La régionalisation des titres-services est prévue pour 2014. Plusieurs fédérations d’économie sociale se sont penchées sur les enjeux qui y sont liés, et qui les touchent, lors d’une conférence organisée fin avril. Elles ont fait une série de propositions
Il y a quelques mois, Alter Echos consacrait un article aux structures actives en titres-services et qui tentent d’offrir une insertion et un emploi durable à leurs travailleurs (voir Alter Echos n° 349). Le tout en leur proposant des conditions de travail dignes. Une tâche compliquée d’après les intervenants que nous avions pu interroger. Malgré les constats parfois dépités, une petite lueur d’espoir semblait cependant poindre puisque pour certains la régionalisation future du système pouvait constituer un « momentum » pour le secteur de l’économie sociale. « Les Régions n’auront pas les moyens de maintenir le système tel quel, nous disait ainsi, Marc Xhrouet, directeur de la FCSD (fédération des centrales de services à domicile). Je pense qu’il y a dès lors une perspective pour relancer les titres-services dans une optique d’économie sociale afin de créer des emplois de qualité qui permettent de répondre au vieillissement de la population plutôt que de continuer avec quelque chose qui enrichit le secteur privé. »
Le jour de gloire est-il arrivé ?
Aujourd’hui, il faut croire que le secteur de l’écosoc a senti que ce fameux momentum était proche puisque plusieurs fédérations du secteur (ConcertES, Atout EI, Febecoop, Saw-b, accompagnées de Syneco) ont organisé, le 25 avril dernier, une conférence à Namur, intitulée « L’avenir du titre-service : et la qualité de l’emploi, on s’en balance ? » But de l’opération : faire entendre la plus-value que l’économie sociale apporte au dispositif par la création « d’emplois de qualité avec une attention à la formation et à l’accompagnement des travailleurs ». Le secteur craint effectivement que ses spécificités ne soient pas prises en compte dans les négociations relatives à la régionalisation. « Il s’agit effectivement d’un moment clé pour attirer l’attention sur les bonnes pratiques de l’économie sociale et de dire : « Nous sommes là, il ne faudra pas nous négliger » », explique Marie-Céline Jamoye, conseillère économique chez AtoutEI1, la fédération wallonne des entreprises d’insertion.
Il faut dire que, comme mentionné plus haut, le secteur de l’économie sociale actif en TS, parce qu’il offre certaines conditions de travail et poursuit un objectif d’insertion socioprofessionnelle qui a un impact financier, éprouve de plus en plus de mal malgré le fait « que l’on pourrait nous rétorquer que nous cumulons les titres-services et des aides à l’emploi », détaille Sébastien Pereau, coordinateur de ConcertES2. Une des craintes dans ce contexte serait que le politique soit tenté de supprimer les aides à l’emploi aux structures actives en titres-services. « Si on supprime les aides à l’emploi dans ce contexte, il faut repenser le système des titres-services. Parce qu’à l’heure actuelle déjà, les structures d’économie sociale font du bricolage pour survivre, même en cumulant les TS et les aides à l’emploi », prévient Marie-Céline Jamoye. Autre point souligné lors de la journée du 25 avril : le manque de visibilité de ces structures et le peu de prise en compte de celles-ci dans l’espace public et dans les lieux de concertation.
Et maintenant ?
Face à double constat, les différentes fédérations présentes le 25 avril ont fait une série de propositions. Ainsi, elles ne préconisent pas d’élargissement du dispositif à d’autres secteurs d’activité. Elles défendent également une restriction de l’accès au dispositif (à l’agrément). Dans un communiqué de presse, elles affirment ainsi que les conditions d’agrément « récemment renforcées, devront l’être davantage pour n’offrir l’accès qu’aux opérateurs soucieux de créer des emplois durables et de qualité ». Ce qui les amène à défendre également l’idée d’une variation du montant de l’intervention de l’Etat par titre-service en fonction de la finalité des entreprises. Un remboursement différencié dont on parle depuis quelque temps déjà. « Il est en fait prévu par la loi fédérale, mais n’a pas encore été appliqué », explique d’ailleurs Sébastien Pereau (voir encadré). Pourquoi ? Pour Marie-Céline Jamoye, il s’agit surtout d’une question de critères. « C’est une question compliquée, quels critères prendre en compte ? », s’interroge-t-elle en déclarant que ce que prévoit la loi fédérale n’est pas suffisant. « Il faut aller plus loin dans la définition de critères de qualité », explique-t-elle.
Question : les structures d’économie sociale, après avoir énuméré leurs suggestions, ont-elles des craintes par rapport à la régionalisation inéluctable du secteur, notamment en ce qui concerne la partie payée par le client, que les Régions pourraient être tentées d’augmenter pour alléger la charge financière que fera peser le système sur leur budget ? Avec une conséquence sur la « consommation » de titres-services ? Pour Marie-Céline Jamoye, qui affirme que les structures ne voient pas à l’heure actuelle de diminution du nombre de clients, mais plutôt du nombre de titres-services utilisés par chacun d’entre eux, « le débat est plus large que ça, il y a aussi la question de la déductibilité fiscale », que les parties prenantes à la journée du 25 préconisent d’ailleurs de maintenir.
Mais surtout, nos interlocuteurs posent la question de la prise en main, par les Régions, de la régionalisation du système. « Tout le monde semble attendre, c’est plutôt cela qui pose problème, souligne Marie-Céline Jamoye. Nous n’avons pas envie que cette question soit réglée en deux temps trois mouvements dans l’urgence. » S’agit-il donc d’interpeller le politique par le biais des propositions faites le 25 avril ? « Le ministre Jean-Claude Marcourt (NDLR ministre de l’Économie sociale de la Région wallonne) était présent, de même que des représentants de l’administration bruxelloise, la sensibilisation s’est donc opérée, explique Sébastien Pereau. Pour le reste, nous allons utiliser nos propositions lors des contacts que nous aurons avec le politique lorsque l’on commencera à discuter de la régionalisation ».
1. AtoutEI :
– adresse : rue du Téris, 45 à 4100 Seraing
– tél. : 04 330 39 86
– site : http://www.atoutei.be
2. ConcertES :
– adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 45 64 50
– courriel : contact@concertes.be
– site : http://www.concertes.be
Aller plus loin
Alter échos n° 349 du 16.11.2012 : De moins en moins sociaux, les titres-services ?