Des maisons de détention à petite échelle pour accueillir les détenus et mieux les accompagner tout au long de leur peine, c’est l’idée de RESCALED. Ce mouvement européen a présenté ce jeudi 11 avril 2019 son projet au ministre de la Justice Koen Geens ainsi qu’au Parlement européen.
Et si d’ici 2024, toutes les prisons d’Europe devenaient conformes aux normes des maisons de détention à petite échelle ? C’est une des 4 recommandations adressées ce jeudi 11 avril 2019 au ministre de la Justice Koen Geens ainsi qu’aux membres du Parlement européen par une délégation du mouvement RESCALED. Ce mouvement européen prône l’instauration d’une détention à petite échelle sur tout le continent. Derrière RESCALED se cache l’asbl Les Maisons, une association belge qui plaide pour une détention à petite échelle et différenciée, ainsi que d’autres partenaires européens désireux d’améliorer les conditions d’incarcération des détenus. Concrètement RESCALED souhaite remplacer les grandes prisons par des maisons de détention qui permettraient d’accueillir un maximum de 30 détenus par maison et donc de mieux les accompagner vers leur réinsertion dans la société.
La détention du futur
Lors de la rencontre entre le mouvement et les membres du Parlement, Helene Devos, criminologue et membre de l’asbl Les maisons, a présenté le mouvement RESCALED et exposé ses recommandations aux membres du Parlement et au Ministre. Une priorité : obtenir des fonds ainsi que de nouvelles recherches et études pour améliorer l’élaboration d’une détention à petite échelle. Un autre point important à souligner selon Helene Devos, sont les trois piliers fondamentaux de « la détention du futur » comme elle l’appelle. Premièrement, moins de détenus par maison de détention permet une approche plus personnelle du prisonnier ainsi qu’une prise de responsabilité accrue de sa part. Deuxièmement, il est indispensable de différencier les maisons. « Certains détenus ont parfois besoin d’une infrastructure plus sécurisée que d’autres, explique ainsi Helene Devos, donc certaines maisons seraient mises sous haute sécurité et l’idée serait que les détenus puissent, en fin de détention, être transférés dans des maisons à plus faible sécurité pour pouvoir mieux se préparer à leur sortie. »
Le troisième pilier important est l’intégration des détenus à la communauté. RESCALED aimerait permettre aux prisonniers de se rendre utile auprès de la société mais surtout auprès du voisinage de la maison dans laquelle ils se trouvent. Pour cela argumente la criminologue, « il faut placer ces maisons dans des quartiers pour qu’il y ait une interaction entre les détenus et les citoyens et pour que les détenus se sentent utiles auprès de la société, étape indispensable de leur future réinsertion ». Par exemple, une des idées de RESCALED est de permettre aux détenus de cultiver eux-mêmes des fruits et légumes pour ensuite les vendre aux habitants du quartier. Ou encore de tenir un atelier dans lequel ils proposent leurs services pour réparer des outils. Finalement, peu importe le projet, « le but est de leur donner un rôle à jouer au sein de la société, et ce, déjà durant leur détention », précise Hans Claus, membre de RESCALED et directeur de la prison d’Audenarde.
Une réponse nuancée
Bien que Koen Geens soutienne et encourage le projet, le ministre de la Justice a tenu à tempérer le mouvement. « Ce projet, j’y crois mais cela ne veut pas dire que ce sera réalisable demain, il reste encore une longue période pour élaborer tout ça ainsi qu’un projet pilote pour tester cette innovation .» Le ministre de la justice a quand même tenu à saluer l’idée de rapprochement entre les détenus et la société en plaçant ces maisons dans des quartiers, près des citoyens.
« Cette initiative est une forme de transition et nous croyons en la transition » déclare Bart Staes, membre de Groen et du Parlement européen, se félicitant d’abord de la présence des différentes couleurs politiques lors de cette rencontre, « il n’y pas que les verts et les socialistes il y a toutes les couleurs représentées et ça c’est une très bonne chose pour un projet comme celui-ci ». Bart Staes a ensuite félicité RESCALED pour leur idée tout en leur suggérant de les rencontrer une nouvelle fois après les élections, « lorsque la nouvelle commission des libertés civiles sera composée ». Pour ce qui est du financement, Monsieur Staes a rejoint l’avis du Ministre de la Justice en soulignant la nécessité de commencer par un projet pilote pour évaluer le budget, « à ce moment-là nous pourrons donc tenter de vous aider dans cette transition vers une approche plus humaine de la détention » conclut-il.
Une première avancée belge
Des formes de détentions plus petites existent déjà en Europe comme en Norvège par exemple, « mais ce n’est pas pour ça que les détenus se sentent plus intégrés à la société, spécifie Hans Claus, ce qui est nouveau dans notre projet c’est la création d’une détention qui répond aussi au principe d’ancrage et d’insertion dans la société ». Le directeur ajoute également qu’ils ne veulent pas que ces maisons soient une étape supplémentaire pour les détenus en fin de peine ou juste un complément aux prisons mais bien « qu’elles les remplacent définitivement ».
Pourtant, le projet pilote qui se profile pour septembre 2019 à Malines ne répond pas vraiment à ce critère puisqu’il s’agit d’une maison de réinsertion. C’est le résultat d’un appel à projet lancé en juillet dernier par le ministre de la Justice Koen Geens. Cet établissement a pour but d’accueillir des détenus proches de leur sortie de prison afin de mieux les préparer à leur retour dans la société. Mais pour Harold Sax, co-président de l’Observatoire International des Prisons (OIP), ce projet pilote ne respecte pas le projet initial de RESCALED. « Ici l’objectif de remplacement de prison n’est pas atteint étant donné que cela s’adresse seulement aux détenus en fin de peine », s’indigne-t-il. Le co-président doute que ce projet pilote permette qu’une maison de détention à petite échelle voit également le jour à la suite des élections de mai. « J’aimerais me tromper mais je ne vois pas pourquoi le ministre Koen Geens mettrait en place des maisons de transition pour ensuite les remplacer, elles, mais aussi les prisons, par des maisons de détention à petite échelle », se désole Harold Sax.