Le 25 novembre dernier avait lieu le 3e forum national de consultation citoyenne organisée par l’Institut du Nouveau Monde1 au Québec dans le cadre de lacommission Bouchard-Taylor2 (cf. Alter Échos n° 224). Le Dr. Jean Renaud du département de sociologie de l’Université de Montréal y aprésenté les résultats de sa dernière recherche longitudinale complétée auprès de 2 000 personnes et portant sur l’intégration desimmigrants au Québec. Surprise ! Selon le spécialiste, l’apprentissage du français ne serait pas un facteur déterminant dans l’intégration desimmigrants à la société québécoise. Un débat qui fait écho chez nous à ceux suscités par le parcours d’intégration àla flamande…
« La langue qu’on apprend dans les livres n’est pas suffisante pour intégrer la société québécoise », affirme Jean Renaud.L’insertion des nouveaux arrivants passe davantage par l’intégration d’un réseau composé de locaux dans lequel ils apprendront les référentsculturels et les savoirs-faires propres au Québécois.
L’intégration ne se fait pas à travers des cours de langue
Selon Jean Renaud, la connaissance de la langue n’est pas nécessaire à cette insertion et elle ne mène pas automatiquement à cette insertion. « En bref, lalangue sans les informations sur les emplois et les savoirs informels est sans effet » sur l’intégration des nouveaux arrivants.
Selon lui, les cours d’intégration offert par les Centres d’orientation et d’intégration des immigrants (Cofi), abolis sous le régime péquiste3à la fin des années 90, étaient plus efficaces que les cours de français, car on y expliquait la culture québécoise. Jean Renaud croit qu’il fauttrouver des solutions pour augmenter les contacts entre locaux et nouveaux arrivants, car « l’intégration ne se fait pas à travers des cours de langue. »
Pour Yasmina Chergui, algérienne d’origine, les réseaux accessibles aux immigrants sont les autres immigrants et non la communauté québécoise. « Onse retrouve confiné dans notre propre communauté car les réseaux québécois sont peu accessibles », témoigne-t-elle lors d’un atelier sur laquestion qui avait lieu en après-midi. Rim Mohsen, fille d’immigrants ayant grandi en Outaouais, dans l’Ouest du Québec, abonde dans le même sens. « Tous lesréférents culturels québécois, je les ai appris à l’école, dit-elle. Ce qui n’a pas été le cas de ses parents. »
Le fait français, une question québécoise
Jean Renaud affirme que la connaissance du français chez les immigrants est peu rentable en termes d’accès aux emplois qualifiés. « C’est surtout rentablepour la société elle-même, puisque l’apprentissage du français chez les nouveaux arrivants assure la pérennité du fait français de lasociété québécoise », explique-t-il.
Et le fait français, les Québécois y tiennent. Un vent de panique a soufflé sur la province lors de la dernière publication des chiffres de Statistique Canada,le 5 décembre dernier. La plupart des journaux titraient que le français était en perte de terrain ou résumaient les grandes tendances tirées du recensement de 2006comme « plus d’immigrants et moins de francophones ».
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, en a profité pour mêler les cartes. Selon elle, le recul du poids démographique du français justifie l’adoptionde son projet de loi 195 sur l’identité, qui prévoit des mesures punitives pour les immigrants qui refusent d’apprendre le français.
Pourtant, si on comprend bien les chiffres de Statistique Canada, l’agence n’a pas établi de liens direct entre les choix linguistiques des immigrants et le recul dufrançais. Ce serait plutôt le contraire. Selon Statistique Canada et l’étude longitudinale de Jean Renaud, l’utilisation du français chez les immigrants auQuébec est en hausse.
D’après Statistique Canada, cette baisse du poids démographique est attribuable à une légère hausse de la population anglophone de la province ainsi qu’àl’accélération de l’immigration allophone au cours des cinq dernières années.
En fait, le déclin de la langue française est surtout présent chez les communautés francophones hors Québec. Selon l’agence, l’utilisation dufrançais par les minorités francophones dans les milieux publics est en déclin.
1. Institut du Nouveau Monde :
– adresse : 630, rue Sherbrooke Ouest, Bureau 1030 à Montréal (Québec) H3A 1E4
– tél. : 514 934-5999
– courriel : inm@inm.qc.ca
– site : www.inm.qc.ca
2. Le 8 février dernier, le premier ministre québecois Jean Charest annonçait la création d’une Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement liéesaux différences culturelles. Cette commmission est présidée à la fois par l’auteur et philosophe Charles Taylor et l’historien et sociologue Gérard Bouchard,d’où son nom.
3. Péquiste signifie du Parti québécois, un parti qui œuvre sur la scène provinciale et préconise la souveraineté du Québec.