C’était le 1er mars 2005. Plus de 600 personnes étaient réunies à Bruxelles pour faire le point sur deux ans d’application de la loi relative audroit à l’intégration sociale. Au cours de la journée, les résultats de plusieurs études commandées par Marie Arena (PS), ex-ministre del’Intégration sociale et reprises par son successeur Christian Dupont (PS également), ont été divulgués. Parmi elles, celle commanditée au consultantprivé Ernst & Young et portant sur la comparaison entre ancienne et nouvelle loi, tant au niveau quantitatif que qualitatif avec en sus la formulation de quelques recommandations.Aujourd’hui, cette évaluation1 est remise à l’ordre du jour par Bernadette Schaeck, assistante sociale dans un CPAS wallon, qui en a fait une analysefouillée et argumentée et qui ne mâche pas ses mots à l’encontre de la société de consultance privée chargée de l’évaluation.Le texte complet de cette analyse est disponible sur le Net2, nous vous en livrons ici quelques morceaux choisis ainsi que la réaction du cabinet Dupont aux critiquesémises.
Le ministre de l’Intégration sociale a commandé une enquête de bilan d’une année d’application de la loi concernant le droit àl’intégration sociale. Les résultats de cette enquête réalisée par la firme Ernst & Young ont été rendus publics lors d’un colloqueorganisé en mars 2005. L’enquête porte sur la période de septembre 2002 à septembre 2003. Elle comporte deux volets, l’un quantitatif et l’autrequalitatif. Les deux volets ont été réalisés essentiellement à partir de questionnaires et d’interviews auprès de professionnels des CPAS (présidents,secrétaires, assistants sociaux) et dans une moindre mesure auprès de bénéficiaires (uniquement pour le volet dit qualitatif). Les objectifs de l’enquête sontdéfinis comme ceci : l’évaluation par rapport à l’ancienne loi (volet quantitatif), la comparaison entre la lettre et l’esprit (volet qualitatif), et enfin despropositions d’améliorations et des pistes de solutions.
Sur la méthodologie
« Le nombre de bénéficiaires interviewés est peu représentatif : 110 bénéficiaires seulement provenant de 22 CPAS. Le déséquilibre estflagrant avec le nombre de professionnels de CPAS interviewés : 47 présidents, 47 secrétaires et 55 assistants sociaux provenant de 48 CPAS différents. La trèsfaible proportion de bénéficiaires interviewés est d’autant plus problématique qu’aucun d’entre eux n’a été interrogé pour levolet quantitatif. De plus, l’échantillonnage des bénéficiaires nous semble plus que contestable. La firme Ernst & Young a fixé des critères desélection et ce sont les assistants sociaux de CPAS qui ont choisi les bénéficiaires à interroger sur la base de ces critères. Les critères desélection eux-mêmes sont arbitraires et ne rencontrent qu’une infime partie des problèmes auxquels sont confrontés les bénéficiaires des CPAS. Ontété interviewés des personnes engagées sous article 60 (49), des jeunes ayant signé un contrat d’intégration (24), des étudiants (22) et desusagers ayant utilisé le droit d’audition par le Conseil (15) ».
Les sanctions
« L’analyse ajoute que les questions posées mélangent indifféremment les types de sanctions (administratives et pénales) et les motifs de sanctions(non-déclaration de ressources, déclarations inexactes, absence de disposition au travail, non-respect du contrat d’intégration, non-collaboration àl’enquête sociale). Il s’agit pourtant de réalités totalement différentes. Lors des travaux préparatoires au vote de la loi, en réponse auxcraintes des associations que la contractualisation et la priorité à la mise au travail n’aboutissent à des sanctions et exclusions, il avait été convenud’analyser les effets de la loi après un an d’application. Mais vu que le rapport Ernst & Young mélange tous les types et motifs de sanctions, il ne répondnullement à la question de savoir si la contractualisation du revenu d’intégration et l’obligation de disposition au travail ont abouti à des sanctions. Etc’est aussi le faible taux de réponse qui rend l’évaluation sur ce point inexistante. Nous citons le rapport : ‘Bien que le nombre de réponses soient statistiquementnon pertinent (seulement 37 répondants) les résultats repris ci-dessus (Tab.34 et Tab.35) indiqueraient que le nombre de sanctions administratives ainsi que leur durée diminuent.De plus, il semblerait que les sanctions pénales ne se produisent jamais’. Cela n’a pourtant pas empêché le ministre et les représentants des CPAS d’affirmerque l’enquête Ernst & Young prouve que ‘l’application de la nouvelle loi ne fonctionne pas comme une machine à exclure' ».
Les contrats d’intégration
« Les questions posées distinguent cinq types de contenu de projets individualisés d’intégration : emploi, formation, combinaison d’emploi et de formation,études, et une catégorie » autres « . Ces différents types de contrats ne sont pas définis : quel emploi ? quelle formation ? que recouvre la catégorie » autres « qui représente 1.089 contrats sur 4.128, soit 25 % ? Aucune analyse de contenu des contrats n’est faite : quelles obligations imposées aux jeunes, quel type et quellefréquence de contrôle exercé par les CPAS, quels résultats en termes d’emplois ou de qualification, etc. Les enquêteurs n’ont passélectionné un échantillon de contrats à analyser, ils se sont basés uniquement sur les déclarations de responsables de CPAS. Lareprésentativité des réponses est, pour ce point comme pour les sanctions, très insuffisante. Parmi les CPAS qui ont répondu, figurent un seul de la régionde Bruxelles et seulement trois parmi les « grands CPAS ». Les CPAS où le plus grand nombre de contrats sont signés par rapport au volume global de contrats n’ont donc pasrépondu. Quant à la partie du volet qualitatif où est censée se trouver l’évaluation des contrats faite par les bénéficiaires, elle tient enhuit lignes, reflet de la place accordée à l’avis des bénéficiaires dans toute cette enquête. Pour toutes ces raisons, nous estimons que l’enquêten’a pas évalué la contractualisation du revenu d’intégration pour les jeunes, ni son contenu, ni ses conséquences. Il s’agit pourtant d’un pilierde la nouvelle loi, aux dires de ses promoteurs ! »
Les étudiants
« Les questions posées portent sur le nombre d’étudiants sans distinction du type d’études. La loi considère pourtant comme étudiants, en plus desétudiants de plein exercice dans l’enseignement secondaire et supérieur, les apprentis sous contrat, les bénéficiaires qui suivent une formation en promotion socialequi débouche sur l’obtention d’un diplôme équivalent à une formation de plein exercice, les jeunes en formation alternée (Cefa). L’augmentation de20 % constatée comprend toutes ces catégories de bénéficiaires. L’enquête ne fournit donc aucune analyse du type d’études poursuivies, pas plusque du recours obligatoire aux débiteurs alimentaires et ses conséquences, des résultats de la modification de la compétence territoriale introduite par la nouvelle loi(le CPAS compétent est par dérogation pour les étudiants celui du domicile et non de la résidence), du nombre et des motifs de refus d’octroi du revenud’intégration aux étudiants, du type d’études privilégié par les CPAS. Lors des travaux législatifs préparatoires, les promoteurs de laloi avaient pourtant lourdement insisté sur le prétendu » droit aux études » introduit par la loi, et justifié la modification de la règle de compétenceterritoriale aux fins de répartir équitablement la » charge » des étudiants entre les CPAS. Le rapport d’enquête n’apporte aucun élémentd’évaluation sur ces questions. Aucun bénéficiaire étudiant interviewé pour le volet qualitatif n’a d’ailleurs été interrogésur ces différentes problématiques. »
Les article 60
« Le volet quantitatif mentionne quelques chiffres3, et le volet qualitatif recueille les avis de 49 bénéficiaires (sélectionnés par les CPAS, voir ci-dessus)engagés sous article 60. Sur cette question, le taux de réponse est plus représentatif. Mais l’évaluation n’en est pas moins absente. En effet, les questionsposées ne permettent aucune analyse : à quelles tâches sont affectés les bénéficiaires engagés ? Quelles sont leurs rémunérations ?Comment sont-ils sélectionnés ? Ont-ils été obligés d’accepter un emploi article 60 et lequel ? Remplacent-ils des emplois statutaires ? Quellesconséquences la multiplication des mises au travail en article 60 à durée déterminée et la constante rotation du personnel qui en découle ont-elles sur laqualité de l’emploi et du service rendu à la population ? Le refus d’occuper un emploi sous article 60 entraîne-t-il une sanction, et si oui, laquelle ? Le rapportd’enquête n’aborde aucune de ces questions. Il se borne à fournir quelques chiffres partiels, et à rendre compte d’une parodie de consultation desbénéficiaires. Le volet dit qualitatif affirme en substance que la plupart des bénéficiaires travaillant sous ce statut que nous avons rencontrés sont satisfaits del’expérience et envisagent avec dépit la fin de leur contrat… Un peu court pour une évaluation de la mise au travail, autre pilier de la loi aux dires de ses promoteurs! »
Les recommandations
« Les conclusions tiennent en une déclaration de bilan globalement positif et quelques points (mineurs) négatifs. Les recommandations sont relatives au fonctionnement interne des CPAS(statistiques, enregistrement de données), à la collaboration avec divers services et partenaires de même qu’avec les services fédéraux et régionaux, età quelques propositions de modifications de la réglementation. Ces propositions coïncident pour la plupart avec les revendications déjà connues de lafédération des CPAS (suppression de la distinction entre les plus et moins de 25 ans pour le droit à l’emploi, allongement du délai de trois mois pour assurer ledroit à l’emploi ou à un projet individualisé menant à terme à un emploi, etc.). Ce qui renforce notre opinion selon laquelle l’enquête aréalisé une consultation des CPAS plutôt qu’une évaluation de la loi. Nous épinglerons une des recommandations qui devrait réjouir le Vlaams Belang etles fascistes de tout poil. Ernst & Young recommande que les étrangers inscrits au registre de la population soient contraints de suivre des cours de langue nationale et soientobligés de réussir un examen dans le cadre d’un projet individualisé d’intégration sociale. ‘La motivation pour et le succès du projetindividualisé pourraient être déterminants pour la poursuite du bénéfice du revenu d’intégration.’ Réussir l’examen de néerlandais,français ou allemand… ou être privé de ressources ! »
L’évaluation de la loi DIS reste à faire
« Le projet de loi concernant le droit à l’intégration sociale avait suscité une opposition relativement importante, portée principalement par une plate-formed’associations, ‘Non au projet de loi sur l’intégration sociale ! Oui à une amélioration de la loi sur le minimex!’. Le ministre avait alors promis qu’uneévaluation serait faite après une année d’application de la nouvelle loi. Le SPP Intégration sociale a fixé le cadre de l’évaluation etlancé un appel d’offres pour l’enquête. Il a limité le cadre à l’évaluation des ‘nouveautés’ introduites par la loi. Or, c’estl’ensemble de la loi qu’il aurait fallu évaluer, celle de 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence ne l’ayant jamais été. Le SPPintégration sociale a aussi opéré le choix entre les organismes qui ont répondu à l’appel d’offres. Nous ignorons les raisons pour lesquellesc’est la firme Ernst & Young qui a été choisie, et nous ne savons pas le prix payé par le ministère. Quoi qu’il en soit, le choix d’un serviced’audit privé dont l’objet et les activités habituelles sont radicalement éloignés des préoccupations des plus pauvres de la société posepour le moins question. »
« Le fait d’avoir rendu public le rapport de cette enquête lors d’un colloque ayant rassemblé 600 personnes, le fait d’y avoir adjoint trois autres rapports(l’étude interuniversitaire de jurisprudence des tribunaux du travail, la contribution du service de lutte contre la pauvreté et un document établi par lafédération des CPAS), et le fait d’avoir organisé des ateliers de discussion lors du colloque, ne change rien à notre opinion selon laquellel’évaluation de la loi n’a pas été faite ».
• « L’étude de jurisprudence est certes intéressante. Elle permet de se rendre compte de la façon dont la loi est appliquée par certains CPAS, et de lamanière dont les tribunaux du travail interprètent certaines dispositions de la loi. Mais elle ne constitue pas une évaluation de la loi. Bien que les recours aux tribunaux dutravail soient relativement nombreux, ils ne concernent qu’une petite partie des décisions contestées par les usagers. Ceux-ci renoncent souvent à introduire un recourspour deux types de raisons : la crainte, d’une part (contester les décisions de l’institution dont leur survie dépend); les longs délais avant décision dutribunal du travail, d’autre part (plusieurs mois, voire une année, dans certaines juridictions). Ils peuvent introduire un recours contre une décision qu’ils contestent,mais en attendant, le CPAS leur coupe les vivres. Ils n’ont donc souvent pas d’autre choix que de se plier à la décision du CPAS. »
• « L’étude réalisée par le service de lutte contre la pauvreté, est infiniment plus intéressante que l’enquête Ernst & Young. Mais ellen’est pas – et ne prétend pas être – une évaluation globale. Elle se présente d’ailleurs très modestement et justement comme ‘unecontribution à’. Elle a été réalisée dans le cadre des missions du service, sans octroi de moyens supplémentaires. Le Service de lutte contre lapauvreté exprime lui-même en préambule de sa contribution toutes les limites de son enquête, entre autres le nombre restreint de points sur lesquels l’étude aporté. »
• « Le document établi par la fédération des CPAS, enfin, est tout sauf une évaluation globale de la loi. Il n’en a d’ailleurs pas, nous semble-t-il, laprétention (quoi qu’on pense par ailleurs de son contenu). »
Enfin, pour conclure Bernadette Schaeck insiste malgré la difficulté du travail sur la nécessité d’une évaluation indépendante des pratiques des CPAS ‘enpréparant sérieusement le cadre de l’enquête et en la confiant à un organisme indépendant et compétent pour ce genre de travail’. Pour notre assistantesociale, il est également important de mettre en place des mécanismes indépendants du pouvoir pour récolter les informations sur les pratiques des CPAS, dénoncerces pratiques publiquement si nécessaire , et de mettre en place des mécanismes de défense des usagers. « Il me semble que les travailleurs des CPAS (sociaux et administratifs,ouvriers et employés) ont une grande responsabilité à cet égard. Non pour se substituer aux usagers, mais pour les épauler. Les travailleurs ont accèsà un grand nombre d’informations auxquelles les usagers n’ont pas accès. Ces derniers ne connaissent en effet en général que leur situation personnelle, et pasles décisions globales du CPAS ni la situation des autres usagers. Les travailleurs des CPAS ont été particulièrement absents dans la mobilisation contre le projet de loiconcernant le droit à l’intégration sociale. Ils ont pourtant un rôle à jouer et ils peuvent toujours ‘se rattraper' »… À bon entendeur…
L’avis de Mateo Alaluf
Mateo Alaluf, sociologue de l’ULB qui a suivi la réforme du minimex, a été interrogé sur ce qu’il pense des critiques formulées à l’encontre del’évaluation d’Ernst & Young : il approuve et confirme l’analyse de Bernadette Schaeck. « L’évaluation d’Ernst & Young fait partie de nombre de ces évaluations despolitiques publiques, réalisées par des sociétés de consultance privées, que je considère comme tout à fait abstraites. Celle-ci fixe descatégories coupées de toute réalité avec une quantification qui est à ce point précise qu’elle masque la réalité et ne constitue en aucun casune garantie d’objectivité. Pour moi, et je rejoins tout à fait madame Schaeck dans son analyse, l’évaluation de terrain, telle que l’étude du Service de lutte contre lapauvreté était beaucoup plus pertinente. »
Réaction du cabinet Dupont
Face à cette avalanche de critiques, nous avons bien sûr sollicité la réponse du cabinet du ministre de l’Intégration sociale, Christian Dupont (PS). La voici:
» Le Cabinet du ministre Christian Dupont, tout en respectant le point de vue personnel de Madame Bernadette Schaeck, désire faire quelques remarques au sujet de cet article :
Il a été convenu d’étudier et d’évaluer les effets de la loi lors des travaux législatifs préparatoires. Le Ministre a voulu qu’uneévaluation la plus large et la plus complète soit réalisée afin d’analyser globalement les effets de la loi après un an de fonctionnement.
Quatre évaluations de la loi sur le droit à l’intégration sociale ont été réalisées :
• non seulement par Ernst & Young,
• mais également par le Service de lutte contre la pauvreté, qui a analysé le point de vue des usagers et des pratiques en matière de travail social ;
• par les fédérations de CPAS, qui ont proposé une analyse critique et complète de l’ensemble des acteurs de terrain concernés ;
• par deux universités pour l’analyse jurisprudentielle de la loi.
C’est donc l’ensemble de ces travaux qui font actuellement l’objet d’un travail d’analyse et de réflexion et d’une relecture de la loi afin d’yapporter les améliorations nécessaires à son bon fonctionnement sur le terrain, tant pour le personnel des CPAS que pour leurs usagers. L’enquêteréalisée par Ernst & Young n’est qu’un des éléments de cette réflexion et il serait contestable, voire réducteur et incorrect, de ne pasprendre en considération les travaux réalisés par les autres opérateurs.
Il est bien évident que l’étude commandée à Ernst & Young, comme toutes les études à l’initiative d’institutions publiques, a faitl’objet d’un appel d’offres conformément à la législation et aux règles strictes en matière d’octroi d’un marché public. Cemarché a été attribué à Ernst & Young qui a fait une offre de soumission la plus complète et la moins onéreuse au regard des critères desélection définis par le Comité d’accompagnement.
Sans rentrer dans une attitude polémique, le Ministre tient à rappeler que, tout au long de ce processus d’évaluation, les avis, réactions et critiques ontété nombreux, vivifiants et constructifs. Sa volonté a bien été de donner la parole à chacun afin d’obtenir les fruits d’une concertation la pluslarge et fructueuse possible.
Il lui semble clair que la loi sur le droit à l’intégration sociale peut et doit encore faire l’objet d’améliorations même si, de l’avis de tous,elle a engrangé des acquis et des avancées non négligeables. Il a notamment entendu qu’il reste des difficultés liées à :
• l’interprétation de certains aspects de la loi,
• la multiplication des lois, des tâches et des procédures,
• l’augmentation des charges administratives pour les travailleurs sociaux,
• le manque d’outils pour une gestion efficace des données,
• et surtout un besoin de temps pour assurer un travail de qualité qui est la base de l’intégration.
C’est à cette tâche qu’il désire s’atteler aujourd’hui, en concertation avec tous les acteurs qui se sentent concernés. Un processusd’évaluation doit être permanent. Le débat reste donc ouvert. «
Le choix d’Ernst & Young
Interrogée à la chambre le 3 mars 2004 par la députée Ecolo, Zoé Genot, Marie Arena (PS), alors ministre de l’Intégrations sociale, justifiait ences mots le choix de la firme Ernst & Young :
» (…) En ce qui concerne l’évaluation de la nouvelle loi concernant le droit à l’intégration sociale – c’était prévu –, la comparaison de lalettre et de l’esprit de la loi, soit l’analyse de ce que la nouvelle loi signifie tant à l’égard de sa mise en pratique dans les CPAS que de ce qu’elle représente pour sesbénéficiaires, il s’agit d’une étude quantitative mais aussi qualitative auprès des principaux intéressés, à savoir les CPAS, les ayants droità l’intégration et les associations qui les représentent. Cette étude a fait l’objet d’une adjudication par procédure d’appel général sur la base d’uncahier des charges préparé à cet effet. Le marché est attribué, à partir du système de cotations, au soumissionnaire qui introduit l’offre la plusintéressante. Cette attribution est effectuée par un comité de sélection, lequel est composé du fonctionnaire dirigeant, c’est-à-dire le président duSPP Intégration sociale, d’un fonctionnaire du SPP Intégration sociale, Lutte contre la pauvreté et Economie sociale qui en est le rapporteur, de deux représentants de laministre de la Fonction publique, de l’Intégration sociale et de la Politique des grandes villes. Étant donné que les trois compétences sont sous la responsabilitéd’une seule ministre, il y a deux représentants qui se partagent les spécificités « Grandes villes », « Intégration sociale » et « Fonction publique ». Cette mission aété attribuée à Ernst & Young Entrepreneurs. Cette entreprise peut se prévaloir d’une expérience dans la radioscopie et la réorganisation desCPAS. Elle a à son actif différentes références en matière d’enquêtes auprès des groupes-cibles du service public. Ce choix a étémotivé par le rapport qualité-prix de leur offre, à savoir une enquête complète et détaillée comportant un échantillon réaliséauprès de 60 CPAS interrogés, contre 12 pour l’offre formulée par le consortium Universités IVA-ULB.
Nous estimions que la proposition d’un échantillon réalisé sur 12 CPAS uniquement ne pouvait pas être représentative de la réalité àl’échelle du territoire. La représentation nord-centre-sud ne pouvait pas être rencontrée avec 12 CPAS. En outre, il faut avoir une représentation des grands, despetits, des moyens. Le croisement proposé par l’IVA et l’ULB ne nous permettait pas de garantir un échantillonnage suffisant. En outre, le coût global est moinsélevé. En effet, IVA-ULB nous proposait un échantillon sur 12 CPAS pour un prix de 131 039 euros alors que Ernst & Young nous proposait un échantillon sur 60 CPAS avecun prix de 116 356 euros. Il était difficilement justifiable sur un plan qualitatif ou quantitatif d’opter pour le choix universitaire. Je ne vous dirai pas vers qui je me seraisorientée à situation égale, mais l’offre présentée par Ernst & Young était manifestement plus intéressante. (…) « .
Réponse de Zoé Genot (Ecolo)
» Chat échaudé craint l’eau froide! Sous la législature précédente et pour d’autres de vos compétences, on a vu le type d’études que remettaientles bureaux de consultance et le prix auquel il les faisait payer. Franchement, je reste très sceptique sur la qualité des rapports remis par rapport au prix payé. Lesmodalités de l’enquête sont très importantes. En effet, l’étude universitaire prévoyait des groupes de discussion avec des usagers, menés par des seniors, etnon par des étudiants, par des gens ayant l’habitude de travailler avec un public précarisé. Selon moi, cet élément était primordial. Vous me dites que Ernst& Young a déjà travaillé avec des publics d’administration, cela ne me paraît pas refléter une expérience suffisante d’un public précariséde CPAS. Cela me paraît assez léger. On verra ce qui sortira de cette évaluation. Je suis favorable à ce que les associations puissent, elles aussi, faire remonter uncertain nombre de leurs constatations de terrain qui pourront être confrontées au reste de l’étude. Mais, sur la base des éléments que vous me communiquez, jecrains, je l’avoue, que cette étude soit plutôt quantitative et pas tellement qualitative. «
1. Extrait du compte rendu intégral de la réunion de la Commission de la Santé publique, de l’Environnement et du Renouveau de la société du mercredi 3mars 2004 – CRIV 51 COM 183. Téléchargeable ici
1. Télécharger l’évaluation de Ernst & Young
2. Le texte est consultable dans son intégralité sur le site. Il a par ailleurs étépublié dans le Journal Droit des jeunes de février 2006.
3. Pour des chiffres plus complets, voir les statistiques. Rappelons par ailleurs qu’Alter Echos a réaliséà cette occasion un n° spécial (n°183) téléchargeable dans notre rubriquedossiers.