Dans sa réforme de la politique de lutte contre le surendettement avalisée début 2007, la ministre wallonne de l’Action sociale, Christiane Vienne1, aintroduit un nouveau dispositif : les groupes d’appui. Des groupes censés remplacer les écoles de consommateurs, passées à la trappe, et mieux cibler leur public.Ils devraient prochainement voir le jour au sein des services de médiations de dettes agréés. Explications.
Nous vous en parlions dans l’Alter Échos n°207 (« Restructuration de la lutte contre lesurendettement en Wallonie, exit les écoles de consommateurs« ), la ministre wallonne de l’Action sociale, Christiane Vienne (PS), annonçait en avril 2006 vouloirréformer la politique de lutte contre le surendettement en Wallonie. Elle déposait pour ce faire sur la table du gouvernement wallon un projet de décret visant à renforcerles services de médiation de dettes, les missions des centres de références et de l’Observatoire du crédit. Le projet de décret a été adopté ce8 février et est paru au Moniteur belge ce 23 février2. Quant à l’arrêté d’exécution, il a été adopté parle gouvernement wallon ce 1er mars et publié au Moniteur ce 26 mars3. Il entrera en vigueur, de manière rétroactive, au 1er janvier2007.
La ministre a par ailleurs annoncé qu’un budget de 3 412 000 euros serait consacré en 2007 à la politique de lutte contre le surendettement en Région wallonne,soit une augmentation de 777 000 euros par rapport à 2006 qui devrait servir à couvrir les coûts liés à la réforme.
La ministre rebat les cartes
Si on se penche sur les textes, il ressort que c’est en matière préventive que le cabinet Vienne semble avoir décidé de modifier le plus fondamentalement la copierédigée jusqu’ici. La ministre parle ainsi « d’impulsion nouvelle » lorsqu’elle évoque notamment le travail de préventiongénérale dévolu aux centres de référence : « Les écoles de consommateurs touchaient relativement peu la population des travailleurs, explique-t-elle.Or, ceux-ci, qui constituent la majeure partie du public cible des organismes de crédit et des messages publicitaires, doivent être atteints par la préventiongénérale. Il convient de mener une prévention du surendettement à large spectre vers le monde des entreprises, les syndicats, les mutuelles, l’enseignement, etc.» Mais c’est surtout en matière de prévention dite « de proximité » que la ministre crée, avec ce nouveau décret, la surprise.
Pour rappel, la ministre Vienne, peu convaincue par l’efficacité des écoles de consommateurs (cf. encadré à ce sujet) mises en place par sonprédécesseur, Thierry Detienne (Ecolo), a décidé qu’après 2006, celles-ci ne seraient plus subventionnées. Elle les remplace donc aujourd’hui pardes groupes d’appui qui verront le jour au sein ou à l’initiative des services de médiations de dettes agréées qu’ils soient publics (198 services,chiffres pour 2006) ou privés (17 services).
Un changement majeur puisque, s’il s’agit toujours de politique de prévention, celle-ci est désormais clairement rattachée au volet curatif de la politique delutte contre le surendettement de la Région wallonne. Objectif : « Recentrer les moyens des écoles de consommateurs vers des institutions mieux à mêmed’articuler sur le plan local le travail curatif et le travail préventif et éviter de retomber dans la spirale du surendettement. » Quatre arguments sont invoquéspour justifier le choix des institutions agréées pour servir de réceptacle aux groupes d’appui.
1) Ces institutions disposent des personnes les mieux informées des pièges du surendettement, des problèmes de gestion budgétaire et des aides que peuvent obtenir lesparticuliers ;
2) Les institutions agréées s’occupent d’un public (personnes médiées, en guidance budgétaire, en RCD, personnes confrontées à desdifficultés) pour lequel un travail de groupe en matière de prévention et de maîtrise de la gestion d’un budget est nécessaire ou utile ;
3) En concentrant les moyens et les deux types de pratiques, aspect curatif, aspect préventif, dans les institutions agréées, une plus grande efficacité devrait êtreobtenue ;
4) Les institutions agréées étaient déjà reconnues et subventionnées, les procédures de reconnaissance et de subventionnement des écoles deconsommateurs « constituent des doubles emplois de charges administratives qu’il est judicieux de supprimer dans une optique de simplification administrative » (60 institutionsagréées disposant d’une école de consommateurs sont dans le cas).
Un public plus ciblé
Pour le reste, les conditions pour la création d’un groupe d’appui sont proches de celles qui étaient exigées des écoles de consommateurs. Les groupesd’appui seront ainsi chargés de mettre en place un travail de prévention « secondaire et tertiaire »4 au sein des services de médiation de dettes. Enclair, ils s’adresseront prioritairement aux personnes « médiées », en règlement collectif de dettes, en guidance budgétaire et, également, aux personnesintéressées par le sujet mais qui connaissent des problèmes de gestion. Seront abordées lors des réunions les problèmes de gestion budgétaire, desurendettement et de façon générale tout thème ayant une incidence sur cette gestion. On retrouve parmi ces thèmes : la santé, l’alimentation, lesbanques, le budget, le juridique, la consommation, l’économie, la communication, le logement (avec pour chaque thème plusieurs sous-thématiques possibles, cf.circulaire).
Les réunions (au moins 10 entre le 1er janvier et le 31 décembre) sont organisées directement par le service de médiation de dettes agréé oupar un partenaire conventionné avec le service. On peut donc très bien imaginer que le groupe soit animé par une organisation telle que Vie féminine ou toute autreorganisation si elle est conventionnée avec le service de médiations de dettes. On se rapproche alors très fort de la diversité des écoles deconsommateurs…
Mais d’autres conditions sont également requises pour créer un groupe d’appui :
• disposer d’un local permettant d’accueillir un groupe d’au moins quinze personnes ;
• développer des animations pédagogiques adaptées aux besoins exprimés par les bénéficiaires dans le cadre des missions prédécrites ;
• établir des collaborations et travailler en partenariat avec des services, institutions ou personnes utiles pour aborder les thématiques de prévention du surendettement;
• participer aux réunions d’intervision organisées par les centres de référence.
Chaque service de médiation de dettes, qu’il soit public ou privé, peut créer un ou plusieurs groupes d’appui, mais un seul par service sera financé. Seulerestriction, mais de taille (au propre comme au figuré), il ne peut y avoir qu’un seul groupe d’appui pour les communes n’excédant pas 30.000 habitants, c’est lepremier qui demande qui sera servi. Si la commune ou le groupe de communes desservies comptent plus de 30 000 habitants, plusieurs groupes d’appui peuvent être organisés par uneinstitution publique locale agréée, à concurrence d’un groupe par tranche complète de 30 000 habitants. Par exemple, dans une ville comme Namur, qui compte 105 000habitants, le CPAS de Namur, agréé pour la médiation de dettes, pourra organiser trois groupes d’appui pour la prévention du surendettement. Plusieurs services demédiations de dettes peuvent également se regrouper pour créer un groupe d’appui.
Vous disiez simplification administrative ?
La subvention complémentaire allouée aux services de médiation de dettes créant un groupe d’appui est de 1500 euros par an. Obligation est faite pour chaquegroupe de rentrer trois autoévaluations annuelles auprès de l’administration. Une condition qui semble, pour les services de médiations de dettes déjàconsultés, un peu lourde en regard des 10 réunions annuelles à organiser et de la faiblesse du subside. Et qui leur fait dire qu’en termes de simplification administrative,l’objectif n’a pas vraiment été rencontré.
Les services de médiation de dettes s’inquiètent également du fait que la circulaire n’arrivant qu’en avril, – le temps de s’organiser -, les premiersgroupes d’appui ne commenceront leurs activités qu’en mai. Or, l’imposition des 10 séances minimum par an vaut aussi pour 2007. Une cadence qu’il va êtretrès difficile de tenir cette année…
Autre inquiétude : pour 2007, seuls les pouvoirs organisateurs des services de médiations de dettes agréés en 2007 et qui disposaient auparavant d’uneécole de consommateurs, pourront être subsidiés pour un groupe d’appui. Les autres, donc ceux qui ne disposaient pas d’écoles de consommateurs, pourrontégalement créer un groupe d’appui mais ne seront pas subsidiés cette année. Pour 2008, la subsidiation de ces derniers dépendra du dépassement ou pasdu budget de la Région wallonne qui leur est consacré. Il y a donc un risque à créer son groupe d’appui en 2007 si le service de médiation de dettes nedisposait pas déjà d’une école de consommateurs.
Les raisons invoquées pour supprimer les écoles de consommateurs
Selon la ministre Vienne, il ressort des évaluations des écoles de consommateurs menées en 2004 et 2005 qu’elles ne rencontrent pas les attentes souhaitées.Argumentation : « Tout d’abord, peu de personnes participent aux actions menées : 1 500 à 2 000 pour l’année. Même si nous pouvons imaginer qu’ilexiste un effet multiplicateur de ces actions sur l’entourage proche des participants, le dispositif est pour le moins inefficient comparé au 2% des ménages wallons en situationde surendettement. Ensuite, le coût du dispositif (240 000 euros) est impressionnant en regard des résultats obtenus sur le terrain. De même, le public touché est restreintet correspond à une tranche de la population déjà prise en charge dans le cadre des dispositifs d’insertion sociale et/ou professionnels existants. Enfin, le public cibleest limité : 28,58 % de chômeurs, 39,56 % de bénéficiaires du RIS pour seulement 7,69 % de travailleurs. »
Groupes d’appui : le rôle des centres de référence et de l’Observatoire
Pour les centres de référence, peu de choses changent. Ils poursuivront un travail analogue à celui effectué auprès des écoles de consommateurs et devrontdonc accompagner les groupes d’appui sur le plan pédagogique, technique et de l’évaluation. Ils seront ainsi chargés d’organiser une rencontre annuelle desgroupes d’appui (avec attestation de présence) et des réunions d’intervision pour les groupes d’appui ayant leurs activités sur leur territoire. Une missiondans laquelle on devrait entre autres retrouver une aide à la rédaction des trois autoévaluations annuelles. Les centres de référence devraient prochainement serencontrer afin d’harmoniser leurs futures pratiques d’accompagnement vis-à-vis des groupes d’appui. Une subvention leur était déjà accordéeactuellement pour l’accompagnement des écoles de consommateurs mais sur la base de subventions facultatives (40 000 euros pour la prise en charge des dépenses de frais depersonnel et de fonctionnement). Ce ne sera plus facultatif.
Enfin, une des missions de l’Observatoire du crédit et de l’endettement consistait à garantir la cohérence des actions des écoles de consommateurs età former les animateurs de ces écoles. Elle est à présent supprimée mais l’Observatoire organisera cependant deux jours de formation à destination desanimateurs des groupes d’appui.
Comment s’organise la Réforme ?
Les moyens
3 412 000 euros consacrés à la lutte contre le surendettement en 2007 (+ 777 000 euros par rapport à 2006)
• Création des groupes d’appui : 1 500 euros par groupe créé et organisant un minimum de 10 animations dans l’année civile.
• Refinancement des services de médiation de dettes, avec des parties forfaitaires et variables.
• Augmentation des frais de fonctionnement de l’Observatoire, portés à 100 000 euros (78 000 euros en 2006)
• Augmentation du financement des frais de fonctionnement des Centres de références et des coûts de personnel affecté à l’encadrement des Groupesd’appui (40 000 euros).
• Intervention dans le coût de formation continuée des travailleurs sociaux pratiquant la médiation de dettes.
Proximité et accessibilité des services de médiation
Selon Christiane Vienne, « il est apparu nécessaire de mettre en place une programmation afin d’éviter que sur un territoire insuffisamment peuplé deux institutions seconcurrencent et que l’expérience nécessaire à l’activité de médiation de dettes ne soit ainsi diluée ». Aussi, une seule institution demédiation de dettes par commune pourra être agréée. Ce nombre maximum est augmenté d’une institution de médiation de dettes par tranche entaméesupplémentaire de 30 000 habitants.
Professionnalisation du secteur
• Les travailleurs sociaux affectés à la médiation de dettes doivent dorénavant et exclusivement justifier d’une formation spécialisée detrente heures au moins.
• L’Observatoire mettra sur pied l’organisation annuelle d’un programme de formation de base et continuée à destination des médiateurs de dettes. Lacréation et l’évolution de carrières sont prévues par le décret pour le personnel nommé de l’Observatoire.
• Le financement dans les frais de personnel des prestations de juriste attaché au Centre de références à concurrence dorénavant d’un temps plein ceci »en raison de l’importance que revêt cette fonction et de l’évolution des législations applicables ».
Simplification des procédures administratives
Le nouvel arrêté simplifie et coordonne en les remplaçant l’ensemble des textes préexistants. Il instaure le principe de déclaration sur l’honneur envue de l’introduction d’une demande d’agrément ou de renouvellement d’agrément des services. Celles-ci pourront désormais être transmises par voieélectronique.
1. Cabinet Vienne, rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes –
tél. : 081 32 34 11 – courriel : presse-vienne@gov.wallonie.be –
Personne de contact : Geneviève Lacroix.
2. Décret modifiant le décret du 7 juillet 1994 concernant l’agrément des institutions pratiquant la médiation de dettes. Il est consultable sur le site del’Observatoire du crédit et de l’endettement : www.observatoire-credit.be (dans « Droit » puis »législation », ensuite dans « Médiation de dettes »).
3. Arrêté du gouvernement wallon portant exécution du décret du 7 juillet 1994 concernant l’agrément des institutions pratiquant la médiation de dettes, inM.B. du 26/03/2007.
4. Prévention secondaire : appui de personnes en situation de surendettement et/ou confrontées à des problèmes de gestion budgétaire.
Prévention tertiaire : soutien des personnes quittant les dispositifs de médiations de dettes et de règlement collectif de dettes pour prévenir la rechute.