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Regard critique · Justice sociale

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C’est dans la plus grande discrétion qu’un arrêté royal du 22 mai 2005 a institué une nouvelle catégorie d’âge pour les chômeurs isolésbénéficiaires d’allocations d’attente. Alors qu’auparavant, ceux-ci étaient classés en trois tranches d’âge (moins de 18 ans, 18-20 ans, plus de 21 ans), legouvernement fédéral a décidé d’en rajouter une quatrième (plus de 25 ans). Un changement purement technique? Voir… Car ce changement n’est pas sansconséquence pour les intéressés ; des conséquences qui se font ressentir jusque dans les CPAS.

24-03-2006 Alter Échos n° 205

C’est dans la plus grande discrétion qu’un arrêté royal du 22 mai 2005 a institué une nouvelle catégorie d’âge pour les chômeurs isolésbénéficiaires d’allocations d’attente. Alors qu’auparavant, ceux-ci étaient classés en trois tranches d’âge (moins de 18 ans, 18-20 ans, plus de 21 ans), legouvernement fédéral a décidé d’en rajouter une quatrième (plus de 25 ans). Un changement purement technique? Voir… Car ce changement n’est pas sansconséquence pour les intéressés ; des conséquences qui se font ressentir jusque dans les CPAS.

En effet, les allocations d’attente désormais versées à cette nouvelle catégorie des plus de 25 ans (619,58 euros) sont légèrement inférieuresà celles versées aux 21-25 ans (625,82 euros), mais surtout au revenu d’intégration sociale (RIS) au taux isolé, qui s’élève à 625,60euros1. Autrement dit, en raison d’une différence de montant de 6,02 euros les personnes concernées (chômeurs isolés de plus de 25 ans en allocations d’attente)peuvent introduire une demande de revenu d’intégration auprès des CPAS ! Si elles réunissent toutes les conditions (autres revenus, enquêtes sur les ressources desdébiteurs alimentaires, etc.), elles pourront alors bénéficier d’un complément à leurs allocations d’attente – s’élevant à 26,86 euros. Ladifférence entre cette somme et les 6,02 euros « manquants » s’explique par le fait qu’une immunisation de 250 euros par an est appliquée aux revenus desbénéficiaires du RIS.

Une « anecdote » pour 20.000 personnes !

Si la question peut avoir l’air anecdotique ou technique, les chiffres communiqués par l’Onem sont au contraire édifiants. Ils montrent en effet que, bon an, mal an, ce sont enmoyenne 20.000 personnes qui sont concernées par la mesure (et qui se renouvellent, au fur et à mesure que les stages d’attente touchent à leur fin, et que s’inscrivent denouveaux demandeurs). Reste à savoir, d’une part, si elles sont au courant de la possibilité de soutien complémentaire disponible auprès du CPAS et, d’autre part, si ellesse sentent prêtes à surmonter le sentiment de honte couramment associé à la demande d’aide au CPAS, et à entamer un parcours administratif supplémentaire pourun gain relativement marginal (26,86 euros mensuels et les quelques avantages accordés aux bénéficiaires du RIS : exonération de taxes, cartes Belgacom, article 27, statutde VIPO après trois mois,…).

Du côté de la fédération wallonne des CPAS2, Christophe Ernotte déplore cette mesure jugée absurde. Non pas tant qu’elle soitparticulièrement coûteuse pour les CPAS : ceux-ci ont en effet droit à un montant forfaitaire (278 euros) versé par le ministère de l’Intégration sociale pourchaque dossier ouvert et un rembousement de 50 à 100 % de l’allocation . « Ce qui est en cause, précise-t-il, c’est le caractère aberrant de la procédure. Pour desmontants dérisoires, les personnes concernées doivent désormais dépendre de deux organismes (CPAS et Onem) et s’inscrire dans deux dispositifs : plan d’accompagnement(Onem et Forem/Orbem/Vdab) et projet d’intégration (CPAS). » En comptant tous ces effets dérivés, il semble donc que l’arrêté royal du 22 mai soit globalementplus coûteux que ne l’aurait été un maintien du statu quo. On assiste simplement à des transferts budgétaires entre Sécurité sociale etIntégration sociale ! Du côté du collectif « Solidarité contre l’exclusion3 », on dénonce d’ailleurs le passage du système deprotection par la sécurité sociale vers le système d’assistance.

Jusqu’à présent, la mesure est passée relativement inaperçue : les fédérations de CPAS ont bien écrit au gouvernement fédéral pourqu’il soit mis fin à cette situation mais n’ont, à ce jour, reçu aucune réponse. De même, il semblerait que la question ait été évoquéeau sein du comité de gestion de l’Onem, mais qu’aucune solution n’ait été mise en place.

De son côté, la FGTB liégeoise prévoit cependant une action d’information (et de protestation). Si, dans un premier temps, l’objectif est en effet d’informer lesallocataires de leurs droits et des démarches à accomplir auprès des CPAS afin de les exercer, l’objectif final est bel et bien de pouvoir revenir sur l’arrêté royalet la nouvelle catégorie qu’il institue. À plus long terme, il pourrait même s’agir de mener une campagne pour accorder certains avantages sur la base du revenu et non du statut.Au premier rang de ceux-ci, le statut de VIPO pour les soins de santé (qui est refusé aux chômeurs).

1. Les détails des différents barèmes sont accessibles sur la page « Barème » de la section « documentation » du site de l’Onem.
2. Union des Villes et Communes wallonnes, fédération des CPAS, rue de l’Étoile, 14 à 5000 Namur– tél. : 081 24 06 47 – federation.cpas@uvcw.be
3. Collectif Solidarité contre l’Exclusion, rue Philomène, 43 à 1030 Schaerbeek – tél. : 02 218 09 90– redac@asbl-csce.be

Edgar Szoc

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