Les plans hiver ou « grand froid » démarrent, mois de novembre oblige. A plusieurs endroits, des consultations médicales supplémentaires sont mises surpied. L’occasion d’accrocher un public habituellement invisible.
Mons et ses rues pavées, bordées de maisons en briques rouges. Son carillon qui tinte joyeusement. Et, comme ailleurs, ses sans-abri qui traînent en rue dans l’air glacédu matin. Ici comme dans les autres villes wallonnes, le Plan Grand Froid a été activé début novembre. Il se prolongera jusqu’au 31 mars prochain. Nathalie Van Vrackem,infirmière et coordinatrice du Relais santé1, nous reçoit dans un bureau cosy. « Dans le cadre de ce plan, nous intensifions notre travail de consultationsdans les maisons d’accueil, les abris de nuit et les centres d’accueil de jour, nous explique-t-elle. L’année dernière nous avons administré 463 soins, dont plus de lamoitié réalisés entre le 1er novembre et le 31 mars. »
De même, les maraudes en rue se font plus nombreuses. Environ 100 heures de déambulation tout au long de la période hivernale, au cours desquelles sont distribuésbonnets, écharpes, gants, chaussettes et couvertures de survie. « Nous accompagnons les éducateurs de rue, nous allons dans les squats, les gares. Nous sommes aussiprésents à la soupe de nuit de l’Armée du Salut », précise Nathalie Van Vrackem. « Le dispositif est très préventif. On reformule notreoffre aux personnes qui n’ont pas de contact avec les structures socio-médicales. On diffuse aussi l’offre et les contacts de chacun de nos partenaires. Comme cela, toute la populationsans-abri est au courant. » Le Relais santé répond aussi à toute sollicitation ponctuelle qui émane de ses partenaires des communes du Haut-Pays.
Est-ce à dire que les problématiques médicales des sans-abri sont spécifiques ou plus nombreuses en hiver qu’en été ? « Notre grosobjectif en hiver, explique Nathalie Van Vrackem, c’est d’éviter les problèmes d’hypothermie et les décès qui pourraient s’ensuivre. C’est une période trèsactive, où notre vigilance doit être accrue. Cela génère un stress supplémentaire, car il y a une responsabilité des travailleurs sociaux, une peur de savoirque des personnes sont en rue avec des températures négatives. » Les problèmes dus à une carence d’hygiène et les problèmes de pieds sont aussiaccentués à cause de l’humidité et du froid. Pour le reste, souligne l’infirmière, les problèmes sont similaires à ceux du reste de la population. Et s’il ya une hausse des demandes, elle est plutôt due à l’élargissement de l’offre proposée dans le cadre des dispositifs hivernaux.
Ce que confirme Sandrine Conradt, du Relais santé de Verviers2. « Ici à Verviers, il n’y a pas de spécificité au niveau de la santé dans lecadre du Plan Grand Froid, explique-t-elle. Nous avons, c’est vrai, un peu plus de demandes en hiver. Mais c’est principalement dû au fait que les personnes à la rue viennent auCafé d’Hiver [NDLR lieu d’accueil de jour] pour se réchauffer. S’il ne fait pas très très froid, alors on ne les voit pas. Les dispositifs du Plan Grand Froid facilitentl’accès à ce public. »
De Mons en passant par Verviers, direction Bruxelles. Même type de constat dressé par Médecins du Monde(3), qui vient de lancer ce 15 novembre le volet médical du PlanHiver. MdM accompagne le Samu social dans les deux sites de la rue Royale et de la chaussée de Charleroi en y tenant des consultations médicales. A part l’hypothermie, pas deproblématique spécifique, confirme Stéphane Heymans, responsable des missions belges. Si ce n’est que, par l’action du froid, l’organisme physique est affaibli, fragilisé.Il y a donc quand même une hausse de toute une série de pathologies (voir encadré).
Les consultations en chiffres
Les consultations de Médecins du Monde au cours de l’hiver 2011-2012 :
• 3 288 consultations ont été assurées à Bruxelles durant l’hiver 2011-2012 et 644 à Anvers.
• 1 042 sans-abri ont été soignés à Bruxelles pendant cette période, et 279 à Anvers.
• Parmi les diagnostics établis, 1 064 troubles respiratoires, 846 problèmes de peau et 668 problèmes ostéo-articulaires. Suivent ensuite les problèmesgastriques et intestinaux (447), les problèmes psychologiques (428) et neurologiques (280). On peut supposer que les problèmes de santé mentale sont en réalitébeaucoup plus nombreux, car ils ne sont souvent pas explicitement exprimés par les patients.
« On ne guérit pas en rue »
« Parmi les patients rencontrés, il y a le sans-abri tel que nous l’imaginons, déstructuré et souvent sous dépendance, mais il y a aussi toute une population,qu’on ne voit pas habituellement, qui surgit au moment du Plan Hiver, constate lui aussi Stéphane Heymans. L’hiver est une opportunité pour faire une accroche médicale. Carl’accès à la médecine générale pour les populations vulnérables est lamentable. » Parmi 108 patients interrogés dans le cadre d’uneenquête menée au sein des consultations l’hiver dernier, en effet, seuls 12 % ont un médecin généraliste et 7 % sont affiliés à une maisonmédicale. Les autres sur-utilisent les urgences ou ne se soignent pas. Et 55 % des personnes ne sont pas en ordre au niveau de leur assurance médicale (mutuelle, aidemédicale urgente, carte médicale).
Il y a alors une série de choses à faire, explique Stéphane Heymans : travailler la remise en ordre administrative pour l’accès aux soins, dépister latuberculose et le VIH. Une demande a aussi été faite à la ministre de la Santé pour mettre sur pied dans les consultations une campagne de vaccination contre la grippe.Car le risque d’épidémies dans ces lieux de vie « communautaires » que sont les abris de nuit n’est pas à négliger. En cas de grippe, un sans-abridoit être hospitalisé rapidement. « On ne guérit pas en rue. On peut soigner, on peut essayer de raccrocher les personnes à la médecinegénérale, mais la rue n’est pas un lieu de guérison. Et tout cela a un côté absurde puisque finalement, à la fin de l’hiver, on remet tous ces gens àla rue. Il y a là-derrière un réel problème de logement », conclut le responsable des missions. 42 % des personnes interrogées disent d’ailleurs nepas savoir où se rendre après le Plan Hiver.
Absurde, le Plan Hiver l’est aussi car finalement en rue, on y meurt en hiver… comme en été. « On n’est d’ailleurs pas sûrs qu’on y meure plus en hiver qu’enété », ajoute
même Stéphane Heymans. Même son de cloche du côté du Relais santé de Mons, où l’on regrette lasurmédiatisation de la problématique hivernale. « En hiver, il y a de grands élans de solidarité, c’est bien, il y a des dons qui sont utiles. Mais pourquoi n’ya-t-il pas la même solidarité toute l’année ? Pourquoi ne pas avoir une vision un peu moins misérabiliste ? », s’emporte Eric Ghyot, coordinateuradjoint du Relais social. Et si les financements spécifiques aux Plans Grand Froid ont tout leur sens, il reste que le sans-abrisme ne fond pas avec la neige. La période estivale estd’ailleurs tout aussi destructrice pour la santé, même si on en parle beaucoup moins.
1. Relais santé de Mons :
– adresse : rue du hautbois, 56 B à 7000 Mons
– tél. : 065/84 34 19
– site : www.rsumb.b/relais-social-40-relais-sante.html
2. Relais santé de Verviers :
– adresse : rue des Martyrs, 54 à 4800 Verviers
– tél. : 087/31 03 15
– courriel : relaissantevervietois@live.be
– site : www.relais-social-verviers.be/4.1_pro_rel.htm
3. Médecins du Monde :
– adresse ; rue de l’Eclipse, 6 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 648 69 99
– courriel : info@medecinsdumonde.be
– site : www.medecinsdumonde.be