La réforme des conseils d’arrondissement de l’Aide à la jeunesse (CAAJ), c’est comme la chasse au dahu, on en parle mais on ne l’a jamais vu. Pour faire avancer le schmilblick, ungroupe de travail, sous l’égide du Conseil communautaire de l’Aide à la jeunesse (CCAJ)1, a remis une note d’orientation proposant « une nouvelle architecture des CAAJ».
Le groupe de travail en charge de la réflexion sur la « nouvelle architecture des Conseils d’arrondissement de l’Aide à la jeunesse (CAAJ) », vient de rendre sa copie.Vingt-cinq pages, 19 participants2, un an de travail, huit réunions et à la clé… une proposition de refonte assez ambitieuse du fonctionnement des CAAJ. En 2009, laministre de l’Aide à la jeunesse d’alors, Catherine Fonck (CDH), s’était lancée à tue-tête dans un projet de réforme de ces conseils d’arrondissement. Lesecteur avait accueilli sans grand enthousiasme ce texte, un peu brusque, qui manquait de concertation, et qui s’est vite retrouvé dans la corbeille à papiers. C’était la fin dela législature. Plutôt qu’attendre les prochaines initiatives des politiques, le CCAJ s’est mis à débroussailler le sujet, à poser des balises, en compagnie dereprésentants du secteur. C’est ainsi que le groupe de travail est né. On peut imaginer que sa note d’orientation aura de l’importance, car la réforme des CAAJ est inscrite noirsur blanc dans la Déclaration de Politique communautaire. Elle devrait donc avoir lieu.
« La prévention accaparée par d’autres acteurs »
CAAJ-CCAJ-SAJ, des acronymes à en perdre la tête. Mais derrière ces lettres absconses se cache un enjeu de taille : la prévention dans le domaine de l’Aide àla jeunesse.
Les CAAJ sont de drôles de « machins ». Dans le décret de 1991, la répartition des tâches était claire. Le service d’Aide à la jeunesse prend encharge l’aide individuelle et le CAAJ se lance – entre autres choses – dans la « prévention générale ».
Aujourd’hui, les CAAJ fonctionnent tant bien que mal. D’un côté, beaucoup d’acteurs de l’aide individuelle ont désinvesti la prévention, de l’autre, les CAAJ sontnoyés de demandes qui ont trait à l’organisation de l’aide individuelle… du coup, on y parle trop peu de prévention. C’est ce qu’affirme Guy De Clercq, président duCCAJ, qui attire notre attention sur d’autres facteurs : « Le décret est assez ancien. Depuis 1991, la prévention a été accaparée par d’autres acteurs,comme les communes dans le cadre des contrats de sécurité et de prévention. Avec des moyens considérables et pas les mêmes objectifs. Face à cetteréalité, il faut que les CAAJ redéfinissent leurs missions et repositionnent leur travail dans une logique de développement de réseaux, pour mieux comprendre quelssont les enjeux qui nécessitent de mettre l’accent sur la prévention. »
Les autres difficultés des CAAJ sont énumérées dans cette note d’orientation du groupe de travail : « missions peu claires, composition remise en question,moyens insuffisants, difficultés d’articulation avec les acteurs de terrain, difficulté de définir la prévention et d’en montrer l’impact. » Le président duCCAJ tient par ailleurs à rappeler que les conseils d’arrondissement se lancent dans de nombreux projets concrets, mais qui dépendent de subsides accordés sur base annuelle, cequi nuit à la continuité et à l’approfondissement du travail.
« Tout projet de plans d’actions de prévention générale a pour objet de répondre aux diverses violences s’exerçant au quotidien sur les populationstouchées par une situation économique, sociale, et/ou culturelle précaire. La prévention générale menée dans le secteur de l’Aide à la jeunessevise à réduire la quantité globale de ces violences, qu’elles soient intra-familiales, institutionnelles, relationnelles ou symboliques et à éviter que lesréactions des jeunes à ces violences quotidiennes n’appellent en retour à de nouvelles violences. »
Créer une nouvelle plate-forme de l’Aide à la jeunesse
Pour que la prévention ne soit plus le maillon faible de l’Aide à la jeunesse, le groupe de travail coordonné par le CCAJ propose une réforme en profondeur avec un filrouge : les CAAJ doivent réinvestir la prévention, dans un esprit de transversalité.
Première grande proposition : dégager les CAAJ du surpoids qui pèse sur leurs épaules en créant une plate-forme, au niveau de chaque arrondissement, dontl’objet serait d’organiser la rencontre entre tous les services publics et privés d’Aide à la jeunesse pour discuter des problèmes liés à la prise en chargeindividuelle des jeunes.
Recréer une dynamique autour du CAAJ
Ainsi, le CAAJ pourrait se concentrer sur sa mission première, en interaction avec cette plate-forme. Cette dernière, en alimentant le Conseil d’arrondissement, pourrait permettre defaire émerger de nouvelles problématiques nécessitant un effort de prévention. Selon Guy De Clercq, « il faut recréer une dynamique autour du CAAJ, que cetteinstance reprenne pleinement son rôle d’interpellation, en réseau avec de multiples acteurs. » Les CAAJ devraient donc être en mesure de déceler finement lesproblématiques saillantes qui concernent les jeunes de chaque arrondissement en mobilisant tous les acteurs concernés, en favorisant la concertation. Pour ce faire, une modification dela composition des conseils d’arrondissement est envisagée. Des représentants des secteurs « jeunesse » (maisons de jeunes, Conseil de la jeunesse), de l’enseignement ou dulogement social, pourraient être membres à part entière des CAAJ. Et Guy De Clercq d’ajouter : « Si les conseils d’arrondissement mettent en lumière des enjeux plusvastes, qui concernent toute la communauté française, alors c’est le CCAJ qui prendra le relais. » Dans cette architecture, le CCAJ fait office de chapiteau, ou de chapeauteur.Selon ses propres mots, il est le « dépositaire de la vision de la prévention ». En ce sens, sur base des rapports des CAAJ, qui devraient suivre un canevas commun, le CCAJpourrait proposer des bilans prospectifs en matière de prévention. Enfin, les budgets seraient octroyés aux CAAJ en fonction de projets triannuels, afin d’éviterl’évanescence des initiatives.
Il n’y a pas de dépit, mais plutôt une crainte, qu’on sent poindre chez Guy De Clercq : « On a fait notre boulot, maintenant il faut voir ce que va en faire la ministre, il fautauss
i que le secteur se l’approprie. Ce modèle touche aux habitudes du secteur. » C’est donc une forme de conservatisme corporatiste et son corollaire, l’inertie, qui constitueraient desobstacles probables à l’appropriation de ce projet.
Concertation en septembre
Chez Évelyne Huytebroeck (Écolo), la ministre en charge de l’Aide à la jeunesse3, on partage l’envie de remettre la prévention au cœur desactivités des Conseils d’arrondissement. La note du groupe de travail a bien été reçue, elle servira de base pour que le cabinet rédige une note d’intention, enseptembre. À partir de septembre, un vaste processus de concertation du secteur sera entamé par la ministre. Les présidents de CAAJ seront consultés ainsi que lesconseillers de l’Aide à la jeunesse, des représentants des délégués de prévention générale, des représentants del’interfédération, des représentants d’organisations syndicales et de l’administration. La consultation devrait aboutir au tout début de l’année 2011. Selon PascalRigot, conseiller de la ministre, c’est à cette date-là que « quelques pistes de changement pouvant conduire à des modifications du décret de 1991 sur l’Aideà la jeunesse seront proposées ». Bref, même si le cabinet de la ministre semble armé de bonne volonté, on peut se dire que la réforme des CAAJ, c’estpas pour demain.
1. Secrétariat du Conseil communautaire de l’Aide à la jeunesse :
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 41 88
– site : www.ccaj.cfwb.be
2. Président du Conseil communautaire de l’Aide à la jeunesse, présidents de CAAJ, conseillers de l’Aide à la jeunesse, représentants de la directiongénérale de l’Aide à la jeunesse, délégués à la prévention générale
3. Cabinet d’Évelyne Huytebroeck :
– adresse : rue du Marais 49-53, 1000 Bruxelles
– tél. : 02 517 12 00
– site : http://evelyne.huytebroeck.be/