Faute de places ailleurs, un public extrêmement marginalisé se retrouve hébergé dans des structures d’accueil hors-la-loi. Les acteurs du secteur, réunis au seind’un groupe de travail piloté par la Strada, cherchent des solutions réalistes pour remédier à cette situation préoccupante.
Bien qu’on ne connaisse pas l’ampleur exacte du phénomène, on estime qu’une centaine de personnes vivent à Bruxelles dans des structures d’hébergement nonagréées par les pouvoirs publics. Des lieux qui, hormis quelques initiatives citoyennes, fonctionnent dans un but purement lucratif.
Cette situation laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Locaux délabrés, manque de personnel qualifié, absence de suivi psychologique, surveillance ducourrier des résidents… Lorsque la direction exerce sa mainmise sur les allocations de ses résidents, cela peut même tourner à l’escroquerie.
Il faut pourtant admettre que ces structures ont un rôle nécessaire au vu du sous-financement récurrent du secteur. Les plus marginalisés, ceux que personne n’a puaccueillir ailleurs, y trouvent un ultime refuge. « Cet été encore, un toxicomane est mort à la rue parce qu’il n’avait nulle part où aller à sa sortiede prison. Alors, vous comprenez, quand une personne comme ça peut trouver une place dans une structure non agréée, on applaudit des deux mains. C’est triste, mais on en estarrivé là, lâche avec amertume Jean-Louis Linchamps, assistant social à la Strada 1. Le problème, c’est que les gens les plus fragiles sont pris en chargepar les moins formés », poursuit-il.
Soyons réalistes
Inquiets, les acteurs du secteur se sont emparés de la question au sein d’un groupe de travail2 piloté par la Strada. Celui-ci devrait remettre une premièresérie de propositions d’ici quelques semaines.
Le budget de la Communauté française étant ce qu’il est, aucune solution miracle n’est vraiment attendue. À la question du financement, vient s’ajouter la crise dulogement et la disparition des chambres garnies bon marché pour lesquelles on voyait fleurir des affiches aux fenêtres il n’y a pas si longtemps encore, dans les Marolles et dans lecentre-ville. « Il n’y aura pas de révolution, on travaille sur des pistes réalistes », prévient Jean-Louis Linchamps.
Agréer ces structures, sans forcément les subsidier, est la première piste suivie. L’objectif n’est pas de calquer telles quelles les normes du secteur, mais de définirdes balises adaptées à la situation. Encore faut-il prévoir les moyens de les appliquer. « Il faut aider les communes qui rencontrent des problèmes sur leurterritoire à trouver des solutions de rechange. Si un bourgmestre doit fermer une maison de repos sans aucun endroit où loger ses résidents, cela n’a pas de sens ! Par ailleurs,on a évoqué l’idée de mettre en place un système permettant aux victimes d’abus de déposer plainte. »
À côté de ce volet normatif, la solution peut aussi passer par la collaboration. « Pourquoi créer de nouveaux lieux alors que des hébergements existent? On pourrait imaginer que ces structures fournissent le toit et la nourriture et que le suivi des résidents soit assuré par des travailleurs sociaux du secteur. »
Des lieux de répit
Dans une certaine mesure, le débat suscité par l’existence de ces structures non agréées a poussé le secteur tout entier à interroger son propremodèle. Alors que les structures non agréées offrent un toit sans aucune contrepartie, et de façon illimitée dans le temps, les agréées sont tenuesà des objectifs d’insertion sociale à plus ou moins long terme. « L’ensemble du dispositif social est orienté vers l’autonomie. Mais l’autonomie n’est pas un objectifréaliste pour tout le monde. Que fait-on, par exemple, d’un résident affecté par une maladie chronique ? » Autrement dit, n’est-il pas opportun de prévoirdes lieux de répit, sans obligation d’insertion, pour un certain public ?
D’une certaine façon aussi, ces structures décloisonnent l’offre. Elles imposent peu de conditions à l’hébergement et leurs résidents cumulent souvent desproblématiques multiples : alcoolisme, drogue, trouble psychiatrique, handicap… « Aujourd’hui, le secteur agréé est très spécialisé. Du coup,certains publics ne rentrent dans aucune case. C’est le cas, par exemple, des sans-abri vieillissants. Cela pose évidement question. »
1. Strada :
– adresse : av. Louise, 183 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 552 01 78
– site : www.lstb.be
2. Un débat public était organisé le 29 mai à ce sujet. Lire à ce propos « Des toits non agréés : solution ou dérive pour les « horscases » de la société ? » par Stéphanie Devlésaver, dans Brèves du Bis CBCS juin 2010.