Au centre fédéral fermé de Saint-Hubert, le Service d’aide aux détenus1 prend en charge l’accompagnement psycho-social des mineurs délinquants« dessaisis ». Premiers pas d’un projet pilote.
Depuis le premier juillet, le service d’aide aux détenus (SAD) de la province du Luxembourg a vu son équipe s’étoffer considérablement. Quatre personnes ontété embauchées (assistant social, éducateur, psychologue et coordinateur) pour conduire un projet pilote à destination des « mineursdessaisis ». À Saint-Hubert, il y a quatre sections consacrées à la détention de mineurs. Les mineurs « dessaisis » sont détenusdans une section spécifique de treize places.
Ces mineurs subissent une détention différenciée car ils suivent une procédure à part : le dessaisissement. Lorsqu’un juge de la jeunesse estime que lesdélits commis par un mineur de plus de 16 ans sont extrêmement graves, il peut décider de se « dessaisir ». C’est alors le droit pénal pour adulte quis’applique. Lorsqu’ils sont détenus à Saint-Hubert, ils sont soit en préventive, soit condamnés. Ces mineurs dépendent du ministère de la Justice alors queles autres mineurs délinquants du centre fédéral sont suivis par les services de l’Aide à la jeunesse. Les deux catégories vivent donc côte àcôte, mais dans des univers cloisonnés. Pour combler le manque d’accompagnement dont souffrent les mineurs dessaisis, la ministre de l’Aide à la jeunesse a proposé, dans lecadre d’un accord avec le ministre de la Justice, au SAD de Libramont, de suivre ces jeunes.
« Est-ce au service d’aide aux détenus de s’occuper des jeunes dessaisis ? »
Pour l’équipe du SAD, tout est à construire. Les permanences psycho-sociales ont déjà lieu quotidiennement, mais les contacts avec des associations ou des services del’Aide à la jeunesse ne font que commencer. Cécile Dethier, qui coordonne le projet, est clairvoyante sur son rôle : « Est-ce aux Services d’aide aux détenus des’occuper des jeunes dessaisis ? On peut se le demander. D’un côté, la réponse est positive car nous avons une réelle expertise des prisons. Mais d’un autrecôté, il ne faut pas que l’on passe à côté de l’identité propre des jeunes. Nous ne voulons pas faire un copier-coller de ce qu’on fait d’habitude dans l’aideaux détenus. Ceux qui ont été engagés ont une expérience auprès de jeunes et on prend des contacts pour s’entourer de ceux qui connaissent le sujet. Nousdéveloppons des liens avec l’Aide à la jeunesse, nous espérons travailler avec l’équipe des trois autres sections pour mineurs de Saint-Hubert, avec des AMO et enfin, avecdes personnalités comme le Délégué général aux droits de l’enfant ou des universitaires. On peut même imaginer de créer un comitéd’accompagnement avec des gens du secteur de l’Aide à la jeunesse. »
Même si le projet est encore en phase d’élaboration, d’expérimentation, certains objectifs sont tout de même définis. L’aide sociale et psychologique se traduirapar un travail sur le lien familial, sur la facilitation de ce lien (une gageure vu l’éloignement géographique du centre). Une autre priorité du SAD consistera à entamerun travail de pédagogie auprès des jeunes, afin qu’ils comprennent mieux leur situation. La différence entre les jeunes enfermés en IPPJ – trèsencadrés, très sollicités – et les jeunes « dessaisis » est frappante. Ces derniers sont peu encadrés et ne sont pas mobilisés autour deprojets ou d’activités collectives. Une façon supplémentaire de punir que le SAD tentera d’adoucir en aidant le jeune à comprendre dans quoi il se situe et en proposantdes activités collectives, même si ce dernier objectif est soumis à autorisation du ministère de la Justice. Enfin, la préparation à la sortie de Saint-Hubertfigure parmi les objectifs du SAD. Qu’il s’agisse de ceux qui vont sortir libres ou… d’une sortie vers la prison, une fois l’âge adulte atteint. Dans ce dernier cas, il faudra, selonCécile Dethier, « donner aux jeunes toutes les ressources internes et externes pour que ce transfert se passe le mieux possible. »
Le projet ne fait que commencer, mais Cécile Dethier, après quelques semaines passées en compagnie de ces jeunes, a bien perçu leurs difficultés :« Ils n’ont pas toujours conscience des enjeux. Ils éprouvent un grand sentiment d’injustice par rapport au dessaisissement « pourquoi on me considère comme un adulte ? »,ils n’arrivent pas à le comprendre. »
1. Service d’aide aux détenus de Neufchâteau :
– adresse : avenue de Bouillon, 45 à 6800 Libramont
– tél. : 061 29 24 95
– courriel : asj-lux@skynet.be