Avec les échauffourées de Molenbeek, le débat sur le caractère obligatoire du parcours d’intégration s’est invité dans la campagne électorale.Ambiance !
Il suffit de compter le nombre de fois où les mots intégration et sécurité ont été cités dans les médias ces dernières semaines pours’en convaincre, les élections communales approchent ! Le 31 mai, la commune de Molenbeek était en proie à des altercations violentes suite à l’arrestation d’unefemme arborant le niqab. Invité sur les plateaux de télévision, le MR en a profité pour rappeler que les Libéraux, propositions de décrets à l’appui,demandent depuis près de dix ans la mise en place d’un parcours d’intégration obligatoire pour les primo-arrivants. Et de fustiger l’inaction des autres partis dans ce dossier.
Chez les socialistes, on voit rouge ! Début 2011, les gouvernements arc-en-ciel de la Région wallonne, de la Communauté française et de la Cocof ontadopté une note d’intention portant sur la mise en place d’un parcours pour l’accueil des primo-arrivants à Bruxelles et en Wallonie (voir AE 316 :« Enfin un parcours pour lesprimo-arrivants »). Note qui devrait se traduire en textes légaux d’ici la fin de l’année 2012.
A l’origine la note prévoyait que le parcours d’intégration s’appuie sur une base volontaire. Tout au plus, des incitants seraient prévus. Le 6 juin, lors d’uneséance plénière du parlement wallon plutôt chahutée, la ministre de l’Action sociale, Eliane Tillieux (PS), s’est dite prête à débattre ducaractère obligatoire du parcours. « Mais notre position préconise une base contractuelle », rappelle son attaché de presse Olivier Rubay. Côtébruxellois, Charles Picqué (PS), en tant que ministre chargé de la Cohésion sociale à la Cocof, vient quant à lui de se déclarer en faveur d’une obligationpartielle, pour ce qui concerne les modules de langues. « Un test sera proposé dans les bureaux d’accueil. Sur base de cette évaluation, les personnes pourront se voirobligées de suivre un cours », explique Aude Lavry, porte-parole de Charles Picqué, qui précise que ce point doit encore faire l’objet d’une discussion aucollège de la Cocof dans les jours qui viennent.
Il n’en fallait pas plus pour que le MR accuse le PS de retourner sa veste dans un communiqué : « Après plus de huit ans de combat politique, le PS accepte unparcours d’intégration obligatoire. » Faux, rétorque le président des socialistes dans un autre communiqué. « La vérité, c’est que ledébat sur le caractère obligatoire ou non d’un parcours d’intégration est purement rhétorique puisque la toute grande majorité des primo-arrivants sontdemandeurs d’un parcours d’insertion », y martèle Thierry Giet. Quand on vous disait que les élections n’étaient pas loin…
To force or not to force
En Flandre, le parcours d’intégration, ou « inburgering », a été mis en place en 2004 et est devenu obligatoire à partir de 2007. Lesprimo-arrivants qui refusent d’y participer sont passibles d’une amende. A l’époque, le discours politique a justifié cette obligation par la volonté de toucher l’ensembledes publics. Entre les lignes sont visées les femmes venues dans le cadre du regroupement familial, que leur famille ou leur communauté maintiendraient dans l’isolement.
Côté francophone, l’inburgering a fait couler beaucoup d’encre. A tort ou à raison, on a taxé cette politique de vouloir produire de « bons citoyensflamands » sans tenir compte de la dimension interculturelle. « Et quand la Flandre a rendu le parcours obligatoire, cela a été très mal perçu ducôté francophone où l’idée d’appliquer des sanctions est vue comme un obstacle à l’idée même d’intégration. Mais depuis quelques années,on voit les positions évoluer, y compris auprès des acteurs de l’intégration », observe Edouard Delruelle, président du Centre pour l’égalité deschances et la lutte contre le racisme1. Qui, pour sa part, a toujours défendu l’idée d’un parcours obligatoire. « Dans notre société d’accueil, lesgens peuvent avoir le sentiment que les migrants arrivent sans connaître nos valeurs. Permettre aux migrants de participer à un module sur la citoyenneté, c’est aussi unefaçon de lutter contre le racisme. » Invitée à s’exprimer devant le parlement wallon en janvier, la directrice du Ciré abonde dans ce sens.« L’obligation (…) peut être une exigence positive qui tire vers le haut. On pense à l’obligation scolaire, l’obligation de voter » y défendait FredMawet.
Eric de Jonge, directeur du Bureau d’accueil bruxellois des personnes d’origine étrangère (BON)2, ne partage pas ce point de vue. « Le risque, avecl’obligation, c’est de se retrouver à travailler avec des personnes peu motivées », met-il en garde. Pour lui, il existe d’autres façons de toucher l’ensemble despublics. « Ce que j’ai appris, à travers mon expérience passée dans le privé, c’est que si un service est bon, les gens viennent. Et que s’il esttrès bon, ils en parlent autour d’eux. Au BON, la moitié des gens viennent parce qu’un cousin, un ami leur a parlé de nous ». Pour rappel, si la politique del’inburgering est obligatoire en Flandre, ce n’est pas le cas à Bruxelles. Pour des raisons institutionnelles davantage qu’idéologiques. Etant donné le caractère bilinguede la Capitale, la volonté de rendre le parcours obligatoire ne peut en effet s’y appliquer par la volonté d’une seule communauté.
Cocof vs Cocom
Alors que la note de Charles Picqué poursuit son petit bonhomme de chemin à la Cocof, le CDH et l’Open-VLD viennent de déposer un projet d’ordonnance relative àl’instauration d’un cadre bruxellois pour l’accueil et l’intégration des primo-arrivants à la Cocom. « A Bruxelles, un primo-arrivant n’estattaché à aucune communauté en particulier. C’est pourquoi on estime que le bicommunautaire est le lieu adéquat pour porter ce débat. Sinon, on risque de seretrouver avec une approche à deux vitesses, avec un processus différent pour les francophones d’un côté, et pour les néerlandophones de l’autre »,explique le député CDH Pierre Migisha. « On travaille sur ce texte depuis des mois, bien avant les évènements à Molenbeek », ajoute-t-il, bienconscient que cette proposition ne fera pas que des heureux dans les rangs de la majorité. Par ai
lleurs, ce texte n’exclut pas le caractère obligatoire du parcours, dans un secondtemps. « A condition que le parcours soit opérationnel et que l’on trouve les moyens pour le faire. »
La mise en place d’un parcours pour les primo-arrivants doit-elle faire l’objet d’un décret Cocof ou d’une ordonnance Cocom ? Le primo-arrivant qui trouvera son chemin dans cedédale institutionnel aura certainement mérité son diplôme d’intégration !
D’un point de vue plus prosaïque, rendre le parcours d’intégration obligatoire demande aussi de pouvoir dégager les moyens budgétaires pour proposer à tous lesprimo-arrivants, sans exception, de suivre des modules de citoyenneté, des cours de langues. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, met en garde le directeur du BON. « Ilfaut quitter le débat sur l’obligation. Aujourd’hui, l’important c’est d’abord de pouvoir proposer à tous les primo-arrivants un parcours d’intégration cohérent, avec unecollaboration entre les francophones et les néerlandophones. »
Un guide pour les primo-arrivants
Il existe un guide pour aider les primo-arrivants à faire leurs premiers pas en Belgique. Il est téléchargeable à ces adresses :
www.educationpermanente.cfwb.be
www.fei-fr.be
www.cbai.be/news/450/0/
1. CECLR :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 00
– site : www.diversite.be
2. BON :
– adresse : rue de l’Avenir, 35 à 1080 Bruxelles
– courriel : info@bon.be
– tél. : 02 501 66 80
– site : www.bonvzw.be