Lors des dernières élections législatives, les revendications flamandes en matière de sécurité sociale ont porté prioritairement, mais sanssuccès, sur la défédéralisation des soins de santé et des allocations familiales. Pour celles du 10 juin 2007, il semble bien que le relais ait étépris par la question de l’Emploi, dont le SP.A, au moins, semble faire un de ses grands thèmes de campagne. Alter Échos publie, à partir de ce numéro (voirl’interview d’Eddy Courthéoux), une série d’entretiens avec des hauts fonctionnaires de l’Emploi, et des représentants des partenaires sociaux et dela société civile. Cet article introductif vise à présenter sommairement la situation institutionnelle actuelle des politiques d’emploi en Belgique, sousl’angle de la répartition de compétences entre entités fédérale et fédérées.
Parmi les principales compétences fédérales en matière d’Emploi, se trouvent principalement :
• les condition d’octroi des allocations de chômage, c’est-à-dire leur montant, les dispositifs d’insertion dans le cadre de l’assurance chômage (lesALE, Activa, PTP, Sine, etc.), les interruptions de carrière et les prépensions, mais aussi le contrôle du « comportement de recherche d’emploi »
• le financement de la sécurité sociale, notamment les réductions de cotisation à charge des employeurs dans le cadre des « plans d’embauche » ;
• la législation du travail : le droit des conventions collectives de travail (où se décident le niveau des salaires), le droit du licenciement, la législation sur ladurée du travail.
Parmi les principales compétences régionales, figurent surtout :
• le placement des travailleurs ;
• les programmes de remise au travail des demandeurs d’emploi inoccupés (actuellement ACS en Flandre et à Bruxelles, et APE en Région wallonne).
Bien qu’elles ne figurent pas explicitement dans le champ des politiques d’Emploi, au sens strict, il convient d’ajouter que les compétences en matière de formationprofessionnelle ont, elles aussi, été communautarisées (puis régionalisées en Wallonie et à Bruxelles).
Un paquet cohérent ?
Il est à noter que le discours du SP.A, qui est le plus en pointe en matière de régionalisation de l’Emploi, ne se fonde pas, contrairement à ce quis’était observé dans la discussion sur les soins de santé, sur une quelconque dénonciation d’abus wallons ou bruxellois et de transferts financiers qui endécouleraient. Il s’appuie au contraire sur le double argument du « paquet cohérent de compétences » et de la nécessité d’affiner lespolitiques en fonction des réalités très différentes des trois marchés régionaux.
À cet égard, les chiffres de l’Onem de décembre 2006 sont éloquents. Sur l’ensemble des chômeurs complets indemnisés, en Flandre un sur six esten stage d’attente, à Bruxelles, ils sont un sur quatre, en Wallonie un sur trois. Les réalités s’inversent lors de l’examen des prépensions. C’est aunom de cette asymétrie et du besoin d’actions différenciées (notamment en termes de réductions de cotisations sociales) que le SP.A pose ses revendications : alors queBruxelles et la Wallonie devraient cibler principalement les jeunes, la Flandre, elle, souhaite augmenter le taux d’emploi des plus de 50 ans.
Outre les possibilités de détricotage du caractère fédéral de la Sécurité sociale qu’ouvriraient ces différenciations dans lesréductions de charge, elles risqueraient également de se faire au détriment de la mobilité interrégionale. C’est d’ailleurs ce qui explique les réticencespatronales à un scénario de régionalisation (même si la FEB souhaiterait quand même parvenir à une flexibilisation des salaires entre les Régions, cequi signifie une régionalisation des conventions collectives).
En effet, selon Paul Palsterman (Service d’études de la CSC), « Une scission de l’assurance chômage, par exemple, obligerait à établir entre les troisRégions belges des règles de coordination analogues à celles qui existent entre pays étrangers. Si le but est vraiment d’instaurer des règlesd’indemnisation très différentes entre les trois Régions (ce qui est logiquement le cas, puisque c’est la nécessité d’approches différentesen vertu de différences prétendument indépassables dans la réalité sociale qui est à la base de l’argument), ces règles de coordination aurontau minimum la complexité des actuels règlements européens de sécurité sociale : il ne sera pas possible, dans le contexte belge, d’instaurer des règlessimples, comme celles qui existent entre pays nordiques, basées justement sur l’homogénéité des conceptions et des règles d’indemnisation. »
Reste donc à savoir si la répartition actuelle des compétences pourra être investie par les acteurs de manière à mener des politiques adaptéesà leur public. C’est cette question, plus technique qu’idéologique que creuseront les prochains entretiens d’Alter Échos, avec ces acteurs eux-mêmes.