Rencontre avec Martin Besson, Parisien de 21 ans à l’initiative de Sans A_, un média en ligne qui veut changer le regard sur les exclu.e.s et permettre au public d’agir en leur faveur.
Il y a Murielle, ex-taularde devenue gérante d’un restaurant, Olivier, qui s’est retrouvé à la rue après un divorce, Sofia vivant dans un 7 mètres carré parisien…
Toutes ces personnes ont en commun d’avoir connu ou de connaître encore la galère et la précarité. Leurs histoires sont racontées sur Sans A_, un média en ligne créé en France. «Sans A pour sans abri, sans argent, sans affection, sans avenir… Mais pas sans histoire», défend Martin Besson, jeune homme de 21 ans (seulement), créateur de Sans A.
Il y a quelques années, lui «qui a toujours eu une fibre sociale» a voulu se mettre dans la peau d’un sans-abri. Il a tenu un jour. Mais l’idée de parler des personnes «en marge» lui est restée et a abouti à la création de Sans A_, en mars 2014. Un pure player qui veut «rendre visible les invisibles». Martin, qui n’est pas journaliste mais se définit comme entrepreneur, coordonne, avec deux autres jeunes personnes engagées (au salaire minimum), des journalistes free-lance rémunérés à la pige. Et lui? Il vit grâce au soutien de ses parents «qui ont compris que c’était plus efficace de me financer ce projet que l’école…»
Pour sa première saison, Sans A_ s’est penché sur le sans-abrisme. La série se composait d’un témoignage sur l’intimité d’un couple dans la rue, d’un portrait de Jean-Claude «dix ans de cabane et trente ans de rue» au compteur, ou encore d’un reportage sonore sur les femmes sans abri et leurs moyens de défense… Pour sa deuxième saison, Sans Sans A_ s’est penché sur la vie après le prison et la question de la réinsertion, avec notamment le très beau récit BD «La vie après le placard» (à lire ici) .
Les récits de Sans A_ mettent l’humain au centre. Les histoires prennent le temps de se raconter et sont mises en valeur par un élégant design et des outils multiples. «L’idée est de faire des productions informatives et créatives. Des productions nouvelles qui repoussent les limites de la créativité», défend Martin, désireux de prendre le contre-pied des médias traditionnels qu’il trouve, pour la plupart, chiants, «à part Arte». Exemples d’outils utilisés? La bande-dessinée animée, les diaporamas sonores ou encore les vidéos slowmotion, testées prochainement.
Concilier information et action
Où Sans A se distingue vraiment des autres médias, c’est en invitant ses lecteurs à agir pour des causes liées aux articles. «On n’est pas une association, on n’est pas un organisme caritatif, mais on est un média d’impact et on veut que les personnes qui sont touchées par ce qu’elles lisent aient une possibilité d’agir», explique Martin.
En lien avec la saison «intimité et sans-abrisme», Sans A et ses adhérents ont pu par exemple récolter 500 euros pour l’association mobil’ douche qui permet aux sans-abri de se laver dans la rue. En ce moment, les lecteurs-acteurs encouragent Eric, sorti de prison qui veut devenir assistant juridique, à trouver un stage. «Mais quand on parle d’action, ça peut aussi marcher dans la rue la nuit sans trop gueuler pour pas réveiller les sans-abri, comme nous le disait Jean-Claude, un sans-abri dans un article…», précise Martin.
«C’est le propre d’un média et du journalisme, c’est de dire qu’il y a des problèmes et donc de trouver des solutions par la suite… Parler des problèmes sans agir, ça ne sert à rien», défend-il avec l’assurance d’un patron de presse de 40 ans…
Martin Besson croit en son projet dur comme fer et regarde le futur de Sans A_ avec confiance. «Quand je veux quelque chose, je lâche rien…», confie-t-il, même si on l’avait bien compris. Pour assurer l’avenir du projet, Sans A_ a développé un pôle «communication» – qui propose de la production de contenus à des clients «éthiques» comme Caritas. Sans A pense passer prochainement au le statut d’entreprise sociale et solidaire.
Sur le point éditorial, les sujets sur la table ne manquent pas: «La prochaine saison sera consacrée aux migrants, explique Martin, on pense aussi à parler des personnes qui souffrent de problème de santé mentale, des agriculteurs, des travailleurs de nuit…» Sans A_ a l’embarras du choix, la liste des «exclu.e.s» ne fait que s’agrandir…