La ministre régionale wallonne, Christiane Vienne, a déposé un projet de décret tendant à améliorer la lutte contre le suredenttement. Le budget pourrenforcer les services de médiation de dettes, les centres de références et l’Observatoire du crédit devrait être augmenté de quelque 500.000 euros. Quant auxécoles de consommateur, elles ne seront plus subsidiées.
Depuis plus de dix ans maintenant, la Région wallonne dispose d’un dispositif de lutte contre le surendettement particulièrement complet, au regard de ce qui existe ailleurs enBelgique et à l’étranger. Ce dispositif est composé de services de médiation de dettes dont l’objectif est d’aider les personnes surendettéesà trouver des solutions avec leurs créanciers en cas de difficultés de paiement. C’est par un décret adopté en 19941 que ces services ontété mis en place et, chose remarquable, le pouvoir public wallon a prévu le subventionnement de cette activité, ce qui n’est pas le cas à Bruxelles et enFlandre. Le ministre PS Willy Taminiaux a été à cet égard un des artisans les plus actifs dans la mise en œuvre et le développement des services demédiation de dettes. On compte aujourd’hui 216 services agréés (196 publics CPAS et 20 privés) en Région wallonne.
À la même époque, soit en 1994, un Observatoire du crédit et de l’endettement est créé, à l’initiative d’une séried’acteurs de terrain interpellés par cette question du surendettement, et soutenu par la Région wallonne pour assumer des missions d’analyse de la problématique,d’encadrement des services et de formation des médiateurs de dettes. En 1998, dans le décret-programme du 16 décembre2, le gouvernement wallon élargitencore ce dispositif et prévoit la mise sur pied de centres de référence chargés d’assister les services de médiation sur les plans juridique et pratique etde coordonner les initiatives en matière de prévention. À l’heure actuelle, deux centres ont été agréés pour ces missions : le centre deréférence du Luxembourg et celui du Hainaut. Sous la législature du ministre Écolo Thierry Detienne, en charge des affaires sociales de 1999 à 2004, c’est laprévention qui est mise en avant, avec un appel à projets lancé pour la mise en place d’écoles de consommateurs poursuivant un objectif de prévention enmatière de surendettement. Environ 120 initiatives sont ainsi créées. Autre projet pilote mis sur les rails durant son mandat : le crédit social accompagné qui viseà permettre à un public fragilisé d’accéder à un crédit adapté, alors qu’il ne parvient pas à obtenir des prêts auprèsdu système bancaire classique ou à des taux exorbitants.
Des mesures d’aménagement
Aujourd’hui, la ministre wallonne de l’Action sociale, Christiane Vienne3 (PS), en charge de ce dossier depuis 2004, énonce la nécessité d’unerestructuration de fond du secteur. Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 25 avril dernier, elle a annoncé le dépôt sur la table du gouvernementwallon d’un avant-projet de décret adopté en première lecture. Selon la ministre, » aujourd’hui plus de 158.000 Wallons sont en difficulté de paiement pour descrédits à la consommation ; 2 % des ménages wallons sont en situation de surendettement. Le nombre de dossiers traités par les services de médiation de dettes estpassé de 11.000 à 16.000, entre 2002 et 2005. Or, l’évaluation effectuée à propos de ce secteur a révélé un manque de cohérenceentre les différents acteurs et les 2,8 millions d’euros de budget annuel pourraient être mieux utilisés ».
Sur un certain nombre de points, l’avant-projet de décret contient de simples mesures d’adaptation du système existant : c’est notamment le cas avecl’intégration d’une programmation afin de mieux contrôler l’expansion des agréments, le subventionnement des services et partant, la couverturegéographique, avec comme critère l’agrément d’un service de médiation de dettes pour 30.000 habitants. Concernant les centres de référence,l’idée est de clarifier et de confirmer leur rôle de coordination et de soutien juridique aux services de médiation de dettes, avec l’augmentation du subside personnel(pour un juriste temps plein au lieu de mi-temps) et l’augmentation des subventions de fonctionnement (au prorata du nombre d’habitants de la province). Précisément,à l’égard du nombre de centres de référence et de leur couverture géographique, la Cour des comptes avait soulevé en 2004 certainesincohérences. Aujourd’hui Christiane Vienne annonce la création d’un centre de référence pour la province de Liège, prévu pour septembre 2006.Mais cela ne règle pas le sort des provinces de Namur et du Brabant wallon.
Autres mesures sur le plan curatif : la simplification administrative de la gestion des dossiers de médiation de dettes, en limitant le calcul de la subvention sur la base du nombre dedossiers traités, ainsi que le renforcement des missions de l’Observatoire du crédit et de l’endettement, entre autres en matière statistique et via la mise en placed’une formation de base obligatoire et certificative.
La prévention en point de mire
C’est en matière préventive que le cabinet Vienne semble avoir décidé de modifier plus fondamentalement la copie rédigée jusqu’ici. Exit donc,le dispositif des écoles de consommateurs : les 240.000 euros qui leur étaient jusqu’ici réservés ne leur seront en tout cas plus distribués. Pour laministre, » les écoles de consommateurs manquent leur cible puisqu’elles ne touchent que 1.500 à 2.000 personnes et qu’il ne s’agit pas nécessairement des plussurendettés. » L’alternative serait de créer des groupes d’appui de prévention du surendettement, organisés par ou à l’initiative des institutionsde médiation de dettes agréées. Ces groupes d’appui devraient s’adresser aux personnes en situation de surendettement ou en proie à des difficultés degestion budgétaire, ainsi qu’à celles quittant les dispositifs de médiation de dettes ou en fin de procédure de règlement collectif de dettes afind’éviter les rechutes. Une subvention complémentaire est annoncée pour soutenir la constitution de ces accompagnements collectifs. Ces derniers seront-ils facultatifs ouobligatoires ? La question doit en tout cas être soulevée, au vu de certaines pratiques qui se mettent aujourd’hui en place, notamment au sein des CPAS en ce qui concerne laguidance budgétaire4. Toujours sur le plan de la prévention, primaire cette fois (c’est-à-dire vis-à-vis du grand public), les centres deréférence devraient voir leurs compétences renforcées, notamment sur la base d’une clarification des missions des agents de prévention. Toujours au cœurde ce dispositif de prévention, il importe également d’intégrer de façon plus affirmée le projet de crédit social accompagné mis en œuvrepar Osiris Crédal.
Pour ces différents ajustements, la ministre compte demander une rallonge de 500.000 euros à ses collègues du gouvernement wallon. Un montant somme toute assez peuélevé au regard des enjeux que la problématique du surendettement et de sa prévention soulève aujourd’hui.
Écoles de consommateurs : on est déçu mais on continue !
La ministre de l’Action sociale l’a dit : « Il ne s’agit pas de gommer le travail des écoles de consommateurs, mais de l’intégrer dans les services de médiation de dettes oules services sociaux des CPAS ». « Fort bien, répondent les écoles de consommateurs que nous avons interrogées, mais l’objectif n’est plus le même. » Ainsi VéroniqueDetaille, responsable de l’école de consommateurs développée par l’asbl La Teignouse objecte qu’avec les groupes d’appui, on n’est bien plus dans le curatif que dans laprévention. « Intervenir quand les personnes sont déjà surendettées, c’est trop tard même s’il est important de travailler à ce qu’elles ne replongent pas.Là, on s’éloigne de l’esprit des écoles de consommateurs. » Et Véronique Detaille de faire remarquer que les écoles développées par l’associatif ontune relation différente avec les participants. « Dans un CPAS, il s’agit d’une relation entre institution et usagers, on n’est pas dans le même registre. »
Reste que pour les quatre écoles de consommateurs que nous avons interrogées5, il n’est pas question d’arrêter les activités développées depuisdes années. Elles poursuivront le travail entrepris, sans doute sous un autre nom, et avec l’avantage d’avoir un peu plus de liberté quant aux thèmes abordés.
Au Centre de référence du Hainaut6 et chez VSZ7, tous deux chargés de l’intervision des écoles de consommateurs, la première pour la provincede Hainaut, la seconde pour la Communauté germanophone, on regrette le manque de concertation avec le secteur avant de décider la suppression des écoles. Et on pointe le manquede communication : « Ce sont les centres de référence qui sont envoyés au feu. Et la presse est avertie alors que les écoles de consommateurs n’ont encore reçu aucuncourrier émanant du cabinet… ». Un courrier qui devrait bientôt partir nous dit-on…
1. Décret du 7 juillet 1994 sur l’agrément des institutions pratiquant la médiation de dettes, MB 28 juillet 1994, p.19506.
2. Décret-programme du 16 décembre 1998 portant diverses mesures en matière d’action sociale MB 3& décembre 1998, p. 42397.
3. Cabinet de la ministre wallonne de l’Action sociale, Christiane Vienne, rue des Brigades d’Irlande 4 à 5100Jambes – tél. : 081 32 34 11
4. Voir le dossier des Échos du crédit et de l’endettement n°9 sur la guidancebudgétaire
5. Au Four et au Moulin (Mons), Le Crabe asbl (Jodoigne), Le Tremplin, maison d’accueil asbl (Arlon) et La Teignouse (Comblain-au-Pont).
6. Centre de référence du Hainaut, chaussée de Jolimont, 263 à 7100 Haine-St-Paul. Personne de contact : Valérie Gehain – tél. : 064 84 22 91.
7. Verbraucherschutzzentrale – Ostbelgien, Neustrasse, 119 à 4700 Eupen. Personne de contact : Viviane Leffin – tél. : 087 59 18 50.