Pas triomphal, mais presque ! Le rapport annuel1 de l’Onem décrit une Belgique dont les chiffres du chômage sont les meilleurs depuis vingt ans. « Minute, papillon ! », rétorquent CPAS et associations de lutte contre la pauvreté !
La nouvelle a étonné : le chômage n’a plus jamais été aussi bas depuis vingt ans ! Le contexte général en Europe est effectivement inquiétant depuis 2007 et le début de la crise. La Belgique a plutôt bien résisté. Le chômage a baissé de 7,5 à 7,2 % et est repassé largement sous la moyenne européenne qui a, pour sa part, augmenté de 7,2 à 10,1 %. De 20e sur 27, la Belgique est passée 7e dans la performance du plus bas taux de chômage.
Au centre du dispositif, l’activation de la recherche d’emploi. Le nombre de demandeurs d’emploi concernés par la procédure d’activation a diminué. Il était en 2011 de 240 559. « Près de 97 000 entretiens ont donc été organisés », nous déclare Georges Carlens, administrateur général de l’Onem. 56 % ont fait l’objet d’évaluations positives avec des chiffres similaires selon les régions, une information allant un peu à contre-courant d’un certain discours présent en Flandre. Au final, l’Onem annonce un peu moins de 16 000 sanctions, environ 10 500 temporaires et 5 500 exclusions. « A cela, il faut ajouter les 9 000 personnes qui ne sont jamais venues aux entretiens », ajoute le haut-fonctionnaire.
L’éternel débat sur les statistiques
Les recours sont peu nombreux : environ 2,4 % et l’Onem en gagne 8 sur 10. Satisfecit ? On peut néanmoins s’interroger sur l’efficacité d’une administration qui perd 20 % de ses recours…
On compte encore néanmoins 118 209 chômeurs de longue durée (moins de 50 ans chômant depuis au moins deux ans). « C’est le meilleur chiffre depuis 1981 », lâche Carlens. Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur et économiste, enrage dans les pages du quotidien La Libre Belgique2 y expliquant largement son désaccord sur la définition du chômeur.
Mais que deviennent les chômeurs exclus après le troisième entretien prévu dans le plan d’activation ? En Wallonie, on en retrouve environ 20 % au travail, 35 % au CPAS mais surtout 45 % d’entre eux disparaissent totalement des radars de la sécurité sociale (près de 60 % à Bruxelles).
Derniers filets de sécurité, les CPAS sont très inquiets de la situation. D’après une étude réalisée par la fédération des CPAS de Wallonie3, la charge financière pour les CPAS a crû de 290 % passant de 18,1 millions d’euros en 2008 à 52,6 millions en 2011.
Rechercher au-dessous des radars
Cela ne semble pas prêt de s’arrêter, car, si l’Onem a annoncé que les sanctions étaient en baisse, le nombre de chômeurs exclus qui font appel aux CPAS continue d’augmenter passant de 4 615 personnes à 5 255 entre 2010 et 2011. La Fédération des CPAS de Wallonie pense qu’il s’agit d’une question de profil, mais sans doute peut-on penser qu’il s’agit aussi d’effet retard, les exclus tardant à s’adresser aux CPAS cherchant d’abord d’autres solutions ou s’appuyant pendant un temps sur la solidarité familiale.
L’étude de la Fédération semble valider cette hypothèse puisqu’elle relève une large majorité de chef d’une famille monoparentale (40 %) ou d’isolés (40 %) parmi les exclus arrivant au CPAS. Ces personnes ont aussi un niveau de scolarité très bas. Un constat qui rend les CPAS très critiques, car le bagage intellectuel permet souvent d’échapper à la sanction.
Rocco Vitali, le directeur du Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté4 s’interroge sur ces personnes frappées de sous-protection sociale. « Personne n’a de statistiques. On peut formuler plusieurs hypothèses : le retour à la solidarité familiale, mais aussi la peur de l’enquête sociale, des procédures, et du « flicage social » », estime-t-il. « Nous avons travaillé sur les itinéraires de trente personnes. Cela n’a pas valeur statistique, mais cela va dans le sens de la validation de ces hypothèses. Nous proposons que le service Pauvreté du Centre pour l’égalité des Chances étudie cette question », conclut-il.
1. Le rapport annuel de l’Onem est téléchargeable sur http://www.onem.be/Frames/Frameset.aspx?Path=D_stat/Jaarverslag/&Language=FR&Items=2/1
2. http://www.lalibre.be/economie/entreprise-emploi/article/729016/philippe-defeyt-non-le-chomage-n-est-pas-au-plus-bas.html
3. Fédération des CPAS wallons :
– adresse : rue de l’Etoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 240 650
– site : http://www.uvcw.be/espaces/cpas/
4. Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté :
– adresse : rue Fernand Bernier, 40 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 600 55 66
– site : http://www.fblp.be