Les élèves immigrés ont de moins bons résultats scolaires que les « autochtones ». C’est la conclusion d’une étude1commandée par la Fondation Roi Baudouin. L’école belge et son système de reproduction des inégalités sont à nouveau montrés du doigt.
Les immigrés sont mauvais à l’école ! Ce n’est pas le Vlaams Belang qui le dit, mais Dirk Jacobs et Andrea Rea, professeurs à l’ULB, dans leur étude« Gaspillage de talents » rédigée pour la Fondation Roi Baudouin, sortie en septembre. En cause : l’école, une fois de plus montrée du doigtcomme reproductrice d’inégalités.
Les deux chercheurs sont partis de la fameuse étude Pisa, cette étude comparative internationale. Les compétences et savoir-faire essentiels d’élèves de quinzeans y sont passés à la moulinette. A chaque étude, c’est le même refrain. La Communauté française de Belgique obtient des résultats très moyens.Cette fois-ci, Andrea Rea et Dirk Jacobs ont utilisé les données Pisa pour évaluer les résultats scolaires des élèves issus de l’immigration en Belgique(immigrés de deuxième génération et primo-arrivants).
Une bonne nouvelle est annoncée. L’écart entre élèves « autochtones » et élèves issus de l’immigration s’est réduit,très légèrement. Certes, la Belgique n’est plus le pays industrialisé avec l’écart le plus important, mais pas de quoi pavoiser pour autant. Les chercheurs attirentnotre attention sur « l’énorme gaspillage de capital humain et de talent », ils jugent la situation intenable et estiment que la société entière enpaiera le prix.
Prenons quelques chiffres généraux qui concernent la lecture. En Communauté française, les élèves autochtones atteignent le score de 508,3 points, lesélèves dits de deuxième génération 456,4 points et les immigrés 437,9. Ce type d’écarts se retrouve la plupart du temps dans les autresmatières testées, les mathématiques et les sciences.
D’autres données sont plus précises… et alarmantes. Les études Pisa ont déterminé un seuil critique en dessous duquel on considère que la situation desélèves est réellement problématique : les élèves ne possèdent pas le minimum de compétences. En Belgique, en lecture, 13,58 % desélèves autochtones se situent sous le seuil. Les élèves de deuxième génération sont 32,49 % à ne pas posséder lescompétences minimales. Un chiffre qui passe à 36,19 % chez les immigrés. Lorsque l’on jette un œil aux résultats en sciences en Communautéfrançaise, les scores sont inquiétants : 50 % des garçons immigrés n’accèdent pas aux compétences minimales. Si les résultats en Flandresont un peu meilleurs, ils ne sont pas spectaculaires. Pour une fois, communautés française et flamande sont confrontées au même défi.
Une ségrégation ethnique
Pour les chercheurs, « cet écart s’explique presque entièrement par la position socio-économique des parents et la langue parlée à lamaison », des différences sociales et culturelles qui ne sont pas compensées par une école qui ne joue plus son rôle. Ce qui leur fait dire que« l’ascenseur social est en panne. »
Ce qui cloche dans le système scolaire, c’est notamment le système dit de séparation. Très jeunes, les enfants sont orientés vers des filières techniques etprofessionnelles qui deviennent des filières de relégation. Alors que le seuil critique en lecture est de 407 points, les élèves de l’enseignement technique etprofessionnel en Communauté française n’atteignent en moyenne que 379,4 points. Les auteurs de l’étude constatent qu’au niveau international, « lesinégalités sont d’autant plus marquées que le tronc commun est court. »
Parmi les phénomènes de relégation scolaire des immigrés que dénoncent les chercheurs, on notera la ségrégation. Un terme fort qui recouvre uneréalité de plus en plus prégnante, comme ils l’expliquent : « A la ségrégation liée à la classe sociale à laquelleappartiennent les parents s’ajoute de plus en plus une ségrégation ethnique […]. Ce dernier phénomène est surtout le résultat d’un processus dedésertion de certaines écoles urbaines par les élèves belgo-belges. » Les élèves de différents milieux ne se mélangent pas alorsmême que « le profil de la population scolaire a un impact important sur les performances. »
On est donc loin du compte en matière d’égalité des chances. Andrea Rea et Dirk Jacobs estiment qu’excellence et égalité ne sont pas incompatibles. C’est donc« un travail d’envergure » qui reste à mener, mais aussi, « et surtout, un réflexe de solidarité de la part des groupes les plusprivilégiés de notre société. »
1. Gaspillage de talents, les écarts de performances dans l’enseignement secondaire entre élèves issus de l’immigration et les autres d’après l’étude Pisa 2009,août 2011