Le remembrement urbain est un nouvel outil juridique qui permet de suspendre provisoirement les normes d’aménagement et d’urbanisme couvrant un périmètre àdéterminer et d’y accélérer les procédures administratives. Le temps de soumettre à enquête publique et d’y réaliser un projetd’aménagement d’envergure. Objectif : favoriser l’implantation de projets d’urbanisme en lieu et place de chancres dans les centres-villes plutôtqu’à la périphérie. Avantages et inconvénients d’une mesure controversée, d’après les participants aux derniers » Midis del’Urbanisme »1 à Ottignies.
Simplification administrative et densification urbaine
» S’il y a un projet d’urbanisme concret et que celui-ci a un effet important sur la structuration du territoire, le remembrement urbain peut s’appliquer, explique Jean-Marc VanReebroeck, chef de cabinet du ministre wallon de l’Aménagement du territoire2. Il sera alors soumis à la procédure particulière du permis public, avecl’accord préalable du collège communal concerné. C’est-à-dire que la décision revient au gouvernement ou au fonctionnaire délégué,sur la base d’une enquête publique et des avis de la CCAT et du collège. La procédure administrative se déroulant en maximum 120 jours. Par ailleurs, le projet pourras’écarter des dispositions du plan de secteur, du plan communal d’aménagement, du règlement communal d’urbanisme ou d’un plan d’alignement. «
Parmi les premiers quartiers qui pourraient profiter du nouveau dispositif, on évoque le quartier des Guillemins à Liège, la dalle sur la gare de Namur et 160 hectares defriches industrielles imbriquées dans des quartiers d’habitats à Seraing.
Des moyens pour la réflexion
Certes, la nouvelle procédure, adoptée le 1er juin 2006, est censée faciliter des opérations en partenariat ou purement privées jusqu’iciconfrontées à des procédures ardues, longues et complexes. Les associations de défense de l’environnement ne sont pas les seules à s’inquiéterdes risques d’opportunisme immobilier liés à rapidité de réalisation des projets. » L’accélération ne doit pas exonérer d’uneréflexion approfondie pour les projets concernés « , prévient Mathurin Smoos, de l’Union des villes et communes de Wallonie3. » A cette fin, poursuit-il, ledécret doit s’accompagner d’un renforcement des capacités de réflexion des services des fonctionnaires délégués », qui détiendront la plusimportante part du pouvoir de décision dans cette nouvelle procédure.
Renforcer la sécurité juridique
Après avoir félicité le gouvernement pour son initiative, Jean-Luc Son, administrateur de l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI)4 aquestionné la sécurité juridique offerte par le nouveau décret. Pour les promoteurs immobiliers, en effet, » l’acceptation d’un projetd’aménagement par la population dépend de la qualité de la concertation établie avec elle. Qu’en sera-t-il dans ce nouveau dispositif ? Par exemple, quidéfinira le périmètre de remembrement ? » Questions cruciales pour les investisseurs, quand on sait que les permis délivrés dans ce cadre seraient attaquables auConseil d’État.
Premiers ajustements
À propos de Conseil d’État, Inter Environnement Wallonie (IEW)5 avait introduit un recours contre le décret de remembrement urbain lui-même. SelonCoralie Vial, juriste chez IEW, » le reproche principal est de ne pas prévoir, dans le chef des pouvoirs publics, une » pensée » d’aménagement du territoire qui puissealler à la rencontre du projet d’urbanisme proposé par les promoteurs privés. En d’autres termes, un schéma directeur semble nécessaire afin de baliseradéquatement l’aménagement du périmètre de remembrement urbain. » Et la fédération environnementaliste de proposer que le pouvoird’appréciation du fonctionnaire délégué soit encadré par des critères à introduire dans l’article 1er du Code del’aménagement du territoire (Cwatup).
Et les implications sociales là dedans ?
L’une des justifications du remembrement urbain repose sur les limites, en termes quantitatifs, des dispositifs de rénovation et de réhabilitation urbaines ainsi que deréaffectation de sites d’activités économiques désaffectés. Certes, suite à l’action d’IEW auprès du Conseil d’État, lapossibilité de recourir à l’expropriation a été introduite dans le dispositif de remembrement urbain. Restent que deux enjeux importants semblent à ce jourdélaissés par les autorités régionales. Comment maîtriser les rentes foncières sur les parcelles reprises dans un périmètre de remembrement ?Comment préserver les populations modestes habitant et avoisinant le périmètre de rénovation des mutations socio-économiques générées par leprojet immobilier ? Deux questions aujourd’hui encore à l’état de friche.
1. Une organisation de la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon, rue Belotte, 3 à 1490 Court-Saint-Etienne. Actes disponibles dans une prochaine édition de la revueEspace-Vie – tél. : 010 62 10 50 – courriel : m.urbanisme@cbw.be
2. Cabinet du ministre André Antoine, rue d’Harscamp, 22 à 5000 Namur – tél. : 081 25 38 11 – courriel : jeanpol.vanreybroeck@gov.wallonie.be
3. UVCW, rue de l’Etoile, 14 à 5000 Namur – tél. : 081 24 06 19 -courriel : mathurin.smoos@uvcw.be
4. Upsi, rue de la Violette, 43 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 511 47 90 – courriel : upsi-bvs@unicall.be
5. IEW, bd du Nord, 6 à 5000 Namur – tél. : 081 25 52 80 – courriel : iew@iewonline.be