Se réinsérer, cela demande souvent un accompagnement, une aide pointue, que l’on soit détenu ou victime. La précarité pour les uns, le besoin de« réparation » pour les autres, exige aussi la gratuité de telles prestations : des missions confiées depuis 1989 au Service laïque d’aideaux justiciables et aux victimes de Bruxelles (SLAJ-V).
Les uns et les autres ne se croisent pas. À moins qu’ils l’aient expressément décidé. Les lieux d’accueil sont différents1, lessources de financement aussi. Le Service laïque d’aide aux justiciables et aux victimes de l’arrondissement de Bruxelles assure, comme son nom l’indique, une double mission.Celle de venir en aide aux personnes détenues et à leurs proches (financement Communauté française) et celle de soutenir les personnes victimes et leurs proches…ainsi que les inculpés, les condamnés en liberté conditionnelle et les ex-détenus et leurs proches (financement Cocof). Les deux publics ne se croisent donc pas, maispeuvent très bien passer d’un service à l’autre. Ce qui a demandé d’introduire un peu de souplesse dans le système : plusieurs des travailleurs del’asbl – assistants sociaux et psychologues, en majorité – effectuent un mi-temps Cocof et un mi-temps CF, si bien qu’ils peuvent assurer le suivi d’une personnequi passerait d’un statut de détenu à celui d’ex-détenu, par exemple. « De plus en plus d’intervenants travaillent avec les deux publics, ce quipermet de croiser les regards et les pratiques », explique Martine Stassin, psychologue de l’asbl. « C’est d’autant plus intéressant que depuis quelque tempsse développe le concept de justice réparatrice où l’on tente de tisser un dialogue entre auteur, victime et société. »
Le soutien apporté comporte typiquement trois volets : une aide sociale, une aide juridique et un soutien psychologique adapté. « On invente tous les jours dessolutions pour coller aux mieux aux besoins de chacun. Mais ça ne sert pas à grand-chose d’accompagner quelqu’un au niveau psy si au niveau social et judiciaire, rienn’est fait : d’où l’importance de considérer la situation dans sa globalité », poursuit la psychologue. Pour l’aide aux détenus,les locaux sont situés à proximité immédiate des prisons de Forest et Saint-Gilles, à Bruxelles, afin de faciliter l’accès aux familles et auxdétenus lors de congés pénitentiaires, mais les travailleurs sociaux se rendent aussi quotidiennement en prison pour répondre aux demandes des personnesincarcérées. Une démarche loin d’être simple. Outre des conditions de détention catastrophiques – surpopulation, vétusté, parfois absencede sanitaire et d’eau courante – les travailleurs du SLAJ-V doivent constater que leurs propres conditions de travail se dégradent : réduction des plages horaires pourles visites aux détenus, absence de lieux dédiés qui mettent à mal la confidentialité des entretiens. Ce travail, que ce soit avec les détenus ou leurfamille, est pourtant l’un des maillons essentiels du parcours de réinsertion sociale…
Sortir du statut de victime
De l’autre côté, celui des « missions Cocof », on trouve l’aide pré- et post-pénitentiaire et celle apportée aux victimesd’infractions pénales. Pour ces dernières, les personnes sont en général orientées vers le SLAJ-V après avoir été reçues par leservice d’assistance aux victimes des commissariats de police. « Mais nous recevons toutes victimes qu’il y ait, ou pas, dépôt de plainte. Le travaileffectué ici peut d’ailleurs déboucher sur une plainte, nous soutenons alors la personne dans ses démarches », relate Martine Stassin. À ce stade, ledanger est la victimisation secondaire : « Il ne faudrait pas qu’une victime d’infraction pénale, le soit encore d’un système policier ou judiciaire. Noussensibilisons donc les professionnels, policiers, magistrats, à la question du trauma et à l’importance de le prendre en compte. »
Pour les intervenants, le principe est de reconnaître le statut social de la victime afin de lui permettre d’en sortir. Le maître mot est le respect de l’autonomie dechacun. L’idée de former des groupes de paroles est venu de cet impératif2 : « Souvent les personnes victimes ont l’impression qu’il y a unerupture avec le reste de la communauté humaine. Tous les repères sont chamboulés. » En rencontrant des personnes qui ont subi le même type d’agression,elles peuvent plus facilement partager leur vécu et constater que chacun a sa manière propre de réagir.
1. Service d’aide aux victimes et à leurs proches
– adresse : chaussée de Waterloo, 281 à 1060 Saint-Gilles
– tél. : 02 537 66 10.
Service d’aide aux détenus et à leurs proches
– adresse : av. Ducpétiaux, 148 à 1060 Saint-Gilles
– tél. : 02 537 54 93
2. Le SLAJ-V organise un « Groupe de parole pour personnes victimes de violences sexuelles » et un « Groupe thérapeutique pour victimes d’infractionspénales »
– tél. : 02 537 66 10