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Saint-Josse: du quartier Nord au quartier Rouge

Encadrer la prostitution, la limiter à quelques carrées dans un périmètre bien défini, c’est l’objectif poursuivi par Emir Kir qui rêve de faire atterrir le «modèle anversois» à Saint-Josse.

© Flickrcc Thomas van der Straten

Encadrer la prostitution, la limiter à quelques carrées dans un périmètre bien défini, c’est l’objectif poursuivi par Emir Kir, qui rêve de faire atterrir le «modèle anversois» à Saint-Josse.

Tout est déjà dessiné sur papier. Une zone piétonne délimitée par un carré entre les rues de Linné, des Plantes, de la Prairie et de la Rivière… et regroupant les 87 carrées du quartier Nord. Dans cet espace réservé à la prostitution, un commissariat de police, une antenne de CPAS et peut-être même une crèche. Le tout au sein d’espaces publics réaménagés et de logements sociaux rénovés. Mais seuls les clients seront dans les rues. Les prostituées resteront derrière les vitrines. Voilà esquissé à grands traits le projet que le bourgmestre de Saint-Josse voudrait faire démarrer dès janvier 2015. Une date encore aléatoire, car il faut d’abord que le bureau d’études Agora qui planche sur la réhabilitation du quartier Nord ait terminé son rapport puis que celui-ci soit avalisé par le gouvernement bruxellois.

Emir Kir ne le cache pas: il est attiré par le modèle anversois de la prostitution et plus particulièrement celui de la Villa Tinto et du quartier Rouge de la métropole. L’ancien domaine des marins russes et des prostituées en vitrines a été totalement restauré en 2005. Trois rues sont réservées à la prostitution et au cœur de ce quartier une ancienne maison de commerce a été transformée pour devenir la plus grande maison close de Belgique où une centaine de prostituées se relaient jour et nuit. Le bourgmestre de Saint-Josse ne défend pas l’idée d’une «Villa Tinto», mais bien d’un quartier Rouge, façon Saint-Josse. Il a d’abord imaginé, fin 2013, un «certificat de conformité» délivré pour cinq ans aux exploitantes des carrées du quartier Nord. Son projet de zone piétonne s’inscrit dans la même logique d’un encadrement plus «musclé» de la prostitution où chacun(e) serait à sa place. Car le problème du quartier Nord, dit-il, «c’est qu’on ne sait plus qui y habite, qui est un passant, qui est une prostituée. Il ne peut pas y avoir de confusion des rôles dans ce quartier. Si l’on a envie d’aller là-bas, cela doit être clairement précisé. Et si l’on n’a pas envie de le voir, on ne doit pas le voir».

Mais où iront les prostituées sans papiers?

A priori, les associations d’aide aux prostituées comme Espace P ou Entre 2 ne sont pas opposées à ce type de projet, au contraire. Elles veulent que la prostitution soit encadrée et que les travailleuses du sexe le soient également. Les associations insistent sur le fait que les prostituées demandent plus de policiers dans les rues pour assurer leur sécurité et lutter contre les nuisances liées au bruit, aux déchets laissés par les clients. D’accord donc aussi pour le projet de commissariat au sein du piétonnier. Tout cela part de bonnes intentions, disent les associations, qui regrettent tout de même de ne pas avoir été associées au débat. Mais il reste un gros problème, celui des prostituées étrangères, en séjour illégal, qui n’auront jamais ce certificat de conformité. Où iront-elles? Que feront-elles? Comment auront-elles accès au quartier? En interdisant la prostitution de rue, Emir Kir veut lutter contre les réseaux de trafic d’êtres humains, mais cela risque aussi de marginaliser les prostituées sans papiers. Certaines ont d’ailleurs déjà perçu le signal: il n’y a jamais eu autant de rotation dans les carrées. Les prostituées africaines les sous-louent pour gagner un maximum d’argent avant d’aller… ailleurs.

Aller plus loin

Alter Échos n°347 du 18.10.2012: «Prostituées non grata»

Alter Échos n°352-353 du 25.01.2013: «Bon voisinage autour de la rue d’Aerschot»

 

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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