Depuis le 1er janvier, la Fédération Wallonie-Bruxelles accueille en son sein le personnel des maisons de justice avec des missions et des moyens supplémentaires. Un défi de taille pour Rachid Madrane comme pour les 650 assistants de justice.
Alter Échos: Vous avez fait le tour des maisons de justice. Les inquiétudes du personnel, quant au transfert de compétences, restent nombreuses. Quelles garanties apporterez-vous?
Rachid Madrane: Les assistants de justice me disent que leurs dossiers augmentent de façon significative ces dernières années comme leurs missions. Qui dit plus de missions, dit plus de boulot. D’un arrondissement à l’autre, les types de missions sont différents. Par exemple, à Charleroi, on constate une augmentation importante d’infractions de roulage, d’où de nombreux travaux d’intérêt général. Dans d’autres arrondissements, les assistants sont confrontés à d’autres réalités. Pour permettre aux maisons de justice de conserver le volet humain de la justice, j’ai pu assurer l’engagement de 23 personnes en 2015, réparties dans différentes maisons de justice. À cela s’ajoute du personnel supplémentaire au sein de la direction générale. Ensuite, j’ai pu constater, comme à Nivelles, que les assistants travaillaient dans des bâtiments exigus et vétustes. Là aussi, on va mettre des moyens. Le budget pour les maisons de justice sera porté à 74 millions d’euros en 2015. En outre, et contrairement à d’autres administrations, les maisons de justice ne seront pas touchées par la mesure qui consiste à ne remplacer qu’un seul fonctionnaire pour cinq départs.
A.É.: Quelles seront les nouvelles missions confiées aux maisons de justice?
R.M.: À partir du 1er janvier, les maisons de justice s’occuperont du service d’aide aux détenus, aux justiciables et aux victimes. Elles assureront aussi l’accueil juridique de première ligne, les espaces-rencontres ou la section des mineurs dessaisis de Saint-Hubert. Notre volonté était de rassembler l’ensemble du secteur dans une seule entité de manière à avoir une politique plus cohérente. Seulement, le risque est de voir cette cohérence détricotée par le fédéral parce que des décisions prises pourront impacter directement le fonctionnement des maisons de justice. Par exemple, le fédéral voulait la probation comme peine autonome au 1er décembre 2014. On a demandé au fédéral qu’il reporte cette décision d’un an. Cela a été accepté à l’unanimité. Mais à l’avenir, je veux activer des conférences interministérielles Justice–maison de justice pour éviter certaines hérésies de ce genre.
A.É.: Vous avez aussi dans vos compétences l’utilisation du bracelet électronique. Cette peine alternative a souvent défrayé la chronique. Matériel défaillant, accompagnement insuffisant…
R.M.: Si le bracelet électronique ne sert qu’à désengorger les prisons, et mettre la charge sur les entités fédérées, cela n’a aucun intérêt. De notre côté, on veut miser sur l’accompagnement social car ce n’est pas parce qu’on maintient une personne chez elle à la maison avec un bracelet qu’on a résolu la question de la violence. Il faut des assistants supplémentaires, donner du sens à ce bracelet, sans tomber dans la politique du chiffre comme on l’a vu dans le passé au fédéral.
A.É.: Vous avez l’intention de créer, comme au Québec, des maisons de transition pour les détenus. De quoi s’agit-il?
R.M.: L’idée, c’est de créer un sas pour le détenu, sur une base volontaire, au moment de sa sortie de prison. Il existe beaucoup de dispositifs dans la prison et bien après la prison. Mais dès que la porte se referme, il n’y a rien. J’ai donc envie de m’inspirer de ce qui se fait au Québec pour créer un hébergement temporaire pour des détenus qui n’auraient personne pour les accueillir, pour leur donner les moyens de base afin de leur permettre de se reconstruire administrativement. Mon objectif, c’est de miser sur la réinsertion. C’est un discours qui passe mal au sein de la société, mais il faut miser sur ce type de mesures. C’est d’autant plus nécessaire quand je vois qu’au fédéral la seule volonté est d’aller en fond de peine. Cela veut dire qu’il n’y a aucune prise en charge et aucun encadrement pour le détenu, contrairement à une libération conditionnelle. Il faut aller à l’encontre de cette logique. Aider les détenus, c’est aider la société.
Aller plus loin
Alter Échos n°375 du 01.01.2014 : Maison de Justice, une communautarisation qui interroge