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Quel avenir pour les Agences de développement local ?

En septembre, le gouvernement wallon devrait s’accorder sur les arrêtés relatifs au projet de décret modifiant le décret du 25 mars 2004 sur l’agrément etl’octroi de subventions aux agences de développement local (ADL). Nouveaux statuts, recentrage des missions et pérennisation sont à l’ordre du jour. Vues du terrain.

29-08-2005 Alter Échos n° 192

En septembre, le gouvernement wallon devrait s’accorder sur les arrêtés relatifs au projet de décret modifiant le décret du 25 mars 2004 sur l’agrément etl’octroi de subventions aux agences de développement local (ADL). Nouveaux statuts, recentrage des missions et pérennisation sont à l’ordre du jour. Vues du terrain.

Concrètement, la Division de l’Emploi et de la Formation professionnelle1 définit l’ADL comme suit : « Outil à la disposition des communes, ledéveloppement local mise sur la capacité du milieu à devenir le moteur de son développement. Une de ses spécificités est d’intégrer despréoccupations sociales, culturelles et environnementales aux exigences économiques. » Les missions des ADL consistent à « créer de nouvelles activitésqui génèrent des emplois durables » et à « augmenter l’attractivité de la commune ».

Le nouveau décret vise à pérenniser les ADL et leur personnel. L’ADL sera agréée pour une période de trois ans. A cette fin, elle devra adopter lestatut de régie communale autonome (RCA), le statut d’asbl ou celui de régie ordinaire (service communal). Ses missions sont recentrées sur la créationd’activités. Le cabinet du ministre wallon de l’Emploi et de l’Économie souhaite également un rapprochement entre ADL et Maisons de l’emploi.

« Pour les communes disposant sur leur territoire d’une ADL et d’une Maison de l’emploi, ce rapprochement serait vraisemblablement inévitable, précise le PV du 30 mai 2005 dela Plate-forme ADL hébergée par l’Union des Villes et communes de Wallonie2. Quant aux modalités de rapprochement, rien n’est décidé, mais le cabinet meten évidence que, sur certaines missions précises, une mise en commun est possible. Ainsi, l’accueil des candidats investisseurs et porteurs de projets pourrait se faire dans un lieuunique. Un guichet où futurs employeurs et futurs employés pourraient se rencontrer. Il a été précisé que ni les ADL ni les maisons de l’emploi ne verraientleurs missions réduites. Par ailleurs, l’organisme qui naîtrait de ce rapprochement n’est pas défini : ASBL, plate-forme, convention de partenariat,… toutes lespossibilités sont encore envisageables. Aucune réduction de subsides en perspective. »

Statuts et stabilité du personnel

Pour Claude Parmentier, président de la Plate-forme des ADL et bourgmestre de Wanze3, les enjeux sur les statuts sont importants. « Les nouvelles ADL auront le choix entreadopter les statuts de RCA, d’asbl ou de régie ordinaire (service communal), or la plupart des anciennes étaient des régies ordinaires. » Cela risque d’entraîner deschangements par rapport au personnel, car si des ADL cessent d’être des services communaux, le personnel ne disposera plus des possibilités de mutation offertes au personnel communalpuisqu’il n’en fera plus partie. De même, la charge administrative (secrétariat social, gestion de comptes…) retombera – avec le nouveau décret – sur les ADL. Enrevanche, il est vrai que le personnel verra son avenir assuré sur trois ans et non plus sur un an.

Dans plusieurs ADL, on réfléchit encore sur le statut à adopter. Et on attend parfois avec impatience l’arrêté qui permettra de passer à uneévaluation triennale du dispositif. À l’ADL de Jodoigne4, on estime que trois ans constituent une période idéale pour la pérennisation de l’ADL : celalaisse le temps aux choses de se mettre en place, tout comme cela permet de stabiliser le personnel qui connaît une forte rotation dans le secteur.

À Perwez, Guy Dugauthier, responsable de l’ADL5, rappelle que beaucoup de choses peuvent interférer suivant la territorialité de l’ADL, l’existence d’autresservices, les moyens d’action accordés par les communes, les libertés accordées par ces dernières, les changements de majorité locales… À cela s’ajoute lefait que les budgets alloués pour engagés des A1 ou des A2+ sur base de zéro année d’ancienneté attire surtout des personnes – sans expérience – quisortent des écoles. La précarité des emplois fait aussi que certains vont rapidement chercher ailleurs. Même constat à Visé6, où lareconduction d’année en année des subsides est perçue comme déstabilisante, même si « on s’y est fait ». Francis Collet, responsable de l’ADL deMarche-en-Famenne7 ne s’inquiète pas non plus de l’avenir.

Du côté de l’ADL de Gembloux, Chantal Lemal8 est nettement plus inquiète. Le choix en matière de statut n’a toujours pas étéarrêté. Or, si on se détache, les frais de gestion vont augmenter. Cela ne nous permettra plus de faire notre travail correctement. Même en régie ordinaire, celadeviendra plus compliqué en termes de gestion quotidienne… Certains projets risquent aussi de disparaître si la Région nous dit que nous ne pouvons plus les mener et que lacommune ne peut pas les reprendre. » Sans compter que le décret va obliger les ADL à disposer de deux agents et que certaines communes ne pouront pas se le permettre.Devront-elles déclarer forfait ?

Autre son de cloche à Aiseau-Presles9, où Léo Sclapari ne redoute guère l’arrivée du décret. À la tête de la premièreADL-pilote, tout comme celle de Pont-à-Celles, il n’a pas à se poser la question du changement de statut, puisque dès le départ, il a opté pour celui d’asbl.« Le but était de créer une coupure avec la commune pour avoir un meilleur contact avec les entreprises », justifie-t-il. Le décret conforte son ADL puisqu’il permetaux agents d’avoir des contrats pour trois ans. Pour lui, il est temps d’être pérennisé. « Nous sommes action-pilote depuis sept ans, cela n’a plus beaucoup de sens. Depuistrois-quatre ans, nous sommes prévenus assez tôt de notre reconduction. On a pris le pli de travailler en ne s’inquiètant pas trop pour soi. »

Création d’activités et emploi

Le président de la plate-forme ADL estime toutefois positif qu’on en revienne à la mission première des ADL, à savoir la création d’emplois locaux par la mise enplace d’ADL. « On leur rend leur caractère plus économiques, mais il faudra veiller à trouver des collaborations avec les Maisons de l’emploi », rappelle-t-il.

A Jodoigne, l’ADL travaille sur trois axes au niveau économique : revitalisation du centre commercial au travers de l’association des indépendants ; création de synergie entreles entreprises en vue de la mise sur pied d’une association locale les représentant ; et mise en avant des artisans locaux et des produits du terroir. Concernant l’emploi, l’ADL jodoignoiseest train de préparer un salon de l’emploi (2006) pour faciliter la rencontre entre l’offre et la demande. Dans cette optique, à l’ADL de Jodoigne, on estime judicieux le rapprochementavec la Maison de l’emploi, même s’il n’en existe pas sur le territoire communal. Des synergies pourraient être envisagées avec celles de Perwez ou de Orp-Jauche.

Pour sa part, Guy Dugauthier à Perwez, souhaiterait qu’on revisite les outils du développement local. « L’économie sociale marchande devrait davantage êtresoutenue par la Région », estime-t-il. Et d’ajouter que la plus-value des ADL repose sur leur capacité à mettre en réseau, sur des secteurs différents, entreautres pour favoriser la mise en place de partenariats public-privé. Quant au rapprochement avec les Maisons de l’emploi, cela lui apparaît logique, mais le Forem doit rester unparternaire extérieur, car le rôle de l’ADL est plus économique. « Et le rôle de l’économique, c’est d’abord de créer du profit, même s’il y a unobjectif social à créer de l’emploi. »

À Visé, le recentrage des missions pose question, d’autant que certains projets sont plus axés sur la promotion du « tourisme doux » (respectueux del’environnement), la sensibilisation à l’URE (utilisation rationnelle de l’énergie) ou encore un projet de coopération Nord-Sud. L’ADL visétoise doit se réorienter.Elle travaille actuellement à la mise sur pied d’un salon emploi dans la Basse-Meuse en association avec la Maison de l’Emploi de Bassenge. Vis-à-vis des entreprises, elle les soutientau travers d’un groupe de travail axé sur la gestion de déchets ou encore sur des thématiques ayant trait au développement durable. A terme, l’ADL s’orientera aussi versle soutien aux porteurs de projets pour être conforme au décret.

Du côté de Marche, Francis Collet voit la situation d’un autre oeil : «Marche est le moteur d’une petite région. On part de rien et on a tout à construire. Il n’ypas de ressources naturelles, mais la ville est dynamique en termes de PME et de création d’emplois : la ville compte plus de travailleurs que de population active. Néanmoins, le tauxde chômage local reste élevé. » L’ADL travaille surtout à renforcer les acteurs économiques et les synergies entre eux. Le but est de réinvestir dans lecentre-ville et dans l’hinterland économique du Pays de Famenne, à savoir Marche, Rochefort, Nassogne, Somme-Leuze, Durbuy et Hotton. Au total, 85 % des échanges se font entreces six communes. Elles se complètent sur le plan touristique. Un des gros boulots de l’ADL est donc de maximiser la mutualisation des ressources du « pays », de favoriser lemaillage, les réseaux. Sur la problématique de l’emploi, l’ADL travaille déjà en partenariat avec le réseau des opérateurs de l’insertion professionnelle, enattendant l’arrivée d’une Maison de l’emploi.

L’ADL de Gembloux mène aussi un travail de réseautage et de création de synergies entre des acteurs locaux. Pour Chantal Lemal, le développement local consiste àfaire émerger une meilleure image de la ville ou du village pour favoriser le développement économique et créer des richesses sur le territoire. « C’est donc untravail de fond, de mise en réseau, mais qui ne crée pas directement des emplois. Donc, on se sent mal par rapport à une justification de création d’emplois. D’autantqu’avec le rapprochement avec les Maison de l’emploi, on se demande à quelle sauce on va être mangé », explique-t-elle. « On semble attendre aussi de nous que l’ondevienne des guichets centrés « entreprises ». On serait donc un intermédiaire communal qui reçoit les candidats entrepreneurs, or c’est plutôt le rôle des Chambres deCommerce et d’Industrie, des pépinières d’entreprises, des agences-conseil…»

La question est abordée très différement du côté d’Aiseau-Presles, où les axes de travail consistent en création d’activités nouvelles etcréation d’entreprises, et pérennisation des PME et TPE. Ce qui implique la consolidation d’emplois existants ou la création de nouveaux. L’ADL anime également uneplate-forme des organismes locaux (services, asbl…) et mène une action de réflexion sur le développement durable avec les Services Environnement et Travaux.

A suivre…

Pas de véritable conclusion à tirer, si ce n’est que chaque ADL a sa spécificité territoriale. Elle doit faire avec ce dont elle dispose et s’adapter enconséquence. Les arrêtés de mise en oeuvre du décret sont – de manière unanime – attendus avec impatience, mais seront sans doute appréciésdiversement.

1. Division de l’Emploi et de la Formation professionnelle – Direction générale del’Economie et de l’Emploi – Ministère de la Région wallonne – Place de la Wallonie, 1 Bât. II à 5100 Namur – tél. : 081 33 31 11 – fax : 081 33 43 22
2. Union des Villes et communes de Wallonie, rue de l’´Étoile, 14 à 5000 Namur – tél. : 081 2406 11 – fax : 081 24 06 10
3. Cabinet du bourgmestre de Wanze, place Faniel, 8 à 4520 Wanze – tél. : 085 27 35 10 – fax : 085 27 35 19
4. ADL de Jodoigne, Château Pastur, Rue du Château, 13 à 1370 Jodoigne – tél. : 010/84.06.23 – courriel : adl.jodoigne@skynet.be
5. ADL de Perwez, rue de la Station, 11 à 1360 Perwez – tél. : 081 64 92 76 – courriel : dugauthier@caramail.com
6. ADL Visé, rue des Cyclistes Frontière, 24 à 4600 Visé – tél. : 04 374 86 32 – courriel : adlvise@skynet.be
7. ADL de Marche, rue des Carmes 24, à 6900 Marche-en-Famenne – tél. : 084 32 70 78 – courriel : adl@marche.be
8. ADL de Gembloux, Château du Bailli, 1er étage à 5030 Gembloux – tél. : 081 62 55 54 – courriel : chantal.lemal@publilink.be
9. ADL d’Aiseau-Presles, rue J. Kennedy, 150 à 6250 Roselies – tél. : 071 26 06 91 – courriel : leo.sclapari@tiscali.be

Baudouin Massart

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