Des rumeurs concernant la jonction ferroviaire Nord-Midi font sortir Recyclart1 et Congrès2 de leur boîte. Les deux asbl mettent sur pied le projet« Jonction 2012 ». En toile de fond, un autre litige oppose Recyclart et la SNCB.
C’est un bruit, une rumeur qui court sur un rythme de blues, influencé par le bruit syncopé des roues des trains sur les rails dans le fin fond des Etats-Unis… Aujourd’hui, le« toum-toum-tchac » charrie une information qui pourrait inquiéter certains Bruxellois : la SNCB, constatant la saturation de la célèbre jonctionBruxelles Nord-Bruxelles Midi, penserait entre autres à dédoubler le réseau. Une idée qui, étant donné le traumatisme toujours bien ancré liéà la première jonction, a fait se lever l’asbl Recyclart (qui occupe les locaux de la gare de la Chapelle), en association avec l’asbl Congrès (présente dans la garedu Congrès). Pour se faire entendre, pour susciter la réflexion, les deux structures ont lancé le projet « Jonction 2012 ». Le but de l’opération estsimple : identifier les questions liées à cette problématique et tenter d’y répondre au moyen de conférences, de débats, de résidencesd’artistes, de cycles de cinéma, d’expositions dans l’espace public ou encore de publications sur le sujet. Le tout pendant deux ans (2011-2013). Il s’agira aussi par ce biais de travaillerautour de différents scénarios concernant la jonction, des scénarios qui seront ensuite confiés à des équipes d’architectes en vue d’élaborer un ouplusieurs schémas directeurs. Un travail de lobbying, notamment à destination du politique bruxellois, est également prévu.
Recyclart
Approuvé en 1997 (à la base pour une période de trois ans) par la Commission européenne dans le cadre d’un appel à projets du Fonds européenau développement régional, Recyclart avait comme objectif la réaffectation du site de la gare de la Chapelle et de ses alentours. Aujourd’hui, la structure se présentecomme « un laboratoire artistique, un lieu de création, un centre de formation pour chercheurs d’emploi, de confrontation et de diffusion culturelles, un acteur de l’espace publicurbain, un lieu de rencontres et d’expérimentations ».
L’asbl remplit trois missions :
• Une mission de centre d’art gérant la mise au point de créations artistiques, de concerts, de performances, d’ateliers d’artistes, de créations sur l’espace public, leplus souvent en lien avec le quartier ;
• Un pôle horeca avec la gestion d’un bar/restaurant ;
• Un pôle technique appelé « Fabrik » mettant en place des ateliers de menuiserie, de construction métallique et de gestion d’infrastructureet de stock.
Les deux dernières missions sont menées dans le cadre d’une mission de remise à l’emploi, Recyclart étant reconnue comme Ilde (initiative locale de développement del’emploi).
Une SNCB « old school » ?
Explication de la teneur du projet : « La première mission de Recyclart en tant que projet pilote urbain est de recréer le lien entre la ville et les Marolles, làoù la rupture due à la jonction a eu le plus d’impact, explique Laurence Jenard, directrice de l’asbl. Depuis quelques mois, des rumeurs en provenance de la SNCB font état d’unéventuel dédoublement de la jonction. Outre le fait que nous déplorions que la SNCB semble faire son truc dans son coin en mettant parcimonieusement les autorités aucourant, nous demandons aussi qu’elle prouve qu’il y a saturation. Nous souhaitons également que des pistes comme le passage par la gare de l’Ouest soient explorées. »
Du côté de la SNCB, si on salue l’initiative Jonction 2012, on se fait aussi critique. « Je pense que c’est une très bonne initiative, juge Louis Maraite,porte-parole de la SNCB-Holding3. Il faut encourager la participation citoyenne sur des projets de travaux publics en amont et plus seulement en aval, au niveau de la procédurejuridico-administrativo-urbanistique avec recours multiples et divers. Je peux regretter qu’elle arrive un peu tard. C’est en effet depuis 2003 que la jonction est saturée4 et laréflexion sur son dédoublement-élargissement-approfondissement-contournement n’a pas attendu Recyclart. Alors que cette réflexion menée par des experts approche deson terme, le monde associatif se sent subitement concerné. Mais toute mobilisation autour d’un projet urbanistique doit être considérée positivement. »
Un jugement qui fait réagir Stéphane Damsin, coordinateur du projet Jonction 2012. « Lors de la conférence de presse que nous avons organisée, certainsreprésentants de la SNCB étaient présents et se sont montrés assez arrogants, explique-t-il. Il faut savoir que lors de la première jonction, il n’y avait pas deRégion de Bruxelles-Capitale. La SNCB avait le feu vert pour tout. Aujourd’hui, elle continue à fonctionner à l’ancienne, prépare son projet, présente les plans etcommence les travaux six mois plus tard. Mais cela ne fonctionne plus comme cela. »
De l’eau dans le gaz ?
Si la situation semble un peu tendue, c’est peut-être aussi parce qu’un deuxième litige oppose Recyclart à la SNCB. L’asbl occupe en effet les locaux de la gare de laChapelle, qui appartiennent à la SNCB. Sur fond de discussions concernant le bail5, la SNCB semble s’inquiéter des risques, notamment d’incendie, que feraient peser sur lasécurité de la gare les ateliers de menuiserie et de construction métallique mis en place par Recyclart. « Au-delà de la sécurité des personnesqui fréquentent la gare pour prendre le train (un millier par jour), nous devons assurer celle de gens qui l’utilisent à d’autres fins (que nous avons soutenues) ainsi que lasécurité de la jonction par laquelle passent chaque jour 1 200 trains et 320 000 passagers. Nous pensons que Recyclart comprendra cela », explique Louis Maraite.D’après la SNCB toujours, des devis concernant d’éventuels travaux pour équiper les locaux utilisés de structures anti-feu ont été demandés :leurs montants se chiffreraient à un million d’euros.
Du côté de Recyclart, on semble conscient du problème tout en proposant des solutions. « Nous avons eu des réunions avec la SNCB à ce sujet, expliqueLaurence Jenard. Si elle a déclaré que le projet artistique posait moins problème, elle nous a dit que la partie technique devait partir, au moins en ce qui concerne laconstruction métallique. Une des solutions que nous envisageons serait de construire des locaux à proximité pour les ateliers incriminés, mais cela prendra du temps, ce nesera pas avant cinq ou six ans. Il faudra donc trouver une solution intermédiai
re. »
Il y a des risques pour la sécurité
A la SNCB, on se positionne de manière assez assertive sur le sujet : « Il n’y a en tout cas pas de doute : il y a des risques pour la sécurité de lajonction, explique Louis Maraite. Un court-circuit survenant le samedi et qui chaufferait tout le dimanche : les risques d’incendie sont importants et tout incendie dans la jonction peutparalyser le réseau pour un laps de temps très long. Pour diminuer drastiquement ces risques, il faut fermer les ateliers de soudure et de menuiserie. » Le porte-parole nesemble toutefois pas vouloir polémiquer et se fait conciliant lorsqu’il évoque la suite du dossier. « Nous n’allons pas envoyer la gendarmerie, rassure-t-il. Le but est desortir tout le monde par le haut. Nous allons essayer de convaincre Recyclart, avec un rapport indépendant des pompiers s’il le faut. Mais pour l’heure, nous attendons. Tout le monde attend devoir ce qu’Infrabel va proposer pour la jonction. »
1. Recyclart :
– adresse : rue des Ursulines, 25 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 502 57 34
– courriel : info@recyclart.be
– site : www.recyclart.be
2. Congrès :
– adresse : bd Pacheco, 38 à 1000 Bruxelles
– courriel : contact@bruxelles-congres.be
– site : www.bruxelles-congres.be
3. SNCB Holding :
– adresse : rue de France, 85 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 25 25 21 11
– site : www.b-rail.be
4. D’après la SNCB, on en serait aujourd’hui à plus ou moins 90 trains par heure sur la jonction Nord-Midi. Des études pour des pistes de solution ont étélancées. Leurs résultats devraient être présentés fin 2011.
5. D’abord hébergée pour un loyer symbolique, Recyclart a ensuite vu la SNCB lui demander une augmentation dudit loyer. Un accord n’a jamais été trouvé entre lesparties. A l’heure actuelle, l’asbl, selon ses propres termes, squatte les locaux.