Une étude menée à l’initiative du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme1 tente de dresser un portrait de la situation deslesbigays dans le monde du travail.
Rendue publique le 16 mai 2008, à la veille de la GayPride, une étude menée par le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) tentede faire la lumière sur la situation des lesbigays dans le monde du travail en Belgique. Réalisée par le professeur John Vincke du département de sociologie del’université de Gand, celle-ci ne se veut toutefois pas exhaustive puisque la majeure partie des 2 497 personnes (1 814 néerlandophones et 683 francophones pour 62 % d’hommes et 38 % defemmes) ayant répondu au questionnaire posté sur Internet appartient aux classes dites « supérieures », porteuses d’une formation de niveau supérieur (74 % desrépondants possèdent au moins un diplôme supérieur de type court).
« Les lesbigays ayant répondu au questionnaire choisissent plus souvent de faire carrière dans l’enseignement, la fonction publique, le secteur tertiaire, lesprofessions intellectuelles et certains secteurs scientifiques et médicaux, nous dit-on du côté du CECLR. Il est difficile de toucher des lesbigays actifs dans d’autressecteurs, plus manuels par exemple. C’est une tendance lourde que l’on peut également retrouver dans des études menées en France. C’est aussi un écueil auquel nous devronstenter de répondre à l’avenir et qui fait que l’étude que nous avons commandée n’est pas tout à fait exhaustive. » Les raisons de cette difficultéà toucher les lesbigays issus des groupes « moins qualifiés » sont multiples. La méthodologie utilisée (un questionnaire assez complexe posté surInternet), la nécessité pour les répondants d’avoir déjà fait un travail sur soi et de se considérer comme appartenant à la communautéhomosexuelle, notamment.
Les grandes tendances
Néanmoins, l’étude permet de dégager de grandes tendances qui, si elles posent, de l’avis même du Centre pour l’égalité des chances, plus de questionsqu’elles ne donnent de réponses, ouvrent cependant un certain nombre de pistes de travail. Ainsi, les chiffres collectés illustrent clairement que l’orientation sexuelle des personnessondées influence le « façonnement » de leur carrière puisque 30 % d’entre elles tiennent compte de cette orientation pour choisir leur travail, 28 % pour le choix del’entreprise, 34 % pour le choix du secteur, 31 % pour la situation géographique [NDLR : les villes sont réputées plus gay friendly].
Dans le même registre d’idées, au « rayon discrimination », il apparaît que la forme de discrimination la plus courante serait la mise hors jeu en matière depromotion, une situation que 12 % des sondés affirment avoir connue. Plus loin, 17 % des répondants en Flandre et 33,5 % des répondants en Communauté française ontété témoins d’actes ou de réactions homophobes ; 65 % de rumeurs, d’allusions ou de moqueries. Inquiétant, 6 % des francophones affirment avoir subi des menacesverbales et 7,6 % des néerlandophones, des cas de violence physique et sexuelle. Néanmoins plus souvent implicite qu’explicite (12 % des répondants évoquent toutefois cetype de réaction), l’homophobie serait le fait des collègues, des supérieurs hiérarchiques et des cadres supérieurs, surtout dans les grandes entreprises.
Dans ce cadre, il n’est dès lors pas étonnant que plus d’un répondant sur deux affirme avoir tu son orientation sexuelle durant la phase d’intégration dansl’entreprise. « C’est, selon nous, un des points marquants de l’étude, affirme-t-on au Centre pour l’égalité des chances. Cette proportion illustre bien une formed’autocensure de la part des lesbigays dans le monde du travail. Un chiffre d’autant plus intéressant que 60 % d’entre eux affirment avoir ressenti une légèreamélioration de leur situation une fois leur coming out réalisé. ». Une note d’optimisme donc, encore renforcée par une constatation forte : « Onaffirme souvent que les lesbigays seraient, à l’instar des femmes, victimes de ce que l’on appelle le « plafond de verre ». Il leur serait impossible d’accéder aux plus hautspostes, du fait de leur orientation sexuelle. Or notre étude n’a pas permis de confirmer cette hypothèse, ce qui est plutôt positif. De même, nous n’avons pasconstaté de différence notable au niveau des salaires entre les hétérosexuels et les homosexuels. »
Des recommandations
Malgré ces notes positives, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme entend utiliser cette étude afin « d’enfoncer le clou en ce quiconcerne les politiques de diversité en entreprise ». Si l’association attend de confronter les résultats de son étude avec d’autres initiatives menées en Europeavant d’envisager un deuxième volet, peut-être plus centré sur les groupes « moins qualifiés » professionnellement, elle émet une série derecommandations à l’égard des entreprises. Ainsi, celles-ci doivent favoriser la visibilité des lesbigays à tous les niveaux et promouvoir une politiqueinclusive.
Au niveau de la discrimination, le CECLR prône une approche pro-active. Selon l’association, la dénonciation d’une discrimination ne doit pas incomber aux seuls travailleurshomosexuels. Pour ce faire, l’environnement de travail doit idéalement comporter des procédures souples respectant l’anonymat et la confidentialité des travailleurs. Enfin, leCentre notre que des groupes de travail et des réseaux lesbigays peuvent être une plus-value dans l’environnement de travail. Ceux-ci donnent en effet le signal que leshomosexuels ont leur place dans cet environnement et que leur visibilité est encouragée.
1. CECLR
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