Deux ans, ou 24 mois, c’est désormais ce à quoi vous aurez droit après avoir pourtant cotisé pendant des années, si jamais vous avez le malheur de perdre votre emploi. Et encore, quand on dit 24 mois, cela concerne uniquement les personnes ayant travaillé quatre ans ou plus. Pour les autres, celles ayant occupé un emploi au moins un an, le chômage se limitera à 12 mois.
On pourrait certes embrayer sur les arguments utilisés par le nouvel attelage à la tête du pays. Oui, «la Belgique est le seul pays qui dispose d’un système de chômage infini dans le temps», comme l’avait affirmé David Clarinval (MR), ministre fédéral de l’Emploi sur le plateau de la RTBF le 13 février dernier. Oui, certains Belges sont au chômage depuis longtemps. Et, oui, les allocations de chômage «coûtent» à la collectivité1, même s’il faut rappeler que le chômage est un système «assurantiel», ce qui veut dire que les travailleurs, via leurs impôts, cotisent en quelque sorte pour alimenter un système de protection dont ils auront peut-être besoin un jour, «récupérant» ainsi une partie de leur mise.
Mais pourquoi, pourquoi, tout cela devait-il mener à une limitation des allocations de chômage à deux ans, censée «activer» les chômeurs dans leur recherche d’emploi? Soyons tout d’abord franchement poujadiste et provocateur, pour les besoins de l’exercice, afin de contrer le premier argument, celui de l’exception politique. Si la Belgique se trouvait jusqu’ici quelque peu seule sur son îlot en proposant un chômage illimité, quoique largement et rapidement dégressif, ce n’est pas le seul point sur lequel notre pays se distingue en matière d’exception politique. Vous en connaissez, vous, beaucoup de pays dont une bonne partie des gouvernements mettent des mois, voire des années, à constituer des majorités? Gageons que, si le salaire de nos négociateurs de majorités devenait dégressif après peu de temps, voire s’interrompait carrément, ils s’en trouveraient peut-être «activés» à la manière des chômeurs et tout cela irait peut-être plus vite.
Mais redevenons sérieux. Certains Belges sont au chômage depuis longtemps, c’est un fait. Mais imaginer que le fait de leur mettre un fusil sur la tempe les poussera à trouver un emploi est un leurre. Il faut vraiment méconnaître les réalités du chômage, du marché de l’emploi, et surtout se faire une bien piètre image des chômeurs pour imaginer cela. Car c’est de cela qu’il s’agit en fait: la réforme actuelle surfe sur une image très répandue, celle de demandeurs d’emploi apathiques, voire profiteurs, qui auraient besoin d’un bon coup de pied au derrière pour s’activer et enfin contribuer à la collectivité. Une image largement fausse et, elle aussi, poujadiste, mais qui fonctionne merveilleusement bien à l’heure actuelle.
Car ne nous leurrons pas: les économies générées par la limitation des allocations de chômage dans le temps risquent d’être très, très marginales. Les chômeurs exclus finiront au CPAS ou viendront garnir les rangs, déjà très bien fournis, des malades de longue durée. Par contre, en termes de communication politique en mode «réseaux sociaux» et de caresses à une partie de l’électorat, tout cela ne coûte effectivement pas cher et risque, par contre, de rapporter beaucoup…
- 5,117 milliards d’euros de dépenses en allocations de chômage pour l’Onem, selon son rapport annuel de 2023.