Dans le quartier du Rabot à Gand, fleurir ses appuis de fenêtre, repeindre sa façade, entretenir la plaine de jeux ou le barbecue communautaire, voire participer auco-voiturage ou se fournir en énergie renouvelable sont quelques-unes des initiatives citoyennes généreusement rémunérées… non pas en euros, mais en« torekes ».
En circulation depuis près d’un an, cette monnaie complémentaire du Rabot est une première en Flandre et a pour but d’encourager les riverains à rendre leurquartier plus propre, plus vert, plus sûr et aussi plus solidaire en valorisant les actions positives. En cela, le système monétaire du « toreke » sedémarque des initiatives similaires récemment adoptées au sud du pays (voir Alter Echos n° 320 du 26 août 2011 : « L’épi en guise de blé »). Au-delàdu souci de dynamiser l’économie locale d’un quartier populaire, les initiateurs de ce projet pilote sont partis du constat que le développement et la gestion durables nesont réalisables que moyennant une approche collective. Si les associations locales ne sont jamais à court d’idées pour améliorer le quotidien des quartierspopulaires, elles manquent souvent de volontaires pour les faire suivre. C’est pourquoi l’initiative d’une monnaie alternative est venue valoriser et renforcer l’implicationdes habitants pour leur quartier, mais aussi l’environnement en général.
Un cadre pour agir
L’entraînement de jeunes footballeurs en herbe, le maintien de la propreté d’un square, l’entretien d’un poulailler communautaire ou d’un potager sur unterrain en friche, presque toutes les occasions sont bonnes pour gagner quelques torekes (entre 10 et 250 selon les actions). Au taux de change d’un euro pour 10 torekes, leur valeur restesymboliquement basse car personne parmi les responsables locaux ne croit que l’argent en soi suffise pour mobiliser engagement et créativité. « A la base, expliqueStefaan Vervaet, du service communal Rénovation urbaine et Action locale1, les gens s’impliquent non pas parce qu’ils reçoivent des torekes, mais surtout parcequ’on leur donne un cadre pour agir à court et à long terme. » Une forme de volontariat gratifié par des extras : une fois empochés par leshabitants, les torekes sont échangeables dans les commerces voisins contre des fruits et légumes, du pain, des pralines, des vêtements de seconde main, des jetons de carwash, destickets de cinéma, de tram ou de bus, voire la location d’un jardinet ou la réservation d’une salle de sport. Le catalogue de biens et services à échanger estenrichi des suggestions des habitants et la liste s’allongeant, la circulation des fruits du travail volontaire à tous les niveaux de l’économie locale n’en est quedavantage assurée.
Eco-consommation
Alors que les types d’actions à récompenser en torekes avaient été introduits par les associations locales, cette appropriation des services par les habitantsindique qu’une première étape positive a été atteinte. Car le toreke a aussi pour ambition de responsabiliser les comportements de consommation et de favoriser ladiffusion culturelle et sportive. Selon le dernier rapport d’évaluation d’avril 2010 à septembre 2011, 229 habitants ont souscrit au projet mais « leur nombre estvraisemblablement plus élevé, indique Wouter Van Thillo, de l’association Samenlevingsopbouw2, parce qu’il n’est pas toujours possible de savoir ce que sontdevenus tous les milliers de torekes délivrés au guichet. »
Grâce notamment à l’engouement suscité par les journées de travail collectif, les torekes distribués totalisent aujourd’hui un cumul de 8 782 euros.Il va de soi que mettre sur pied un système monétaire alternatif aussi performant que transparent a un coût, bien pécunier celui-là. Conjointement subsidiépar la ministre flamande de l’Economie sociale Freya Van den Bossche (sp.a), la ville de Gand et le Fonds social européen en partenariat avec le collectif de financement éthiqueMuntUit/Netwerk Vlaanderen, ce projet pilote a une durée initiale de deux ans, jusqu’aux élections communales d’octobre 2012. À ce terme, une nouvelle équipede gestionnaires prendra probablement le relais. Le maintien d’un budget de base est crucial pour le personnel associatif mais peu de doutes subsistent quant à la viabilité de ladémarche « toreke » pour les années à venir, sa popularité ayant été établie auprès des habitants du quartier et leurengagement inscrit dans la durabilité.
1. Dienst Stedelijke Vernieuwing en Gebiedsgerichte Werking, AC Portus, Keizer Karelstraat 1 à 1000 Gand
– tél. : 09 266 82 62
– courriel : gebiedsgerichtewerking@gent.be
2. Samenlevingsopbouw Gent, Blaisantvest 70 à 9000 Gand
– tél. : 09 223 95 15
– courriel : wouter.van.thillo@samenlevingsopbouw.be
– site : www.torekes.be