L’éducation et la formation des détenus n’est certainement pas une des priorités de l’administration pénitentiaire. Des cours et formations existent,dispensés par des asbl de formation et d’éducation permanente. Leur contenu couvre un spectre très large, qui va des cours d’alphabétisation à laformation professionnelle en passant par les ateliers photo. Cette diversité est à la fois une force, puisqu’elle permet de mener à bien des projets adaptés àun contexte pénitentiaire particulier, et une faiblesse qui résulte de sa dispersion.
Quel profil socio-pédagogique des détenus?
A l’initiative de la FAFEP1, quatre organisations2 ont enquêté pendant un an dans les prisons de la Communauté française, afin d’y dresser un portraitsocio-pédagogique des détenus et détenues, avec pour objectif principal d’améliorer l’éducation permanente et la formation en milieu carcéral. Ledétenu moyen est masculin à 95 %, jeune (32 ans) et à 50 % d’origine étrangère (si l’on remonte à la nationalité des parents).
Peu scolarisés, les détenus entre 21 et 45 ans sont près de 30 % à ne disposer d’aucun diplôme et 40 % à bénéficier du certificatd’étude de base. Chez les plus de 41 ans, on remarquera qu’environ 10 % déclare disposer d’un diplôme d’études supérieures, alors que plusd’un quart (27 %) n’a aucun diplôme.
Pour ce qui est de l’origine sociale, la plupart des détenus déclarent un père sans profession, ouvrier ou manœuvre. En ajoutant ceux qui ne souhaitent pass’exprimer, on obtient 75 û de la population pénitentiaire issue de classes sociales peu favorisées. Cette origine sociale semble, chez les détenus, peugénératrice d’ambition professionnelle ou d’ascension sociale. Peu ont un rêve ou une passion à réaliser. Quand ils citent un métier, c’estcelui de leur père ou celui qui découle des études entamées.
En comparant le niveau d’études déclaré avec le niveau évalué par des tests de français et mathématiques, les enquêteurs doivent bienconstater que les filières professionnelles forment des personnes dont les compétences stagnent au niveau primaire. « Tout se passe, note l’enquête, comme si cesétudes (du moins pour les personnes qui connaissent la prison par la suite) n’apportaient quasiment rien sur le plan des compétences en français et en mathématiques.De là à en conclure que l’on n’attend pas des travailleurs manuels qu’ils maîtrisent les compétences permettant de participer pleinement à la viedémocratique. »
Eduquer à d’autres valeurs
wernier volet de l’enquête, les attentes des détenu(e)s en matière de cours. Apparemment elles sont énormes, puisque 94 % des personnes interrogées enréclament. Les enquêteurs tiennent cependant à nuancer. La réponse est d’abord de circonstance. « Si l’offre répondait entièrement àcette demande apparente, il n’est pas certain que la présence au cours soit à la même mesure. »
Pour augmenter l’offre disponible, la FAFEP plaide pour davantage de profs, de moyens matériels, de locaux et un soutien actif de l’Administration pénitentiaire. Pas facileparce qu’actuellement, la volonté politique d’y parvenir semble faire défaut.
La question ne porte pas uniquement sur la quantité de l’offre, mais bien aussi sur son contenu. Beaucoup aujourd’hui semblent voir dans la formation qualifiante, un moyen efficacepour détourner le détenu du cercle vicieux de la délinquance grâce à un boulot. « Le problème est plus complexe que cela, note Daniel Wagner del’Adeppi. Après avoir bénéficié de ressources importantes dans la délinquance, l’ancien détenu sera–t-il séduit par unecarrière de maçon? Il faudrait en plus, et peut-être surtout, travailler sur les modèles que ces jeunes se font de leur devenir dans la société. »
La valorisation de l’argent et de la consommation, ainsi que le mépris des métiers manuels est en porte-à-faux avec les perspectives de réinsertion qu’offrentles formations proposées en prison. « Il faudrait donc les intéresser à d’autres choses que l’argent, conclut Daniel Wagner, mais ce n’est pas vrai quepour eux… »
1 FAFEP (Fédération des associations pour la formation et l’éducation permanente en prison).
2 ADEPPI, rue de l’Enseignement 91 à 1000 Bruxelles, tél. 02/223 47 02; Aide et reclassement, rue Rioul 22 à 4500 Huy, tél. : 085/21 45 83; ASJ, En Feronstrée129 à 4000 Liège, tél. : 04/223 43 18; FUNOC, av des Alliés 19 à 6000 Charleroi, tél.: 071/31 15 81
Archives
"Quelle réinsertion pour des détenus sous-scolarisés?"
Agence Alter
18-11-2002
Alter Échos n° 131
Agence Alter
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