L’an dernier, la Commission demandait à chaque pays de l’Union de lui remettre un rapport scientifique sur l’impact de la stratégie européenne pour l’emploi. Cela fait eneffet quatre ans que le mécanisme de coordination des Plans d’action nationaux fonctionne, et il est peut-être nécessaire d’y apporter des ajustements, voire desréorientations. Le rapport belge a été clôturé en mars par les équipes de l’Hiva (KUL)1 et du Dulbea (ULB).
Il se divise en dix thèmes (intégration sociale, fiscalité, etc.). Les neuf premiers touchent un ou plusieurs piliers de la SEE, et le dernier est transversal, consacréà l’élaboration des politiques.
Même si les rapports sont unanimes à constater qu’il est trop tôt pour entrevoir déjà l’impact effectif de la SEE en termes d’augmentation nette de l’emploi, nombrede commentaires et d’analyses sont proposés (en plus de centaines de statistiques). Une note de synthèse reprend ces enseignements en suivant les quatre «piliers» de laSEE.
Les quatre piliers
> ýapacité d’insertion. Les mesures «préventives» des politiques actives ont été particulièrement développées, ainsi que lesmesures liées aux pièges financiers à l’emploi, qui nécessitent une coordination des politiques d’indemnisation et des politiques d’emploi. Le lien entre cette secondesérie de mesures et l’amélioration du taux d’emploi est cependant loin d’être évident.
> Entrepreneuriat : «Peut-être un des points les plus faibles, du fait d’un manque de définition rigoureuse des objectifs à atteindre, notamment du point de vue dutype d’entreprise dont on veut encourager la création.» La multiplicité des instruments mobilisables est aussi considérable, «entre réduction descoûts (premier emploi…) et amélioration de l’environnement en termes de formation et d’innovation». La mesure la plus importante reste la diminution des chargessociales pour alléger le coût du travail.
> Modernisation de l’organisation du travail : «C’est un champ d’action traditionnel de la politique publique belge, caractérisé à la fois par des mesuresindividuelles et collectives. Les lignes directrices ont de ce point de vue eu peu d’impact, mais la politique belge en la matière a consisté à inscrire la réflexionsur la modernisation de l’organisation du travail et des temps de travail dans le cadre des lignes directrices.» Il y manque toutefois un pan : celui de l’aménagement des tempssociaux («transports, services publics et privés, dont systèmes de soins aux personnes, enfants et personnes dépendantes»).
> ýgalité des chances : «C’est sans aucun doute le domaine d’intervention publique qui a le plus bénéficié de la stratégieeuropéenne pour l’emploi. Dans l’optique du gendermainstreaming, des progrès constants ont été réalisés en ce qui concerne la collecýe etla diffusion de statistiques ventilées selon le genre.» Il faut dire qu’on revient de loin… Un groupe de travail fédéral interdépartemental sur legendermainstreaming a été mis en place, ainsi qu’une conférence interministérielle impliquant régions et communautés. Point faible : cespréoccupations n’ont pas encore pu pénétrer les négociations collectives.
L’élaboration des politiques
Au rang des enseignements transversaux, on remarque l’amélioration des rapports entre fédéral, Régions et Communautés. Nombre de procédures ontété simplifiées, comme celles qui lient l’Onem et les services régionaux de l’emploi. Il reste encore à avancer dans la simplification des mesures par chaque niveaude pouvoir, en veillant à coordonner les initiatives. Les accords de coopération ont aussi été utilisés à de nombreuses reprises.
Le rapport, c’est un poncif, s’est heurté à l’absence d’évaluation des multiples politiques : il est «riche en termes de résultats bruts, de nombre de personnesconcernées et de participants, de budgets consacrés et de poids relatifs des différentes politiques, mais nous ne pouvons dire que très peu de choses en matière derésultats nets et donc d’efficience des politiques».
Autre problème du même ordre : la bonne conjoncture 1998-2001 produit pour certaines mesures de très bons effets bruts. Trop bons, dirait-on, puisque leur efficacité doitêtre assurée dans des ambiances économiques plus difficiles.
En revenant sur le contenu des lignes directrices, les chercheurs pointent aussi certaines de leurs limites.
> Le premier pilier définit des publics prioritaires. La focalisation des efforts sur les moins de 25 ans est ainsi trop exigeante pour la Belgique, qui a tenté de garder des effortsproportionnels envers les chômeurs de longue durée. Mais on sait que des politiques d’emploi qui définissent trop largement leurs publics cibles risquent l’inefficacité enlaissant trop largement cours aux effets d’aubaine.
> Des mesures présentées comme d’ordre pratiquement technique cachent en fait des orientations politiques fondamentales. En particulier, les Lignes directrices prônant unallègement de la fiscalité et de la parafiscalité pèsent directement sur le budget deŸl’État et sur celui de la Sécurité sociale, au risque deprovoquer à terme des restrictions dans les dépenses publiques… en matière de formation et d’emploi.
> Autre contradiction, celle de vouloir des résultats rapides et d’exiger en même temps que les autorités jouent le jeu de la concertation avec les partenaires sociaux. Simpleexemple : les mesures Onkelinx en matière de temps de travail ont été mises en chantier en 2000, puis adoptées il y a quelques mois, et seront transcrites dans le prochainaccord interprofessionnel, puis dans les secteurs, etc. Les premiers effets ne seront pas visibles avant 2005. En conclusion, les chercheurs plaident pour des Plans d’action nationaux bisannuels.
> Et enfin est énoncée en des mots choisis une critique que nombre de décideurs murmurent en n’osant que rarement la porter sur la place publique : «Les premiers Plansd’action nationaux ont été l’occasion pour les États membres de mettre sur papier les différentes politiques mises en œuvre, même lorsque certainesd’entre elles n’étaient pas nécessairement nouvelles. Il semble difficile de soutenir ce rythme et d’élaborer annuellement des mesures nouvelles (…).L’exigence de PAN annuels risque alors de déboucher sur une inflation de mesures, pas nécessairement pertinentes, au détriment de l’efficacité de longterme.»
1 Hiva, Joost Bollens, E. Van Evensocialrave; 3000 Leuven, tél. : 016 32 33 33, fax : 016 32 33 44, site web : http://www.kuleuven.ac.be/hiva/
Évaluation d’impact de la stratégie européenne pour l’emploi en Belgique, document prochainement téléchargeable sur le site web de
l’Hiva.
Archives
"Quatre années de Plans d'action belges pour l'emploi : une première évaluation d'impact"
Thomas Lemaigre
29-04-2002
Alter Échos n° 119
Thomas Lemaigre
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