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Réforme de Lisbonne : les convoyeurs attendent

Depuis quelques semaines, et la désignation de José Barroso à la tête de la Commission européenne, les petites phrases appelant à la réforme de lastratégie de Lisbonne se multiplient. Exercice politique normal vu l’agenda – une évaluation est prévue à l’échéance 2005 – àmettre aussi en regard du fait que peu d’États membres ont atteint l’objectif du taux d’emploi à 70 % qu’ils s’étaient fixé. Quels pronosticspeut-on établir pour le « Lisbonne II » qui se dessine ? Tour d’horizon avec Philippe Pochet, directeur de l’Observatoire social européen1.

07-10-2004 Alter Échos n° 172

Depuis quelques semaines, et la désignation de José Barroso à la tête de la Commission européenne, les petites phrases appelant à la réforme de lastratégie de Lisbonne se multiplient. Exercice politique normal vu l’agenda – une évaluation est prévue à l’échéance 2005 – àmettre aussi en regard du fait que peu d’États membres ont atteint l’objectif du taux d’emploi à 70 % qu’ils s’étaient fixé. Quels pronosticspeut-on établir pour le « Lisbonne II » qui se dessine ? Tour d’horizon avec Philippe Pochet, directeur de l’Observatoire social européen1.

Le rapport Kok

« Pour l’instant nous sommes un peu dans l’entre-deux. D’un côté le rapport Kok2 est attendu. Son précédent rapport, celui sur laStratégie européenne pour l’emploi – SEE avait montré qu’il y avait moyen de mettre en avant des éléments liés à l’emploiplutôt qu’à la seule compétitivité. Il est en train de faire le même type d’exercice pour Lisbonne : une remise à plat des objectifs en vue derecomposer une stratégie cohérente en regard des évolutions récentes dans les États membres, de l’élargissement, et des attentes réduites enmatière de croissance ». Le rapport est normalement attendu pour novembre afin d’être discuté au conseil européen de décembre.

Deux axes de changement

Les scénarios possibles ? « Je vois deux axes. Un axe gauche-droite tout d’abord. Le paysage politique a changé depuis le moment de l’adoption de laStratégie de Lisbonne. Il y a nettement plus de gouvernements de centre-droit au pouvoir dans les États membres, et donc de partisans de cette tendance au Parlement et à laCommission. Ils pourraient décider de mettre l’accent sur l’autre volet de Lisbonne, dont on parle moins, celui de l’achèvement du marché intérieur, etdonc des entraves à sa réalisation ». Une optique de déréglementation accrue, donc.

« Le second axe concerne les procédures de mise en œuvre. Seront-elles plus ou moins contraignantes ? Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a desproblèmes de mise en œuvre ». Laissera-t-on plus de marges de manœuvre aux États membres dans le cadre d’un processus plus décentralisé, ou aucontraire ajoutera-t-on des contraintes pour réaliser les objectifs ?

« Pour l’instant, un débat est en cours. Il y a beaucoup d’objectifs dans la Stratégie de Lisbonne. Comment doit-on les rationaliser pour se concentrer sur unmessage cohérent ? L’essentiel est là : se recentrer, plutôt que de rajouter des objectifs – aussi louables soient-ils ».

Vers un recentrage ?

Recentrage sur quoi ? « Là aussi, je vois deux pistes : soit un recentrage plus à droite, de nature libérale. Les recommandations qui mettent l’accent sur lacompétitivité prennent le dessus sur les autres éléments comme cela a été par exemple le cas pour l’initiative REACH, qui visait àétablir des normes environnementales ainsi que de sécurité et de santé dans le secteur chimique. Elles ont été réinterprétées en termesde compétitivité à sauvegarder au détriment de l’environnement. Même chose pour la Directive sur le temps de travail, encore en discussion. On veut mettrel’accent sur le volet flexibilité pour donner des gages aux PME ». Une autre possibilité évoquée par Philippe Pochet serait que la Commission Barroso,identifiée comme de centre-droit pourrait donner des gages à gauche, en faisant passer des thèmes plus sociaux, histoire d’apparaître équilibrée.

Quel est degré de probabilité de ces différents scénarios ? « Il est difficile de pronostiquer au niveau européen. Il y a beaucoup d’acteurs en jeuet parfois des coups de théâtre. Comme le passé nous l’a appris, c’est une logique plutôt probabiliste. Attendons d’abord le rapport Kok pour avoir unepremière indication. »

Taux d’emploi

Quid des fameux objectifs de taux d’emploi ? « De deux choses l’une : soit les politiques mises en œuvre dans les États membres n’étaient pasadéquates, soit les objectifs n’étaient pas sérieux. La première hypothèse est plus difficile à admettre politiquement. En ce qui me concerne, cesobjectifs me semblaient un peu ambitieux. Pour les atteindre, il aurait fallu un taux de croissance du PIB d’au moins 3 % l’an. Ce n’est pas sérieux. Même la Banquecentrale européenne, qui est tout de même l’organisme au cœur des politiques économiques européennes avait sous-entendu que 2,5 % l’an lui semblait plusprobable. Elle l’a dit indirectement, elle ne pouvait pas se permettre la collision frontale. Les 3 % étaient un peu symboliques ».

Et la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) ?

Faut-il attendre un impact sur la SEE ? « Pas à court terme. Désormais, la SEE suit son propre agenda3, qui est décalé par rapport à celui deLisbonne. 2004 est la deuxième année d’implémentation. On en est encore à la phase de consolidation, de mise en œuvre des réformes. C’étaitd’ailleurs l’objet du rapport Kok I ».

Le social dans l’attente

Expectative donc. « Ce qui semble d’ailleurs être dans l’air du temps : beaucoup de processus sont un peu dans la même phase pour l’instant : par exemple, lanégociation du nouvel Agenda social est attendue pour 2005. Si on fait la liste, il y a toute une série de changements en cours dont on attend les résultats :l’élargissement, l’Agenda autonome des partenaires sociaux, l’évaluation de la SEE, le streamlining des processus sociaux. Entre 2004 et 2006 les cartes serontpeut-être redistribuées pour aboutir à une nouvelle donne, ou au contraire on restera sur des statu quo plus ou moins paralysants. Pour l’instant, tout le monde essaie de serepositionner. » Bien entendu, la façon dont la nouvelle Commission va se positionner donnera une indication sur les futures orientations possibles. Une autre indication seradonnée par le Parlement : comment votera-t-il sur la nouvelle Commission ?

1. http://www.ose.be

2. Du nom de l’ancien Premier mnistre des Pays-Bas, Wim Kok
3. La Stratégie européenne pour l’emploi obéit à un rythme triennal depuis 2003. Une éventuelle réforme aura lieu en 2006.

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