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Petite enfance / Jeunesse

Service citoyen: c’est le moment, c’est l’instant?

Un projet de loi CDH propose l’instauration d’un service citoyen obligatoire pour les jeunes. Du côté du cabinet de Maggie De Block (open VLD), on étudie «la création d’un statut légal spécifique pour le service citoyen»…

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Un projet de loi CDH propose l’instauration d’un service citoyen obligatoire pour les jeunes. Du côté du cabinet de Maggie De Block (open VLD), on étudie «la création d’un statut légal spécifique pour le service citoyen»…

Le sujet fait débat parmi les partisans du service citoyen: celui-ci devrait-il être obligatoire ou pas? Du côté du CDH, on a tranché. Georges Dallemagne, député fédéral, vient en effet de déposer une proposition de loi allant dans ce sens. Pour rappel, le service citoyen n’est pas obligatoire aujourd’hui en Belgique. «Pire», il n’est même pas organisé par l’État, contrairement à ce qui se fait chez nos voisins français ou allemands.

En Belgique, comme souvent, on y va un peu plus à son aise. Au point de contraindre le secteur associatif à prendre la main. C’est dans ce contexte qu’une structure a décidé de prendre les devants. La Plateforme pour le service citoyen organise ainsi un service citoyen volontaire pour les jeunes de 18 à 25 ans. Ceux-ci s’emploient durant six mois, 28 heures par semaine, auprès de structures associatives, de services publics, d’institutions d’utilité publique ou d’hôpitaux… À l’heure actuelle, le service concerne une grosse centaine de jeunes par an. Ce chiffre assez modeste s’explique notamment par le fait que la Plateforme se soucie de la qualité des services citoyens qu’elle propose. Mais aussi par le fait qu’elle fonctionne avec des moyens réduits. À Bruxelles, seul Didier Gosuin (Défi) finance le projet, bien aidé en cela par le Fonds social européen. En Wallonie, quelques petits financements facultatifs ont permis à la Plateforme de lancer depuis septembre les premières «promotions» au sud du pays.

«Je pense que nous sommes à un moment où proposer un service citoyen obligatoire a du sens. Il existe pour l’heure un manque de relation à l’État, à la nation, au pays», Georges Dallemagne.

Dans ce contexte, la proposition de Georges Dallemagne pourrait constituer un véritable bouleversement si elle devait un jour être entérinée. D’après la Plateforme pour le service citoyen, 140.000 jeunes pourraient être concernés chaque année. Autant dire qu’un tel changement d’échelle aurait des conséquences en termes d’organisation et de budget. «Je suis conscient de ces enjeux, explique d’ailleurs Georges Dallemagne. Mais je pense que nous sommes à un moment où proposer un service citoyen obligatoire a du sens. Il existe pour l’heure un manque de relation à l’État, à la nation, au pays. Il manque aussi de rituels communs, de brassage des populations. Beaucoup de gens s’ignorent, ne se comprennent plus, les fractures culturelles et sociales sont importantes. Et puis il y a aussi la montée du populisme et du radicalisme. Avoir un service citoyen permettrait de partager quelque chose de positif, de symbolique. Et le rendre obligatoire a du sens. Si ce n’était pas le cas, je pense que ce seraient majoritairement les couches de population qui bénéficient déjà de beaucoup d’activités, d’ouverture, qui auraient tendance à vouloir le faire.»

Une vision souple

Concrètement, le projet de l’élu CDH propose donc la mise en place d’ici à 2025 d’un service citoyen obligatoire pour tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans. Il s’agira d’effectuer une «mission d’utilité collective» dans tous les secteurs publics et associatifs qui rendent un service à la population. L’organisme d’accueil devra être agréé. Notons qu’une certaine souplesse est prévue. Le service durerait de deux à douze mois, selon ce que le jeune veut. Il pourrait être réalisé en plusieurs périodes d’engagement successives. La durée hebdomadaire d’engagement pourrait quant à elle varier de 18 à 36 heures. «Un service de deux mois, ça peut peut-être paraître un peu court, mais je pense que pour une partie de la population c’est déjà compliqué à imaginer. Deux mois, ce serait déjà un saut qualitatif», se justifie Georges Dallemagne.

Les détails «pratiques» sont également abordés: financement forfaitaire pour les structures d’accueil, contrat entre le jeune et l’organisme d’accueil, indemnités pour le jeune sont ainsi évoqués, même si certains points sont renvoyés aux arrêtés d’exécution. Le service pourra également être intégré dans la période de stage du jeune en vue de l’obtention des allocations de chômage ou d’allocations d’insertion. Le jeune pourra aussi continuer à bénéficier d’une indemnité de maladie-invalidité, du revenu d’intégration, des réparations dues aux dommages résultant de maladies professionnelles.

Pour encadrer le tout, une Commission du service citoyen serait créée au sein du service public fédéral (SPF) Sécurité sociale (voir encadré). Le financement du service serait aussi inscrit au budget du SPP.

Trop court?

Du côté de la Plateforme pour le service citoyen, on se montre dans un premier temps plutôt positif par rapport à la proposition de loi de Georges Dallemagne. «Pour nous, le plus important réside dans le fait que le CDH défende le projet de service citoyen», souligne François Ronveaux, directeur de la Plateforme. Il souligne également plusieurs points positifs, comme le fait que la Commission soit notamment chargée d’organiser un programme introductif – ainsi qu’un «débriefing» – commun à tous les prestataires du service citoyen. C’est en effet quelque chose que la plateforme a organisé également.

«Faire 100% en huit ans dans un pays aussi complexe que la Belgique, cela paraît donc compliqué», François Ronveaux, directeur de la Plateforme pour le service citoyen.

Malgré cela, François Ronveaux pointe aussi quelques bémols. Parmi eux, notamment, le caractère obligatoire du service. «Sur le long terme, nous n’avons pas tranché la question de notre position sur le caractère obligatoire du service, explique notre homme. Mais sur le court terme, et la date de 2025 proposée par Georges Dallemagne, nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée, ne fût-ce que pour des questions économiques et opérationnelles. Selon nos calculs, cela coûterait 700.000.000 euros, une somme importante alors que le CDH se trouve dans l’opposition. Et d’un point de vue opérationnel, huit ans cela risque de faire court. On risque d’aller trop vite, au détriment de la qualité des services citoyens proposés.» Pour appuyer son propos, François Ronveaux souligne ainsi le cas de la France, «un pays ultracentralisé où, en six ans, à peine 15% des jeunes sont entrés en service citoyen. Faire 100% en huit ans dans un pays aussi complexe que la Belgique, cela paraît donc compliqué». Notons que la Plateforme regrette aussi que Georges Dallemagne ne les ait pas rencontrés afin de préparer son texte.

Face à ces critiques, l’élu concède volontiers que, dans les dernières semaines de son travail, il s’est dit: «Je dépose mon texte. Si j’effectue un nouveau tour de table, je n’aurais jamais le temps.» Mais il l’affirme: voilà deux ans qu’il travaille sur le document et il «a souvent consulté l’associatif». En ce qui concerne le délai, Georges Dallemagne déclare avoir voulu «une date que ne reporte pas tout cela aux calendes grecques. Mais si après travaux il apparaît que ce n’est pas faisable avant 2030, ce sera aussi bon». Il entend désormais travailler à ce que son texte puisse au minimum venir influencer les travaux de la majorité. Cela tombe bien; du côté du cabinet de Maggie De Block (open VLD), secrétaire d’État à l’intégration sociale, on nous affirme que «la création d’un statut légal spécifique pour le service citoyen est actuellement à l’étude»

Commission du service citoyen

La Commission du service citoyen serait composée paritairement de représentants de l’État fédéral et du monde associatif concerné, notamment le secteur de la jeunesse. Les entités fédérées pourraient également décider d’y envoyer des représentants. La Commission aurait pour mission de créer et d’organiser le service citoyen, et notamment d’en assurer l’administration, l’encadrement et la promotion. Il s’agirait aussi de rechercher, d’agréer et de financer les organismes d’accueil, d’approuver les contrats de service citoyen.

Une des missions importantes de la Commission serait enfin d’organiser cinq jours de lancement durant lesquels les prestataires seraient encadrés avant le début de leurs prestations et recevraient une formation qui pourrait notamment prendre la forme de séminaires ayant pour objet de comprendre les enjeux sociétaux.

 

En savoir plus

« Service citoyen : oui, mais… », Alter Échos n°399 du 24/3/2015, carte blanche de Joanne Clotuche.

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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