L’inspection flamande a contrôlé en janvier et en février de cette année la totalité des sociétés de crédit agréées quioctroient des prêts sociaux en Flandre. Les résultats sont accablants.
La Flandre compte 39 sociétés de crédit social, qui sont financées par les pouvoirs publics via un emprunt à la banque Dexia pour un montant total de 160millions d’euros. Elles sont tenues de respecter le caractère social de leur mission (octroi de prêts à des personnes à revenus limités pour l’achatd’une habitation modeste), moyennant quoi elles bénéficient d’un taux d’impôt des sociétés de 5 % seulement, ce qui leur permet de prêter del’argent à des taux inférieurs à ceux du marché. Mais selon les services d’inspection flamands (Vlaamse Inspectie), sur les 39 sociétés, 30 nerépondent pas aux critères légaux pour exercer et 26 n’atteignent pas les objectifs fixés, à savoir 2 millions d’euros de prêts par an. Lasociété la moins performante n’a même conclu que douze contrats de prêt en trois ans. De plus, dans une société sur six, certains prêts ontété accordés abusivement.
Le cas le plus fréquent est celui d’habitations sciemment sous-évaluées pour pouvoir répondre au critère d’habitation modeste. Pour pouvoirbénéficier d’un prêt social, le candidat acquéreur doit porter son dévolu sur une habitation de moins de 215 000 euros, ce montant pouvant êtreporté à maximum 269 000 euros suivant le nombre de personnes à charge. Or, dans un cas, un prêt a même été accordé pour une maison de389 200 euros. Dans plusieurs sociétés de crédit social, les estimations de valeur des biens immobiliers sont effectuées par les associés – parfois parle conjoint – du directeur, au lieu de l’être par des experts indépendants. Dans une des sociétés, 80 % des dossiers de prêts présentaient desirrégularités.
Mais les problèmes les plus frappants concernent des malversations multiples qui confinent bien souvent à l’abus de biens sociaux : commissions versées par un assureur(Fortis) empochées par un directeur ; subite augmentation du loyer payé pour ses locaux approuvée sans ambages par une société – le propriétaire deslocaux étant la propre mère du directeur ; déplacements au sein d’une même commune défrayés à hauteur de 250 euros pièce ; commissionsastronomiques ; sponsoring sans le moindre rapport avec l’objet social de la société ; achats massifs de vins, d’œuvres d’art ou encore de plusieurs abonnementsà un club de football situé à l’autre bout du pays. Au total, des abus de ce type ont été constatés dans pas moins d’une sociétésur trois, une situation qui fait furieusement penser à la vague de scandales qui avait déferlé sur les sociétés de logement social wallonnes il y a quelquesannées…
Réformer le secteur
Selon les services d’inspection, le manque de contrôle interne est criant. Ces sociétés sont pourtant également contrôlées par des réviseursd’entreprises, mais qui n’ont rien vu, dénoncent les inspecteurs. Or, du fait de la frilosité des banques dans le contexte de crise actuel, les sociétés decrédit social sont de plus en plus sollicitées. Elles avaient même tiré la sonnette d’alarme en août dernier mais, vu l’état des lieuxdressé par l’Inspection flamande, la nouvelle ministre régionale du Logement, Freya Van den Bossche (SP.A), estime qu’elles disposent de suffisamment de moyens poureffectuer leur mission, « pour autant qu’elles les utilisent convenablement ».
Dans la foulée elle annonce que les sociétés fautives seront sanctionnées (l’une d’entre elles se verra même retirer son agrément sans appel)et son intention de redessiner le secteur. Mais elle stigmatise aussi la frilosité des banques. Qui refusent plus que jamais d’accorder des crédits alors que les chiffres montrentque les clients des sociétés de crédit social sont de bons payeurs. Sur les 1 822 personnes qui ont bénéficié d’un prêt social en Flandre en 2008,seules 15 ont été confrontées à des problèmes de paiement, souligne la ministre.
La « Stichting voor Sociaal Woonkrediet » (Fondation pour le crédit hypothécaire social), qui chapeaute 29 des 39 sociétés incriminées, contestecertains chiffres du rapport de l’Inspection flamande et se dit très déçue d’avoir appris l’existence de ce document par la presse, via les propos de Freya Vanden Bossche. Mais selon la ministre, les sociétés de crédit social avaient toutes reçu dès le mois de juillet leurs rapports d’inspection respectifs.
D’après De Morgen et De Standaard