En 96, Chantal Verheecke a 42 ans. Pendant vingt ans, elle a travaillé comme indépendante, grossiste en fruits et légumes. Un jour, son mari la quitte, c’est la faillite etelle se retrouve dépendante de l’aide sociale avec trois enfants à charge. Antoinette Cocchio, elle, a 36 ans. Son parcours professionnel en tant que disquaire indépendante n’estpas plus heureux. Toutes deux, minimexées, mises à disposition dans le cadre de l’article 60 (loi des CPAS), elles acceptent une formation en économie sociale organiséepar l’asbl « Proges » (agence-conseil en économie sociale)1 et subsidiée par la Région wallonne, dans une coopérative de services (démolition, tapissage,restauration, nettoyage). Elles choisissent alors le nettoyage et suivent une formation de 18 mois avec un groupe de 15 personnes issues des CPAS de Morlanwelz et de La Louvière. Àl’issue de la formation d’une durée de sept mois dispensée par l’entreprise de formation par le travail « Artes »2, elles ne sont plus que deux : Chantal et Antoinette. Ellesdécident alors de créer leur propre entreprise de nettoyage avec spécialisation pour la préparation et la fin de chantiers, elles la baptiseront Soconet3. Pendantprès de deux ans, elles travailleront bénévolement, tout en bénéficiant du chômage, pour se payer tout le matériel dont elles ont besoin. C’estl’agence-conseil Proges, à travers son centre de maternage pour entreprises d’économie sociale, qui, dans un premier temps, assurera la gestion administrative de Soconet.
C’est finalement en mai 99, que les deux « associées » vont pouvoir enfin s’octroyer un véritable contrat de travail à durée indéterminée et donc ne plusdépendre du chômage. D’abord à 3/4 temps, ensuite à 4/5 temps, elles atteignent rapidement le temps plein car les contrats se succèdent : Mons, Charleroi, laLouvière, Bruxelles, du nettoyage de chantier en passant par le lavage de vitres, la remise de carrelages à neuf et les travaux de nettoyages auprès d’associations et decollectivités (logements sociaux, agence immobilière sociale, centres culturels, etc.).
En décembre 2000, Soconet, au départ asbl, s’est transformée en société coopérative à finalité sociale. Son objet social : la créationd’emplois durables, principalement pour des personnes en difficulté face au marché du travail. Entre-temps, Antoinette Cocchio a quitté l’entreprise, ne pouvant plus assumerl’importante quantité de travail. Chantal, quant à elle, continue de diriger Soconet qui compte à présent quatre autres personnes.
« Nous sommes vraiment parties de rien , témoigne Chantal Verheecke. Nous faisions de 50 à 60 heures par semaine en ne touchant aucun salaire. Tout cela pour pouvoir fairedémarrer l’entreprise, puisque nous n’avions aucun capital de départ. Un manque de capitaux qui a d’ailleurs failli faire capoter l’affaire à plusieurs reprises. Ce qui nous asauvées et remis le pied à l’étrier, c’est le subside alloué par Proges en décembre 99 (840.000 F) et qui nous a aidées à constituer notre premierfonds de roulement. Après, les contrats ont commencé à arriver et nous avons pu enfin nous rémunérer et puis embaucher d’autres personnes. Une véritablerevanche. »
La coopérative compte aujourd’hui plus de 35 contrats, pour la plupart réguliers et un chiffre d’affaires qui avoisine les 800.000 F/mois. Elle possède sa propre camionnette,plus une autre en leasing et les locaux (un bureau) sont mis temporairement gratuitement à sa disposition par Proges. Quant aux bénéfices, conformément à son statutde société à finalité sociale, ils sont directement réinvestis dans l’achat de matériel pour l’entreprise et dans la création d’emplois.Excepté pour le contrat PFI, Soconet ne reçoit aucun subside à l’embauche. Une situation qui devrait changer dès l’obtention de son agréation comme entreprised’insertion en avril 2001. Cet agrément devrait par ailleurs aussi permettre à terme l’embauche de deux personnes supplémentaires. Les ouvrières sont actuellementpayées 57.000 F brut/mois pour les temps pleins et 42.000 F brut/mois pour les temps partiels (salaires en vigueur dans le secteur).
D’ici quelques mois, Soconet devra quitter le centre de maternage pour s’installer dans ses propres locaux, coupant ainsi définitivement le cordon qui la reliait encore à Proges.Celle-ci reste toutefois présente à travers la participation d’un de ses membres au CA de Soconet.
1 Proges, avenue Léopold III, 31 à 7134 Péronnes-lez-Binche, tél. : 064 31 00 60, fax : 064 31 00 70, e-mail : proges@skynet.be
2 Artes, EFT, rue Jean Lescarts, 2b à 7000 Mons, tél. : 065 34 05 89, fax : 065 36 31 13.
3 Soconet scfs, avenue Léopold III, 31 à 7134 Péronnes-lez-Binche, tél. : 064 31 00 68, fax : 064 31 00 70.
Archives
"Soconet, entreprise de nettoyage créée par deux minimexées, devient coopérative à finalité sociale"
catherinem
29-01-2001
Alter Échos n° 90
catherinem
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