Année européenne de l’égalité des chances pour tous, 2007 voit la publication du premier rapport annuel sur l’écart salarial entre hommes et femmes enBelgique1. Réalisé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH)2 et commandité par le SPF Emploi, Travail et Concertationsociale, il met en exergue les causes structurelles à la source des différences qui persistent entre les salaires masculins et féminins (de 15 à 25 % selon les indicateursretenus). Outil de travail et d’autocritique pour les acteurs du domaine de l’Emploi, la parution du rapport a été l’occasion pour les ministres Vanvelthoven et Dupont de s’entretenirsur la question avec les partenaires sociaux.
Certes, le dossier rendu public fin mars n’offre ni observations innovantes ni pistes d’action concrètes. Toutefois, il énumère, le plus exhaustivement possible, les causes deces discriminations, et ce, selon une grille d’analyse répondant à un standard européen en la matière. Arguments fallacieux mais néanmoins àconsidérer, les aléas inhérents à la vie de femme (grossesse, soins du ménage, éducation d’enfants en bas âge) entraînant congés dematernité ou pauses-carrière ont été pris en compte lors de la rédaction du rapport. Clichés réducteurs, ils n’expliquent nullement la situation desfemmes sur le marché de l’emploi, car ils ne concernent que 46 % d’entre elles…
Entre plafond de verre et seuil de pauvreté
« Une autre partie de l’écart salarial ne s’explique pas et semble imputable à la discrimination. Un salaire égal pour un travail similaire demeure une revendicationimportante » rappelle le ministre de l’Emploi Peter Vanvelthoven (SP.A)3 lors de la conférence de presse de présentation du rapport ce 26 mars. Et pour cause, lerapport met en lumière deux types de ségrégations mettant à mal l’égalité salariale.
Horizontale dans un premier temps. Au sein des entreprises – à fonction égale ou échelon hiérarchique équivalent – les femmes se voient moinssollicitées et, quand elles le sont, moins bien rémunérées que leurs homologues masculins. Une raison à cela, le « facteur risque » : ces messieurs neconnaissent pas les joies de la grossesse. Ajoutons à cela des raisons dites « historiques » ayant mené à une séparation entre emplois censésrequérir des caractéristiques masculines ou des qualités féminines. Ainsi, dès le plus jeune âge, l’individu se voit orienté vers des études etdes carrières « appropriées » à son sexe. Enseignement, secteur social, confection vestimentaire et soins hospitaliers figurent parmi les domaines, certes trèsféminisés, mais connaissant aussi les taux de rémunération les plus bas.
Dans un second temps, les femmes se voient confrontées au « plafond de verre », expression consacrée afin de nommer le frein mis à leur progression dans lahiérarchie de l’entreprise. Bien que possédant, en moyenne, un degré d’étude plus élevé que leurs collègues du sexe opposé, les femmes n’ontque très rarement accès à des fonctions à responsabilités.
Pour exemple, la chaîne de supermarchés Delhaize, considérée en Belgique comme un précurseur dans le domaine de l’égalité au travail estconstituée à 60 % de femmes mais compte seulement 5 % de directrices de supermarché. « Un pourcentage multiplié par cinq depuis cinq ans » précisaittoutefois Baudouin Auquier, directeur des ressources humaines pour Delhaize. Notons aussi que, comptant trois femmes sur treize membres, le comité directionnel du « Lion » seclasse parmi les plus « féminins » de Belgique.
Loin de n’être qu’une revendication éthique, l’égalité de traitement se révèle une question d’intérêt général qu’il est urgentde régler. L’inégalité entraîne en effet une féminisation de la pauvreté. Temps partiel, pause-carrière et postes intérimaires se traduisent pardes avantages sociaux réduits ou supprimés. Conjuguez à cela le manque d’ancienneté au sein d’une entreprise ainsi qu’un revenu allégé d’un pourcentagevariant selon l’âge (8 % entre 20 et 30 ans; 17 % chez les 55-64 ans) et le secteur (jusqu’à 86 % dans l’habillement), vous obtenez près de trois femmes sur quatre recevant unepension d’un montant inférieur à 1 000 euros par mois, dont une au moins perçoit mensuellement moins de 500 euros. Prenant en compte la surreprésentation des femmes chefsde familles monoparentales et le seuil de pauvreté, fixé à 772,5 euros pour une personne isolée, on appréhende assez rapidement que la population fémininesoit plus encline à tomber dans la pauvreté.
Innovation ?
« La présence à la fois des autorités publiques et des partenaires sociaux (…) prouve notre volonté commune de supprimer l’inégalité salarialeentre hommes et femmes », déclarait le ministre de l’Égalité des chances, Christian Dupont (PS)4, lors de la conférence de presse du 26 mars dernierréunissant le ministre de l’Emploi, Peter Vanvelthoven, les représentants de la FGTB, de la CSC, de la CGSLB et de la FEB. Le cadre légal existe : convention collective dutravail du 15 octobre 1975 visant à garantir l’égalité de rémunération et tendant à prendre des mesures afin de réduire l’écart salarial (!);Arrêté royal du 14 juillet 1987 obligeant les entreprises à élaborer un rapport annuel sur l’égalité entre hommes et femmes; loi de 1999 contre lesdiscriminations sexistes…
Selon le ministre Dupont, la lutte contre ce phénomène passe par quelques points essentiels : améliorer les outils de mesure de l’écart salarial ainsi queréévaluer les techniques de pondération de fonction utilisées pour le calcul de rémunération; améliorer l’effectivité des législationset des règles existantes; offrir aux entreprises un soutien financier via la création d’un fonds pour la promotion de l’égalité des chances et une plus grandepublicité au travers de l’attribution d’un label ministériel . Il souligne de surcroît l’importance des réglementations européennes dans le domaine, annonçantun débat sur cette matière lors du Conseil des ministres thématique du 17 mai prochain durant lequel des mesures à court, moyen et long termes seront discutées.
Du côté des partenaires sociaux, le rapport et les mesures qui en découleront sont attendus. La FGTB5 tenait ce 30 mars pour la troisième annéeconsécutive l’ « Equal Pay Day »6, journée de sensibilisation aux questions de discriminations salariales (action soutenue notamment par la CSC, l’IEFH et leCentre pour l’égalité des chances).
La campagne « choc » (« C’est pas sentimental… c’est salarial !), lancée en cette Année européenne de l’égalité des chances pour tous, neconstitue que la partie visible de l’implication de la FGTB dans cette problématique. Depuis quelques années déjà, le syndicat a mis la question de l’écart salarialparmi ses priorités. Lors des négociations sur l’accord interprofessionnel 2007-2008, la FGTB a mis le sujet sur la table des négociations obtenant une attentionparticulière sur l’accès à la formation pour les femmes, un revenu minimum moyen garanti revu à la hausse, ainsi qu’un engagement général de mener desactions dans les différents secteurs du travail afin de concrétiser ces bonnes volontés.
Quant à la CSC7, dans le cadre la Journée internationale pour l’égalité salariale, elle propose concrètement que l’on ajoute dans le bilansocial deux chiffres supplémentaires, en plus du coût salarial global : le coût salarial hommes et le coût salarial femmes. Ajouté aux données dont on disposedéjà, ce minuscule apport permettrait de déterminer, entreprise par entreprise, l’ampleur de l’écart salarial brut et net et de comparer ces données auxdonnées nationales et sectorielles. « Les entreprises et les institutions seraient ainsi en mesure de détecter l’origine de cet écart et, surtout, de prendre les mesuresnécessaires pour y remédier. »
1. Le rapport peut être obtenu gratuitement sur demande à l’IEFH –
courriel : delvaelc@meta.fgov.be ou tél. : 02 233 49 92.
Il peut également être téléchargé à enligne
2. IEFH, rue Ernest Blerot 1 à 1070 Bruxelles – tél. : 02 233 42 65.
3. Cabinet Vanvelthoven, rue royale 180 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 209 33 33 – courriel :info@work.fed.be.
4. Cabinet Dupont, rue de la Loi, 51 à 1040 Bruxelles – tél. : 02 790 57 11 – courriel : christian.dupont@p-o.be.
5. FGTB, rue haute 42 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 506 82 11.
6. Voir http://www.equalpayday.be
7. CSC, chaussée d’Haecht 579 à 1030 Bruxelles – tél. : 02 246 31 11.