Les plans de cohésion sociale doivent permettre à chacun d’exercer leurs droits fondamentaux. Au total, 147 communes sont impliquées dans ce dispositif. Focus sur Chapelle-lez-Herlaimont1, commune novatrice en la matière.
Coup de tonnerre dans le Hainaut. Dans les années 1980, avec le déclin industriel, les emplois sont supprimés à grande échelle dans les villes de Charleroi et de La Louvière. Et pourtant, travailler est un droit. Comme l’est celui d’accéder à un logement décent, à la santé, à la formation, à l’aide sociale, à l’épanouissement culturel. Ces droits sont pourtant souvent, en temps de crise, bafoués.
A la mi-chemin entre ces deux villes wallonnes, la commune de Chapelle-lez-Herlaimont fait figure de modèle de désenchantement… mais aussi de pro-activité. Pour faire face à cette crise multiple, elle a, dès le début des années 1990, mis en place des projets visant à lutter contre l’exclusion sociale et ce, de manière transversale, afin de pallier les manquements existants en matière de respect des droits fondamentaux. « La commune voulait mener des actions d’inclusion et travailler sur les différentes causes de l’exclusion », explique Laurence Meire, aujourd’hui chef de projet, soucieuse de stopper suffisamment tôt les possibles réactions en chaîne d’une exclusion vers une autre. Depuis 1994 donc, Chapelle met en place une série d’actions visant à « une réinsertion globale des personnes, qui répondent à des besoins, eux aussi, globaux ». Cela bien avant l’instauration d’un cadre légal pour ces compétences désormais régionales.
Mis sur pied en 2009, les plans de cohésion sociale (PCS) wallons doivent permettre à chacun d’exercer ses droits fondamentaux : le droit à un revenu digne ; le droit à la protection de la santé et à l’aide sociale et médicale ; le droit à un logement décent et à un environnement sain ; le droit au travail ; le droit à la formation ; le droit à l’épanouissement culturel et social. Comment ? D’une part, par le biais du développement social des quartiers et, d’autre part, via la lutte contre toutes les formes de précarité et d’insécurité. Sur le terrain, les actions se déclinent à travers l’insertion professionnelle, l’accès au logement décent, l’accès à la santé et le traitement des assuétudes, et le retissage des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels.
Le niveau de cohésion sociale de chaque commune est mesuré sur la base d’un indicateur synthétique d’accès aux droits fondamentaux calculé par l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps). Il est combiné à un facteur de risques présenté par la commune par rapport au maintien de la cohésion sociale sur son territoire.
La commune cofinance le PCS à hauteur de 25 % minimum. La durée des PCS est de six ans. La Direction interdépartementale de la Cohésion sociale accompagne leur mise en œuvre et les évalue. Pour les 140 PCS 2009-2013 (147 communes), les évaluations intermédiaires et finales devront être réalisées pour le 30 juin 2012.
Baudouin Massart
Cohésion, participation et bien-être
A Chapelle, les Plans de cohésion sociale ont permis de renforcer et de développer les activités préexistantes. « C’est un apport financier supplémentaire », poursuit Laurence Meire. Chapelle fait donc, depuis lors, partie des 147 communes engagées dans ce récent processus.
Entre 2003 et 2008, Chapelle a inscrit ses actions dans le cadre du Plan de prévention de Proximité, un dispositif d’émancipation sociale. Pour autant, « jusqu’en 2007, les autorités communales suivent une logique d’action intuitive, explique Laurence Meire. Par la suite, nous avons mis en place un outil d’observation du territoire, qui nous permet de mener des actions qui répondent aux besoins de la population. » Pour plus de cohésion sur le territoire, l’asbl « symbiose » pérennise les différents plans. « C’est un travail systémique », résume Laurence Meire.
A Chapelle, on agit donc sur tous les fronts, en adéquation avec les exigences de la Région : des points relais assurent un accompagnement psychosocial, un service spécialisé en traitement des assuétudes reçoit mensuellement 103 personnes, « Un toit pour tous » travaille à l’accès au logement, une plate-forme « emploi formation » valorise quant à elle la mise en réseaux, la proximité et la mobilisation des acteurs concernés.
Avec le temps et l’encadrement, les projets s’amplifient, s’enrichissent et se multiplient. Récemment, une maison de l’égalité des chances et de la famille a été érigée, venant ainsi mettre en pratique le retissage des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels. « Les bénéficiaires y trouvent un soutien à l’éducation, à la socialisation et au dépistage précoce de situations difficiles », étaye la cheffe de file d’un projet accueillant environ un millier de personnes par mois. A titre d’exemple, « des cours d’informatiques donnés par des jeunes aux aînés ont remporté un tel succès que nous avons augmenté leur fréquence », se réjouit Laurence Meire. Plus de 15 % de la population de la commune étant d’origine étrangère, des cours de langues y sont donnés aux non-francophones. Ces projets sont régulièrement menés de manière pilote. « On étudie ensuite la faisabilité de les exporter », raconte sa « chef d’orchestre ».
« Les PCS visent l’intégration de tous et avec tous, explique Laurence Meire. Il y a une volonté de responsabiliser les bénéficiaires en faisant d’eux des acteurs citoyens de leur commune. » Participation, bien-être, respect des droits fondamentaux et cohésion sociale sont donc corrélés dans les PCS.
Les partenariats comme terreau d’action
Les partenariats public-privé constituent le principal outil de mise en place des projets. « Le système en réseau apporte une plus-value à ce qui existe, notamment la proximité », explique la « tisseuse de liens » de Chapelle. Il s’agit d’« encourager la coresponsabilité des acteurs publics et privés et leur participation au développement des projets d’actions et à leur évaluation », précise la Région wallonne. « Le partenariat et la mise en commun sont un état d’esprit », s’engage Laurence Meire. Les synergies mises en place rencontrent la raison d’être théorique de ces plans ; celle de lutter « contre toutes les formes de précarité, de pauvreté et d’insécurité au sens large ».
Les PCS font leur bonhomme de chemin
La participation des bénéficiaires s’étend à l’évaluation des projets. Exigée par la région, cette intervention est appréciée par les partenaires. « La réflexion est collégiale et l’échange est globalement positif. De nouvelles orientations y sont évoquées. Cet échange est primordial puisque l’objectif est l’intégration participative. Ces projets comme leurs bénéficiaires font leur petit bout de chemin », ponctue Laurence Meire. Celui de la cohésion est long et Chapelle-lez-Herlaimont marche en éclaireur, mais le pas assuré.
Amnesty International répertorie des projets construits autour du respect des droits de l’homme dans la cité, puisque la commune a un rôle à y jouer. « Ce ne sont pas des projets à adopter systématiquement tels quels. Ce n’est en aucun cas un label. Ce sont des pistes d’action et de réflexion pour les communes », explique Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty Belgique. Ces fiches de bonnes pratiques appellent à « aller voir ce qui fonctionne… et ne fonctionne pas. Lançons le débat ! »
1. Administration communale de Chapelle-lez-Herlaimont :
– adresse : place de l’Hôtel de Ville, 16 à 7160 Chapelle-lez-Herlaimont
– tél. : 064 44 14 98
– contact : http://www.chapelle-lez-herlaimont.be
– courriel : asblsymbiose@skynet.be
En savoir plus
Alter Echos n°245 15.02.2008 :
Ne dites plus « [url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=245&l=1&d=i&art_id=17319]Plan de prévention et de proximité[/url] » ; dites « Plan de cohésion sociale »