Le secteur du réemploi peut être un lieu propice à l’insertion socioprofessionnelle. Bon nombre d’opérateurs d’économie sociale y sont actifs. Mais quels sont les débouchés pour les personnes formées dans ce domaine ?
On peut parler de mode depuis quelques années. Face aux différentes « crises », qu’elles soient écologiques ou économiques, la récupération et la valorisation d’un certain nombre d’objets ont bonne presse. Une aubaine pour les acteurs présents sur ce créneau bien avant que leur popularité n’augmente. Parmi eux, les opérateurs d’économie sociale tentent de se tailler une part de lion. Preuve de ce dynamisme, une fédération des entreprises d’économie sociale actives « dans la réduction des déchets par la récupération, la réutilisation et la valorisation des ressources » a été créée en 1999. Ressources, c’est son nom, fédérait 67 membres en 2012 – on en serait à 61 aujourd’hui. Plus globalement, le nombre d’opérateurs d’économie sociale dans le secteur aurait doublé en dix ans, d’après la fédération. Qui ne s’y trompe d’ailleurs pas : « La récup’, c’est tendance », annonce-t-elle sur son site web.
Vive l’économie sociale
Si la récup’ c’est tendance, l’économie sociale commence aussi à le devenir. La dépression traversée par le capitalisme « pur et dur » est passée par là et ils sont de plus en plus nombreux à voir en l’« écosoc » (voir encadré) une solution tout indiquée à ce climat délétère. Le Commission européenne consacrera d’ailleurs deux jours de conférence, les 16 et 17 janvier prochains à Strasbourg, à l’entrepreneuriat social et à l’économie sociale.
– la finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que de profit
– l’autonomie de gestion
– un processus de décision démocratique
– la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus.
Outre ses principes de gestion, une bonne partie de l’économie sociale – et singulièrement dans le réemploi – peut faire valoir d’autres arguments audibles en ces temps de poussée à la hausse des chiffres du chômage. Beaucoup d’opérateurs sont actifs dans le domaine de l’insertion. Le secteur du réemploi paraît donc être un bon vecteur de transition et d’insertion socioprofessionnelle pour des personnes éloignées de l’emploi. D’autant plus qu’il travaille pour l’heure à asseoir et à solidifier le métier de « valoriste », qui peut d’ailleurs être varié. « Il peut s’agir d’un employé actif dans le tri ou un gestionnaire des flux de déchets », explique-t-on en guise d’exemple du côté de Ressources. Afin de formaliser le tout, une réflexion a été entamée avec Actiris et le Forem. But de l’opération : mettre en place des référentiels pour le métier de valoriste afin de baliser les formations.
Parmi les membres de Ressources, on dénombre les 4 632 personnes actives dans la réutilisation, ce qui représente 2 201 équivalents temps-plein (ETP) :
– 2 600 bénévoles (500 ETP) ;
– 924 personnes en parcours de réinsertion sociale (stagiaires, article 60, travaux d’intérêt général), soit 736 ETP ;
– 1 108 personnes se trouvant sous le pay-roll de l’entreprise, soit 965 ETP. Parmi ceux-ci, 400 ETP ne bénéficient d’aucun subside structurel et sont donc payés sur fonds propres par l’entreprise.
Il est à noter que d’après la plate-forme de concertation des organisations représentatives de l’économie sociale (ConcertES), on compte notamment parmi les membres wallons de Ressources :
– six entreprises de formation par le travail (EFT) ;
– huit entreprises d’insertion (EI) ;
– quatre entreprises de travail adapté (ETA).
Des débouchés ?
Malgré ces constats positifs, des interrogations subsistent : quelles sont les chances, pour les personnes formées dans le secteur du réemploi, d’avoir accès à un emploi durable, notamment hors de l’entreprise où a eu lieu l’apprentissage ? Qu’en est-il, à titre d’exemple, des stagiaires sortis de structures comme les EFT où les formations sont limitées à 2 100 heures par stagiaire et par opérateur ? Dans une analyse de septembre 2012, Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises (Saw-b, fédération d’économie sociale) explique à ce sujet que « malgré leur utilité sociale et environnementale incontestable, les activités de collecte, tri, revalorisation des déchets atteignent difficilement une rentabilité à toute épreuve. Ce qui fait de ce secteur un outil à double face en matière d’insertion socioprofessionnelle : niveau d’exigence faible à l’entrée, haute utilité sociale d’une part, faible demande sur le marché du travail, faible rentabilité économique d’autre part ».
Un problème qui fait réagir Ressources, où l’on note « que les débouchés sont à aller chercher du côté des acteurs de la gestion des déchets ». Au premier rang de ceux-ci, la fédération cite les intercommunales. Rappelons qu’Alter Échos avait consacré un article à plusieurs collaborations entre celles-ci et les ressourceries (du nom souvent donné aux structures actives dans le domaine, voir Alter Échos n° 337). Il est donc possible pour les intercommunales de stimuler l’emploi dans le secteur de l’économie sociale en collaborant avec lui. À plus forte raison lorsqu’il s’agit d’entreprises d’insertion où les travailleurs en insertion peuvent se voir offrir un contrat à durée indéterminée.
Entre le marteau et l’enclume
Malgré cela, toutes les intercommunales ne décident pas d’opter pour des opérateurs d’économie sociale. L’intercommunale du Brabant wallon (IBW) a ainsi confié la collecte de vêtements dans les parcs à conteneurs à la société commerciale Recytex. Cette dernière se proposait notamment de payer 200 euros la tonne de textile. L’asbl Terre, qui avait également été consultée par l’IBW dans ce cadre, regrette le choix de celle-ci. « Nous avons mis en avant nos bonnes pratiques et le fait que nous pourrions créer de 2,5 à 3 équivalents temps-plein pour des personnes désinsérées, mais cela n’a pas suffi », explique Geneviève Godard, chargée de communication chez Terre. Elle craint que cet exemple n’inspire d’autres intercommunales.
Du côté de l’IBW, on rappelle que Terre n’a jamais collecté de textiles sur le territoire de l’intercommunale. Alors que les collectes ont lieu depuis 1993. En outre, pour Étienne Offergeld, directeur du département déchet de l’IBW, l’intercommunale « se devait de choisir le service au meilleur prix. De plus, où est-il écrit qu’il y a un lien direct entre les déchets et l’économie sociale ? » Le directeur rappelle que l’IBW travaille par ailleurs avec l’entreprise d’insertion Rappel pour la collecte des déchets électriques. « Il ne s’agit pas d’une opposition de principe à l’économie sociale, explique-t-il. Nous travaillons avec elle quand c’est possible, à coût égal ou inférieur. Mais aller au-delà, ce n’est pas de notre ressort. » Et Étienne Effergeld de renvoyer à la Région pour le soutien structurel de l’économie sociale. « Nous avons l’impression d’être pris entre le marteau et l’enclume, conclut-il. Personne ne sera jamais content. On nous accuse de ne pas encourager l’économie sociale, alors que de l’autre côté on ne cesse de répéter que les PME, comme Recytex, sont le nœud de l’économie. Recytex qui, par ailleurs, constitue un bon débouché pour les gens formés par l’économie sociale dans le domaine du réemploi !
En savoir plus
Alter Échos n° 337 du 15 mai 2012 : « Des communes en plein recyclage »