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Regard critique · Justice sociale

Depuis le 16 juillet 2015, une dizaine de restaurants ont reçu l’autorisation d’étendre leurs terrasses sur la place Sainte Catherine. Le mouvement Free 54 a été créé pour « riposter contre l’appropriation de l’espace public ». Retour sur une problématique encore sans solution.

Il est 18 heures. Le soleil éclaire toujours la place Sainte Catherine. Une centaine de jeunes sont assis par terre, sur les marches de l’église et sur les bancs. A côté, trois terrasses ont été déployées. Depuis le 16 juillet 2015, la ville de Bruxelles a autorisé l’extension d’une dizaine de terrasses sur la place. Plusieurs bancs ont été enlevés. Le mouvement Free 54 est né en réaction à ces nouvelles dispositions : « L’idée de Free 54 est survenue suite à l’appropriation d’une place publique par les restaurateurs. C’est fou qu’ils puissent décider que l’espace public soit réservé aux gens prêts à payer pour s’installer sur des terrasses » défend Kevin, membre du collectif Free 54. Pour Marc Whitofs, président de l’association des commerçants de Bruxelles port de mer, cet endroit est aussi bien celui des commerçants que celui des usagers habituels : « De quel droit demandent-ils que les terrasses partent ? La place est à tout le monde. Les commerçants aussi ont le droit de travailler. Les jeunes n’ont pas à laisser leurs canettes de coca trainer sur le sol, ça c’est de l’incivisme. Ils sont parfois là jusque 2-3 heures du matin. Ça commence à gêner les riverains. »

Free 54, « Free cinq-quatre », prononcé « free Saint Cath » a pris l’initiative d’« utiliser l’endroit un maximum. Tout le monde met un peu en œuvre ce qu’il veut pour mettre en avant  »Saint Cath » », explique Félix, membre du collectif. Des ateliers ont été organisés pour construire des bancs en palettes ou customiser des tee-shirts à l’effigie de Sainte Catherine. Félix est un jeune travailleur comme ses trois amis, Alice, Peter et Kevin. L’un a vécu dans le quartier, les autres ont fréquenté les écoles du coin. Ils ont décidé de prendre part au mouvement pour « défendre un lieu de rencontres » : « C’est un des endroits où tout le monde se retrouve, s’installe sur les bancs pour boire des bières, pour s’amuser. Tout le monde vient ici. Cette place a toujours été vivante, non seulement par la présence des écoliers mais aussi grâce aux sans-abris, aux personnes sans papiers ou aux gens qui terminent leur journée de boulot. Quand la place était équipée, elle permettait de se reposer. Et maintenant, la ville enlève les commodités. Il y a aussi de plus en plus de répression. Les policiers viennent. Les commerçants se plaignent des personnes qui boivent trop de bière et qui dérangent » commentent Félix et Peter.

Free 54 a plusieurs revendications : la réparation des urinoirs à côté de l’église, la mise en place de toilettes pour les filles, l’équipement de plus de poubelles, la suppression des nouvelles terrasses et la réinstallation de bancs. Le président de la fédération Horeca, Yvan Roque, reste perplexe. Il ne comprend pas la demande des jeunes : « C’est une place qui est d’une importance capitale pour l’économie. Aujourd’hui, on a effectivement un problème avec des gens qui ont décidé de s’approprier un bien rien que pour eux. On pourrait concilier les deux mais ils veulent la place rien que pour eux. Ces gens, ils n’habitent pas là, ils viennent d’ailleurs, et ils revendiquent quelque chose qui est complètement absurde. Ils sont là juste parce qu’ils n’ont pas envie que les autres puissent exercer une activité légale et économique ». Marion Lemesre (MR), échevine du commerce à la ville de Bruxelles, rejoint le président : « Le marché bio est intégré au projet de la place, on veut aussi proposer la présentation de stylistes vintages pour créer une ambiance positive. Le mouvement Free 54 crée une ambiance négative en excluant tout le monde et en s’appropriant la place. Ils sont très destructeurs. »

Marc Whitofs, président de l’association des commerçants, reconnaît rejoindre plusieurs demandes du collectif, comme la mise en place de nouvelles poubelles. Il aimerait trouver un terrain d’entente avec tous les acteurs de la place : « Voilà un an que ça dure. La ville n’intervient pas, personne n’intervient. La ville ne veut pas de compromis entre nous et eux. Je suis persuadé qu’elle est un obstacle. Je suis prêt à dialoguer. »

Alice, Peter, Kevin et Félix campent sur leur position. Pour eux, la ville ne pense pas assez à ses habitants mais bien trop aux touristes. « On nous dit que maintenant, on peut aller sur le piétonnier mais ça va de nouveau être pareil, c’est pour reporter la problématique. Nous, on reste ici », confie le collectif. La ville leur avait promis un compte-rendu sur la situation et une rencontre avec les commerçants. Ils attendent toujours de pouvoir s’expliquer.

 

Zoé Fauconnier

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