposition, les parents pourront à nouveau se voir confier l’autorité parentale sur cet enfant, comme s’il y avait eu une déclaration deminorité prolongée. « L’intégration des cinq statuts d’incapacité existants en un statut unique, organisant tant la gestion des biens que la protectionde la personne, représente donc une simplification considérable par rapport au droit actuel, sans toutefois entraîner de perte de fonctionnalité… », concluentles parlementaires.
La mise sous administration provisoire
Certaines personnes sont, totalement ou partiellement, incapables d’assumer la gestion de leurs biens en raison de leur état physique ou mental. Une loi (du 18 juillet 1991) lesprotège en organisant une mise sous administration provisoire. Celle-ci ne concerne que la protection des biens de la personne à protéger : elle peut concerner toute personnemajeure, totalement ou partiellement incapable, fût-ce temporairement, d’en assumer la gestion en raison de son état physique ou mental.
Ainsi, tout majeur qui, en raison de son état de santé, ne peut plus gérer ses biens, peut être pourvu d’un administrateur provisoire s’il n’est pasdéjà pourvu d’un représentant légal. La loi ne se limite pas uniquement à l’altération des facultés mentales mais égalementà l’altération des facultés corporelles (exemple : dans le cas d’une personne qui ne sait plus signer). Le succès pratique de cette loi trouve son origine danssa grande souplesse et dans la faculté donnée au Juge de Paix de moduler les pouvoirs décernés à l’administrateur provisoire en fonction desincapacités de la personne à protéger, décrites dans le certificat circonstancié du médecin.
Source : www.notaire.be
Pour un retrait pur et simple
Une proposition qui va, selon les 18 associations4, à l’encontre de l’autonomisation des personnes vulnérables, du maintien et du développement de leurscompétences. « Ce faisant, elle ne reconnaît pas leur potentiel citoyen et nie totalement le travail accompli ces dernières années par tous les acteurs duréseau associatif. »
Les associations estiment donc que cette proposition de loi doit être abandonnée et qu’une nouvelle proposition doit être conçue en concertation avec lesassociations actives dans les différents secteurs concernés (notamment ceux en lien avec les personnes handicapées mentales, les personnes atteintes d’une maladie mentaleou neurodégénérative, les personnes âgées démentes, les personnes polytraumatisées…). Elles demandent :
• une séparation distincte entre le régime de protection des mineurs et celui des majeurs,
• un système qui part du principe que la personne protégée est capable,
• un système conçu à partir de l’actuelle « administration provisoire des biens » (système décrit dans l’encadré),
• une nette distinction entre la protection des biens et la protection de la personne,
• le maintien de la personne de confiance dans le dispositif de protection des personnes adultes.
De son côté, Danielle Warlet-Van Den Bossche5, membre du comité du Collectif article 296 qui regroupe trente services, rappelle que cette proposition deloi ne vise pas que les personnes handicapées mais bien toute personne qui, pour une raison ou une autre, se retrouverait de manière temporaire ou définitive dans une situationnécessitant une protection personnalisée. « Les définitions incorrectes (trouble, handicap…), les contradictions, les confusions de rôle entre ce qui existeactuellement et ce que la proposition de loi tente de mettre en place, la non consultation des personnes concernées, le manque de prise en compte de l’évolution des personnes etde leurs compétences, le non respect de la Convention européenne elle-même, les préjugés et les discriminations sur la base du handicap constituent le tissu de laproposition de loi actuelle », explique-t-elle. Et de plaider pour le retrait pur et simple de la proposition qui devrait être examinée à la rentréeparlementaire.
1. Luc Goutry, parlementaire CD&V à la Chambre
– tél. : 050 35 98 09
– courriel : luc@goutry.be
– site : www.goutry.be
– Sarah Smeyers
– site : www.sarahsmeyers.be
2. Proposition de loi modifiant la législation relative aux statuts d’incapacité en vue d’instaurer un statut global (déposée par Luc Goutry, Sarah Smeyers,Thierry Giet, Marie-Christine Marghem, Sabien Lahaye-Battheu et Clotilde Nyssens). Proposition de loi n° 1356/001, téléchargeable sur le site de la Chambre : http://www.lachambre.be
3. L’Anahm, l’AP3, l’Apem T21, l’Apepa, Psytoyens, Altéo, Similes, le Collectif 29, la fondation Shan, l’Uspha, l’ASPH, l’UCP, la Ligue nationaleAlzheimer liga asbl-vzw, Infor-homes Wallonie, Infor-homes Bruxelles, Espace Seniors asbl, l’Association francophone d’aide aux handicapés mentaux et Inclusie Vlaanderen vzw.
4. In communiqué de presse du 11 septembre 2008.
5. Warlet Danielle, Haut-Regard, gsm : 0478 47 02 523 – courriel : haut-regard@skynet.be
6. La dénomination services « article 29 » (SA29) est basée sur le numéro d’article du décret de 1995 qui prévoit l’obligation d’uneAutorisation de prise en charge (APC) pour tout accueil rémunéré de personnes handicapées en dehors de l’agrément et du subventionnement de l’Awiph.