Il s’appelle Frédéric, il est belge. Il a treize ans et, balluchon sur l’épaule, il quitte ses parents, ses deux grands frères et sa petite sœur, ses amis, sonamoureuse, sans savoir s’il les reverra un jour. Il part pour tenter sa chance à l’autre bout du monde, dans un pays dont il ne connaît ni la langue ni les coutumes. Absurde ?
M.E.N.A. Quatre lettres pour désigner une réalité qui dépasse l’entendement. À force d’employer l’acronyme dans les milieux associatifs etpolitiques, on en oublierait presque qu’il revêt un sens terrible. Mineurs étrangers non accompagnés, autrement dit, enfants qui débarquent sur le sol belge seuls et sansattache familiale1. L’adjectif « étrangers » est trompeur puisque ne sont considérés comme « Mena » que les enfants qui ne sont pas issus del’Espace économique européen. Le jeune Rom avec des papiers roumains n’est a priori pas un « Mena » au sens où l’entend la loi.
Le phénomène d’exil, de fuite vers l’Occident n’est donc pas l’apanage des adultes. En 2008, plus de 2 000 enfants2 ont été signalés sur le solbelge. Ils viennent, pour leur grande majorité, des zones de turbulences de la planète.
Ce ne sont pas des touristes de passage. Ce ne sont pas, non plus, des élèves chahuteurs qui auraient décidé de se payer une tranche d’école buissonnièrede l’autre côté du monde. Ce sont des enfants qui cherchent à sauver leur peau, à manger à leur faim, à venir en aide à leur famille restée aupays.
Ils ne voyagent pas en « business class », et pas toujours de leur plein gré. Beaucoup ont pris des risques pour arriver jusqu’ici ou dans toute autre terre jugée «accueillante ». On se souvient de Yaguine et Fodé (voir dans ce dossier : Si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre vie…). On a déjà oublié les centaines, les milliers d’autres mômes qui sesont noyés dans les eaux de la Méditerranée ou de l’Atlantique, ceux qui sont morts étouffés dans les camions ou les cargos transportant des marchandises.
Ils ne vivent pas « comme des princes »
Certes, une fois arrivés sur le sol belge, ils bénéficient d’une protection juridique particulière. Ils sont d’abord accueillis quinze jours dans l’un desdeux « COO », les centres d’observation et d’orientation de Neder-Over-Hembeek et Steenokkerzeel. C’est ici qu’un premier « tri » sera fait entre lesenfants autorisés à rester sur le territoire et ceux qui seront refoulés par l’Office des étrangers, qui devra néanmoins tenir compte « del’intérêt supérieur de l’enfant ». Autrement dit, le mineur rapatrié doit pouvoir bénéficier de conditions d’accueil et de prise encharge suffisantes dans son pays d’origine. Mais l’on peut légitimement penser que si ces conditions étaient réunies, l’enfant n’aurait paséprouvé le besoin de partir…
Une fois autorisés à rester sur le territoire, les mineurs sont encore traités différemment selon leur origine ou qu’ils sont, ou pas, demandeurs d’asile.Les enfants arrivés en Belgique par le canal de la traite des êtres humains recevront aussi un soutien particulier en raison de leur situation.
Mais pour tous, le parcours en exil est tortueux. Ils doivent, par la force des choses, délaisser une bonne part de leur enfance pour se préoccuper de leur existence, de leur deveniret éventuellement, de leur mission à l’égard de la famille restée au pays. Ils ont pourtant atteint un rêve que des millions d’enfants leur envient àtravers le monde : être passé de l’autre côté, avoir quitté les zones de turbulences.
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Photos : Agence Alter asbl, Bruxelles.
1. La Loi Tutelle spécifie que le Mena est toute personne de moins de 18 ans, non accompagnée par une personne exerçant l’autorité parentale ou la tutelle envertu du droit belge.
2. Selon le rapport 2008 de l’Office des étrangers, 2247 signalements Mena ont été effectués pour un total de 2002 personnes.