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Regard critique · Justice sociale

Sanctions administratives communales : une si belle réussite !

Un colloque sur les sanctions administratives communales où tout le monde semble d’accord sur les vertus de ces sanctions à l’égard des jeunes.

06-06-2010 Alter Échos n° 296

Un colloque sur les sanctions administratives communales (SAC) a eu lieu le 2 juin. On y évoquait notamment la possibilité d’abaisser l’âge d’application de ces sanctionsà quatorze ans. Un colloque sans vague grâce à des intervenants triés sur le volet.

L’intitulé du colloque pouvait laisser quelque espoir : « Sanctions administratives communales et médiation : lutte contre les incivilités en ville ?» Le point d’interrogation, alléchant, offrait la perspective d’un débat, d’un questionnement. Mais de débat, il n’y eut point. L’ensemble des intervenants à cecolloque fédéral, organisé par le ministère de la Politique des grandes villes (PGV)1, semblait s’être passé le mot : non seulement lamédiation et les sanctions administratives communales sont des outils « formidables » (certains évoquèrent un « cadeau divin »), mais en plus,il est grand temps d’abaisser la limite d’âge à laquelle il est possible d’appliquer ces sanctions. À l’heure actuelle, un jeune de 16 ans peut faire l’objet de sanctions pour« incivilités », bientôt 14, et pourquoi pas 12, après tout, nos voisins anglais y recourent dès 10 ans…

Dans une logique de « tolérance zéro », les sanctions administratives communales sont des outils à disposition des communes depuis 1999 pour sanctionner uneinfraction, souvent mineure (graffitis, uriner en rue, tapage nocturne, cracher et jeter des mégots etc.). Il s’agit généralement d’une amende. C’est un « fonctionnairesanctionneur » qui décide de la sanction et peut choisir de la faire appliquer ou de classer l’affaire sans suite. Une proposition de médiation est possible, elle estprévue par la loi. Pour les mineurs, âgés de 16 à 18 ans, cette proposition de médiation est obligatoire.

Les laudateurs de la médiation soulignent les vertus pédagogiques et l’aspect responsabilisant de celle-ci. Freddy Thielemans (PS), bourgmestre de Bruxelles-Ville, avance un chiffreintéressant : dans sa commune, 68 % des médiations se ponctuent par une réussite. Pour certains travailleurs de terrain qui se sont exprimés, l’avantage de cessanctions (et de la médiation) est qu’elles viennent compenser le vide laissé par la justice pour mineurs et par la loi de 1965 sur la protection de la jeunesse. Selon eux, l’immensemajorité des petites infractions commises par des mineurs n’était suivie d’aucun effet. De plus, grâce à cette volonté d’encourager la médiation, onévite de « judiciariser » toutes ces affaires mineures, sans pour autant les laisser impunies.

Une violation du principe d’égalité

Si la volonté de ne pas faire passer devant le juge de la jeunesse les auteurs de délits mineurs et de laisser une place à la médiation locale n’est pasinintéressante, il ne faudrait pas laisser croire que les sanctions communales réjouissent la Belgique entière. Certains estiment, au contraire, que ce type de sanctions n’estpas sans danger. C’est le cas de la Ligue des droits de l’homme ou encore de la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (Code)1. Manuel Lambert, président de la Code,conteste leur philosophie générale : « L’objectif des sanctions administratives communales était de dépénaliser certaines petites infractions, maisdans la réalité on les « repénalise » sous forme de sanctions administratives. La critique fondamentale qui peut être adressée à ces sanctions est que lesjeunes qui y sont soumis échappent à la protection prévue par la loi de 1965 relative à la protection de la jeunesse. Cette loi doit pourtant s’appliquer à toutmineur. » C’est aussi la partialité du fonctionnaire sanctionneur qui est dénoncée par Manuel Lambert : « Le fonctionnaire sanctionneur est un peu juge et partie,l’incivilité a souvent été commise contre la commune pour laquelle il travaille. De plus, l’argent de l’amende rentre directement dans les caisses de sa commune. » Enfin,sa dernière attaque concerne la violation du principe d’égalité. Les communes ont une marge d’appréciation dans l’application de ces sanctions. C’est cette marged’appréciation qui fait que, selon Manuel Lambert « pour un même fait, on pourra être puni de différentes manières selon la commune dans laquelle on se trouve».

Aucune de ces critiques n’a réellement été abordée lors du colloque du 2 juin, pas de trouble-fête à l’horizon. C’est certainement ce qui explique la« belle réussite » que fut cet événement…

1. SPP Intégration sociale – Service Politique des grandes villes :
Bât. WTC II (26e étage),
– adresse : bd Roi Albert II, 30 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 508 85 86
– courriel : politiquedesgrandesvilles@mi-is.be
2. Code :
– adresse : rue du Marché aux poulets, 30 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 223 75 00
– courriel : info@lacode.be
– site : www.lacode.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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