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Reconnaissance de la langue des signes en Communauté française

Le Gouvernement de la Communauté française a adopté le 4 juillet l’avant-projet de décret relatif à la reconnaissance de la langue des signes.

28-07-2005 Alter Échos n° 146

Le Gouvernement de la Communauté française a adopté le 4 juillet l’avant-projet de décret relatif à la reconnaissance de la langue des signes.

Attendue depuis de nombreuses années par la communauté des sourds, cette avancée concerne 30 000 adultes et 9 000 enfants de moins de 15 ans en Communautéfrançaise.

En Belgique, une déficience auditive profonde est dépistée chez un nouveau-né sur mille dans sa première année d’existence et un enfant sur mille, deplus, est dépisté dans sa deuxième année de vie. En ajoutant les personnes dont l’audition diminue fortement avec l’âge, ce sont 8% de la population qui souffrent detroubles auditifs importants.

À la demande des ministres Maréchal1, Detienne et Draps, une étude universitaire a été menée afin de déterminer la langue officielle puisque desvariantes régionales existent. Des contacts ont également été pris, pour avis, avec la Fédération francophone des sourds de Belgique2 et d’autresassociations du secteur. D’autre part, cette étude devait aussi évaluer les implications, pour les différents niveaux de pouvoir, de la reconnaissance de la langue des signes.C’est d’après Vinciane Gailly, experte pour le cabinet Maréchal, « un très bon outil pour que chaque ministre puisse connaître là où il peut agir s’ille veut. Il connaît désormais, dans son secteur, les éléments qui doivent évoluer pour qu’il y ait une pleine intégration de la langue des signes dans la viede tous les jours ». Cette reconnaissance constitue une première étape par rapport à la problématique des sourds complète-t-on au Cabinet Maréchal.

Une étape symbolique

C’est, non seulement, une étape hautement symbolique pour les personnes sourdes qui vient d’être franchie mais aussi une porte enfin ouverte à une véritable prise enconsidération des spécificités de cette communauté. En effet, la reconnaissance de la langue des signes aura des répercussions concrètes et fondamentales :les experts recommandent, à titre d’exemple, la nécessité d’un apprentissage très précoce et continu de l’enfant en langue des signes pour faciliter sondéveloppement intellectuel. Dans cette optique, le bilinguisme français/langue des signes paraît incontournable, d’autant plus que 95% des enfants sourds ont des parentsentendants. Pour ces enfants, le mode d’apprentissage traditionnel de la langue niait jusqu’à présent leur spécificité. « Une langue qui leur est propre leurpermettra de communiquer et de s’épanouir, a expliqué la ministre de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé, Nicole Maréchal. Il est évident qu’un enfantsourd qui ne peut apprendre, comme les autres, n’aura pas la possibilité de valoriser son potentiel intellectuel. Faut-il insister sur le taux important d’analphabétisme etd’échec d’intégration sociale et professionnelle qui en découle aujourd’hui. » Véronique Gailly , interprète en langue des signes, défend quantà elle un apprentissage mixte langue maternelle – langue des signes. « Jusqu’ici on s’est surtout focalisé sur une approche médicale. L’Inami rembourse les doubles implants(appareil implanté dans l’oreille) à 100% par exemple. Cette approche a ses limites. Il faut l’accompagner d’une approche de type éducative qui permet au jeune de sedébrouiller dans la vie, qu’il apprenne par exemple à lire sur les lèvres. Il sera alors vraiment capable de s’adapter à la vie quotidienne ».

Martine Fraiture, secrétaire générale de la Fédération francophone des sourds de Belgique, confirme cette position, expliquant que « depuis longtemps,depuis toujours en fait, la Fédération et la Communauté sourde souhaitent que la société soit plus accessible aux sourds et de ne plus se sentir rejetéà cause de la barrière de la langue. La reconnaissance de la langue naturelle des sourds, la langue des signes, c’est aussi une manière de reconnaître l’existencemême des spécificités des personnes sourdes ». Pour Martine Fraiture, cet avant-projet de décret est « un premier pas ». La reconnaissance est surtoutsymbolique et le « vrai travail ne fait que commencer. C’est-à-dire qu’il faut encore effectuer des actions de sensibilisation et d’information. Des réunions de travail devraientêtre organisées dans le but de concrétiser les objectifs qui sont l’accessibilité à la TV, aux services publics, aux soins de santé et surtout àl’éducation et à la formation, etc. »

Quid de l’enseignement et de la reconnaissance des interprètes ?

Cette reconnaissance de la langue des signes doit ainsi entraîner une reconnaissance au niveau de l’enseignement. Elle repose la question de la profession d’interprètes, actuellementnon reconnue et non protégée. Le Gouvernement de la Communauté française s’est donc aussi engagé, dans les limites des crédits budgétaires, àfixer les mesures d’exécution nécessaires pour permettre l’utilisation de la langue des signes dans les différents domaines relevant de ses compétences. Pour menerà bien ce processus, sera instituée une commission consultative composée, entre autres, de représentants des associations de sourds, des associations de parents d’enfantssourds, des associations d’interprètes, des écoles d’enseignement spécial et des écoles pratiquant l’intégration d’enfants sourds dans l’enseignement ordinaire.Elle sera chargée d’émettre des avis et des propositions. Dans un premier temps, il s’agira pour cette commission d’établir ses priorités dans les mesures àprendre. Toutefois, aucune échéance n’a été fixée. L’étude inter-universitaire estime à 120 équivalents temps plein la charge nécessairepour couvrir l’enseignement de la langue des signes.

Le rapport propose d’assouplir les règles d’engagement dans l’enseignement spécialisé de type 7 afin d’engager prioritairement des personnes qui disposent d’une formation enlangue des signes validée par un certificat. Martine Fraiture souhaite « un règlement ministériel pour que les enseignants soient dans l’obligation de connaître lalangue des signes. Et que, par le jeu des mutations, ceux qui ne le peuvent pas puissent être remplacés par des enseignants connaissant la langue des signes. » Une demande pour queles enseignants ayant appris la langue des signes soient reconnus prioritaires a d’ailleurs été introduite auprès du ministre Hazette (MR) par la Fédérationfrancophone des sourds. Au cabinet de ce dernier, on se dit favorable au fait que des personnes sourdes puissent, si l’on a reconnu leurs compétences, enseigner la langue des signes auxélèves de l’enseignement spécial. Toutefois, cette revendication avait été transmise au ministre en charge de la Fonction publique, Rudy Demotte (PS) que vient deremplacer Christian Dupont (PS). Deux heures (facultatives) ont été prévues dans l’enseignement primaire et deux heures obligatoires dans l’enseignement secondaire. « Nousavons privilégié la progressivité indique Catherine Soudan, en charge du dossier au cabinet du ministre de l’enseignement spécial. Il faudrait aller beaucoup plus loin.Mais nous n’avons pas, actuellement, suffisamment d’enseignants ayant les titres requis. Il faut 5 ans pour obtenir un diplôme dans le cadre de la promotion sociale ».

1. Cabinet Maréchal, rue Belliard 9/13 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 213 35 51, courriel : jean-philippe.kestemont@cfwb.be
2. FFSB, rue Van Eyck, 11a, bte 4 à 1050 Bruxelles, tél. : 02 644 69 01, fax : 02 644 68 44.

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