Trop vague, disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi…Le Conseil d’État vient de rendre un avis très critique à l’égard de la proposition de loi N-VA obligeant les travailleurs des institutions de sécurité sociale de dénoncer au Procureur du Roi tout indice de l’existence d’une infraction terroriste. Cette proposition est née et a été débattue au sein de la Commission «Lutte contre le terrorisme». Tel qu’il est rédigé, le texte a pour effet de réduire à néant l’obligation de secret professionnel des travailleurs sociaux.
Les CPAS, s’étaient émus du caractère fort imprécis et pourtant potentiellement très dommageable du texte pour les travailleurs sociaux et les usagers. La proposition parle d’ «indices» d’infraction terroriste sans préciser sur quels critères se baser pour les évaluer. Elle contraint, sous peine de sanctions, le travailleur des institutions sociales (CPAS, Forem, ONE…) à informer la Justice sur base de ces «indices», donc à trahir, dans certains cas, le secret professionnel auquel il est légalement soumis. Plusieurs députés de l’opposition (PS, Ecolo..) s’étaient fait l’écho de ces critiques et ils ont dû batailler ferme au sein de la Commission pour envoyer le texte de la députée N-VA Valérie Van Peel au Conseil d’État. Il est vrai que le Conseil d’État avait déjà désavoué une première tentative de la députée qui visait alors les seuls travailleurs des CPAS.
«Le Conseil d’État reprend les principales critiques que nous avions formulées lors des débats », observe Gilles Vanden Burre, député Ecolo et rapporteur pour la Commission. La proposition avait deux volets. Le premier exigeait de la part des institutions de sécurité sociale de fournir des renseignements administratifs à la Justice en cas d’enquête terroriste. Cela ne pose pas de problème pour le Conseil d’État. Il n’en est pas de même pour l’obligation d’information active qui concerne «des données qui constituent l’essence du secret professionnel», observent les magistrats. Quelles sont les infractions à rapporter? Comment identifier ce qui relève de la préparation d’un acte terroriste? Ce n’est pas clair, dit le Conseil d’État qui estime «disproportionné» le risque de sanction pour l’agent public qui n’aurait pas communiqué de manière proactive le méfait supposé. Trop d’agents, trop de fonctionnaires sont par ailleurs visés par cette obligation et ici aussi le principe de proportionnalité n’est pas respecté.
Le Conseil d’État relève que l’obligation «générale de communiquer des renseignements et pas seulement celle liée à une infraction terroriste existante…aurait un champ d’application à ce point étendu qu’elle affecterait le secret professionnel dans sa substance, l’obligation de dénonciation n’étant ainsi plus proportionnée, dans certains cas, au but poursuivi ».
Conclusion ? Le Conseil d’État recommande de «réexaminer» les dispositions relatives à l’obligation de dénonciation active. Comment réagira la majorité ? Une troisième tentative législative est probable puisque les ministres concernés (Willy Borsus pour l’Intégration sociale, Koen Geens pour la Justice) ont dit vouloir se référer à l’initiative parlementaire de la N-VA.