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Regard critique · Justice sociale

Recentrer les SIS sur l'insertion sociale

Le gouvernement wallon a recadré les missions des services d’insertion sociale (SIS). Pas de grand changement a priori. En revanche, sur le terrain, certains acteurs voient arriver de nouveaux publics, tandis que les moyens sont gelés

Le gouvernement wallon a recadré les missions des services d’insertion sociale (SIS). Pas de grand changement a priori. En revanche, sur le terrain, certains acteurs voient arriver de nouveaux publics, tandis que les moyens sont gelés. Effet, sans doute, des restrictions budgétaires à tous les étages

Fin mars, le gouvernement wallon revoyait l’arrêté relatif aux SIS, à l’initiative de la ministre en charge de l’Action sociale, Eliane Tillieux. Il prévoit de recentrer ces services sur leur mission première « à savoir la réinsertion sociale des personnes les plus éloignées de l’emploi (bénéficiaires du RIS, entre autres) ». Il rappelle aussi que le SIS doit s’envisager comme une structure de passage et que le bénéficiaire est rendu acteur de son parcours. L’évaluation régulière de son dossier lui permet de participer pleinement à ce processus. « L’objectif, c’est la réinsertion sociale avant tout. Il s’agit d’aider la personne à reprendre confiance en elle », précise Olivier Rubay, porte-parole de la ministre. L’idéal étant, bien sûr, que la personne rejoigne le milieu socioprofessionnel. Une autre modification apportée à l’arrêté consiste à l’élargir à d’autres porteurs de diplômes la profession de travailleur social au sein d’un SIS. Elle ne se limiterait plus à ceux portant le titre d’assistant social, les éducateurs pourraient également postuler. L’objectif est de renforcer les troupes des SIS.

Peu de changements

Etrangement, peu d’acteurs concernés étaient au fait de ces modifications. Mais ils ne semblent pas inquiets outre mesure. A la Fédération des CPAS1, dont une soixantaine ont mis sur pied un SIS, la personne qui suit le dossier estime qu’il s’agit juste d’un rappel du cadre : « On n’a pas de souci à ce que le SIS soit envisagé comme une « structure de passage », à condition que ce passage ne soit pas limité dans le temps. Une personne pourrait donc rester dans un SIS plusieurs années, à condition que cela ait un sens. La Fédération approuve donc qu’on rappelle la nécessité d’une « évaluation du suivi du dossier » : « Si on veut échapper au risque de tomber dans de l’occupationnel et si l’on veut conserver du sens aux actions menées, il faut effectivement fixer des objectifs et les évaluer. » Quant au point sur la profession de travailleur, la Fédération insiste sur la nécessité de protéger celle-ci. Et apporte une nuance : « Toutefois si cette ouverture est limitée aux porteurs de diplômes de types pédagogique ou social, elle ne nous pose pas de problème. » Elle signale par ailleurs que ces modifications seront débattues lors de la prochaine réunion de la Commission wallonne de l’Action sociale (CWAS), prévue le 22 mai.
Même écho au CAIPS, la Fédération « Concertation des ateliers d’insertion professionnelle et sociale ». « Il n’y a rien de fondamental, estime Jean-Luc Vrancken, son coordinateur. L’objectif serait de bien inscrire les SIS dans une logique qui ne soit pas occupationnelle. »

Nouveaux publics, moyens gelés

Néanmoins, si ces modifications apportées à l’arrêté sont pour ainsi dire sans conséquence, d’autres questions se font jour. Certaines sont par exemple apparues au cours des formations organisées par le CAIPS pour les travailleurs sociaux des SIS. « De plus en plus de SIS s’interrogent sur la transmission des données des stagiaires, observe Jean-Luc Vrancken. Cela pose des questions en matière de déontologie. Ceci dit, cela ne s’observe pas de manière aussi accrue que dans le secteur des EFT/OISP. » Autre élément nouveau : « Les SIS sont de plus en plus confrontés à de nouveaux publics, en particulier avec des publics ‘santé mentale’. Il semble que cela soit la conséquence de certaines réformes comme celle des hôpitaux psychiatriques ou encore de celle du Plan d’accompagnement des chômeurs. » Et les travailleurs sociaux ne sont pas toujours en mesure de s’adapter à ces changements, constate le coordinateur de CAIPS.
Par ailleurs, pour rester dans l’air du temps, les moyens sont bloqués. Dès lors, il n’est plus possible d’agréer de nouveaux SIS. Ce qui inquiète la Fédération des CPAS wallons, d’autant que pour elle, la problématique s’accroît. « Contrairement à l’insertion professionnelle dont l’utilité est reconnue unanimement, l’insertion sociale doit encore aujourd’hui justifier de son intérêt, prouver qu’elle n’a rien à voir avec l’occupationnel mais qu’elle s’inscrit parfaitement dans certains parcours. Elle n’est quasi pas financée ou en tout cas pas en suffisance », peut-on lire dans la présentation d’une conférence organisée par la Fédération des CPAS le 6 mai aux Moulins de Beez à Namur (« L’insertion sociale : une pratique essentielle »).
A cette occasion, le CPAS de Virton présentait l’avortement de son projet. « Pendant deux ans, ce CPAS a mené des actions pour être agréé. Et ils ne l’ont pas été. Ils vont devoir laisser tomber leurs projets. Or, il y a de plus en plus de personnes désaffiliées, déplore-t-on à la Fédération des CPAS. S’arrêter là, c’est regrettable. Les CPAS et les asbl ne seront pas en mesure de répondre aux besoins. Les montants sont indexés, mais l’enveloppe reste fermée à de nouveaux projets. » Et de pointer un paradoxe : « Comment dire « c’est important », ce n’est pas de l’occupationnel, mais vous n’aurez aucun moyen pour en faire. »
Le débat est loin d’être clos.

Tendre vers l’emploi

L’insertion sociale doit-elle mener à tout prix vers l’emploi ? C’est un vieux débat depuis la création du dispositif SIS qui visent des personnes en situation de « désaffiliation », soit qui ne sont pas en mesure de « s’insérer dans un dispositif d’insertion socioprofessionnelle ». « Les SIS gardent comme finalité l’insertion socioprofessionnelle afin d’induire une obligation de moyens plutôt que de résultats », dit explicitement un avis de la Commission wallonne de l’action sociale de 2011.

« Lorsque les SIS ont été lancés, rappelle Claudio Pescarello du Gabs (Groupe d’animation de la Basse-Sambre) 3, on était dans une logique d’insertion sociale sans allusion à l’insertion socioprofessionnelle. On constate aujourd’hui qu’on fait marche arrière. On parle d’insertion sociale, mais à chaque fois on rajoute en filigrane l’insertion socioprofessionnelle. Or, il y a une notion de temps qui est capitale. La démarche des SIS est une démarche collective qui vise à inscrire les gens dans le temps pour leur permettre de redevenir des acteurs de leur existence. »

Pour la Fédération des CPAS, « c’est bien qu’il n’y ait pas d’obligation de résultat. L’important est le développement de l’estime de soi, de la confiance, et tant mieux si cela mène vers l’insertion socioprofessionnelle ». En ajoutant que celle-ci peut prendre plusieurs des années.

Au SIS du CPAS de Namur4, on admet qu’on tend vers l’insertion socioprofessionnelle : « Mais le SIS est une impulsion pour autre chose. Et cela reste toujours du cas par cas. »

Une approche tout en nuance.

1. Service Insertion Précarité, Fédération des CPAS – UVCW:
– adresse : rue de l’Etoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 62
– site : http://www.uvcw.be/cpas
2. CAIPS :
– adresse : rue E. Malherbe, 18 à 4400 Flémalle
– tél. : 04 337 89 64
– courriel : info@caips.be
– site : http://www.caips.be
3. Gabs :
– adresse : rue Haute, 8 à 5190 Spy
– tél. : 071 78 42 71
4. CPAS de Namur :
– adresse : rue de Dave, 165 à 5100 Jambes
– tél. : 081 33 70 02

Aller plus loin

Cahier Labiso n° 86
L’insertion sociale, enjeu de société
http://www.labiso.be

Baudouin Massart

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