Les 14 et 15 mars était organisé un colloque sur « L’emploi des travailleurs subsahariens dans la Région de Bruxelles-Capitale ». L’initiativeétait prise par le ministre de l’Emploi Éric Tomas1 et par le Réseau européen des villes pour l’économie sociale, la Febisp et l’asblElykia espoir.
Pourquoi maintenant ?
Les Africains de Bruxelles ont des difficultés à entrer dans les dispositifs d’insertion existants. C’est un constat qui se fait un peu partout sur le terrain, dansl’associatif comme à Bruxelles Formation et à l’Orbem. D’un autre côté, des associations d’Africains se structurent et tentent de faireagréer leurs activités dans le cadre des décrets existants. « Sur une matière comme l’insertion socioprofessionnelle, plusieurs demandes – toutes cellesqui étaient rentrées, en fait – ont ainsi dû être refusées en 2002 », nous dit Babeth Jérome, conseillère du ministre. Et une partie desassociations africaines de revendiquer des quotas pour leurs publics dans l’offre de formation existante.
Du côté du gouvernement, dans le sillage des travaux du Parlement bruxellois et dans le cadre du Pacte régional pour l’emploi des Bruxellois, le ministre metl’accent sur la mobilisation des partenaires sociaux et du secteur de l’insertion dans la lutte contre les discriminations racistes sur le marché de l’emploi, à lafois par des actions positives, des campagnes de sensibilisation, et un volet répressif.
Spécificités des Africains
Les problèmes rencontrés pour l’accès à l’emploi sont ceux que rencontrent les étrangers de toutes origines extra-européennes :barrières juridiques pour l’accès au séjour et à la citoyenneté, barrières juridiques et administratives pour l’accès au permis detravail, discrimination directe, notamment à l’embauche, mais aussi à l’accès aux formations, non-reconnaissance des diplômes, insuffisance de l’offre decours de français langue seconde, etc.
Mais les Africains rencontrent aussi des problèmes spécifiques : la discrimination sur la base de la couleur de peau semble plus aiguë que pour les personnes d’autresorigines, passant notamment par des exigences fortes des employeurs en matière d’attitudes professionnelles.
La question de l’équivalence des diplômes est d’autant plus sensible que nombre d’Africains – et de Congolais en particulier – ont en partieétudié en Belgique : même si ce problème ne touche qu’une petite partie des Africains de Bruxelles, elle les conduit souvent dans des situations d’emploiextrêmement sous-qualifié.
Et enfin, les aspirations des Africains qui arrivent sur le marché du travail, autant les « primo-arrivants » que les « seconde génération », ne sontpas suffisamment rencontrées par les dispositifs d’insertion existants.
C’est ce dernier aspect qui semble d’ailleurs accélérer l’émergence de demandes d’agrément issues des associations d’Africains deBruxelles… demandes toutes refusées jusqu’ici, entre autres pour des questions de non-équivalence des diplômes – et pas seulement dans le secteur del’ISP.
Les réponses
Le colloque a surtout consisté en présentations d’expériences innovantes et réussies dans d’autres pays européens. Chaque fois, il étaitdemandé à des Bruxellois de commenter l’exposé de l’intervenant étranger sous l’angle de la transposabilité du projet à Bruxelles. Unemanière originale d’organiser la discussion, dont on trouvera prochainement trace dans les actes du colloque2.
En attendant, nous pouvons reprendre les pistes d’actions à l’ordre du jour chez le ministre Tomas. Elles sont de deux ordres : l’insertion professionnelle des demandeursd’emploi défavorisés quels qu’ils soient, et la lutte contre les discriminations. Mais face aux demandes des Africains, le ministre reconnaît aussi lanécessité d’aller plus loin.
Et de mettre des balises sur le plan des principes politiques, au nom de l’égalité des droits individuels. Le ministre proscrit d’emblée toute idée dequotas, ainsi que de subventionnement de services ouverts exclusivement aux ressortissants d’une communauté. Autrement dit, il introduira les spécificités que rencontrentles Africains dans le dispositif de lutte contre les discriminations, et il ne prône la reconnaissance de services issus des communautés africaines que si « ces initiativesprofitent à tous les Bruxellois confrontés aux mêmes problèmes ». Babeth Jérome précise quelque peu cette dernière piste en partant de lanécessité de donner suite, dans les tout prochains mois, à certains dossiers associatifs restés sans réponse : le ministre envisage de lancer rapidement un cadreplus léger que le cadre décrétal, pour tester des formules de reconnaissance qui correspondent aux principes qu’il défend. Il s’agirait de susciter descollaborations avec l’associatif africain, en mettant différentes mesures existantes au service de projets existants ou émergents. Le colloque a permis au ministre de retenirtrois pistes prioritaires pour ce qui concerne le contenu de tels projets.
> L’accompagnement et le suivi des demandeurs d’emploi et des personnes en formation, sous forme de guichet de première ligne, et dans une optique proche de lamédiation interculturelle.
> Le soutien de projets de formation professionnelle existants, qui disposent de trop peu de moyens.
> La création d’organismes d’insertion qui fassent le pont avec la coopération, sur des activités tel le reconditionnement de matériel informatiqueusager.
« Le but du colloque était d’engendrer un processus qui permette de se diriger vers des actions plus concrètes. Les groupes de travail qui l’ontpréparé assureront désormis le suivi de la dynamique. »
Michel Luzolo, responsable de l’asbl Elykia Espoir3, coorganisatrice de l’événement, abone dans le même sens : « Le chemin à parcourir est certainementencore long, mais les débats ont montré que la problématique avance. Les différentes parties comprennent ddésormais les attentes les unes des autres, et deschantiers concrtes sont ouverts. »
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