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Regard critique · Justice sociale

Emploi/formation

SOFFT, un service d’insertion qui lutte contre les stéréotypes

Le rapport au travail des femmes reste largement dominé par leur appartenance sociale, leur statut socioprofessionnel, les contraintes familiales et les exigences du marché. Un cocktail qui peut s’avérer, sur l’autel de l’employabilité, particulièrement violent. À Liège, SOFFT,  pour Service d’orientation pour femmes à la recherche d’une formation ou d’un travail, œuvre pour faciliter l’insertion d’un public féminin éloigné de l’emploi. Ce service fait partie du CVFE, le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion.

02-03-2021

Les femmes qui s’adressent au centre, dans le contexte de la lutte contre la violence conjugale ou dans celui de la formation, sont généralement victimes de précarité, demandeuses d’emploi indemnisées ou non, souvent cheffes de famille monoparentale et d’origine étrangère, toutes désireuses de trouver un emploi, mais qui subissent de plein fouet une pression économique et sociale, pression qui contrarie leurs possibilités de réinsertion. 

Face à cet enjeu, SOFFT, un CISP (centre d’insertion socioprofessionnelle) créé en 1990, a pris en considération les difficultés spécifiques que les femmes rencontrent pour accéder au marché de l’emploi, en leur proposant de revoir leur situation personnelle et collective d’une autre manière, de façon plus globale et avec des «lunettes de genre». «La question qu’elles se posent et que notre service désire les aider à se poser est: de quels atouts est-ce que je dispose pour entamer ma recherche d’emploi?», explique Myriam Fatzaun, directrice de SOFFT. 

«Dans chacun de nos groupes, il y a des personnes victimes de violence. C’est notamment un des obstacles à la remise à l’emploi.» Myriam Fatzaun, directrice de SOFFT

Le service assure la mise en œuvre de six programmes de formation, dans les domaines de l’orientation professionnelle, de l’initiation informatique et du français langue étrangère, soit près de 55.000 heures de formation et de suivi en 2019. Il vise par ailleurs à augmenter l’estime et la confiance en soi des participantes et à leur permettre d’initier ou de poursuivre un processus d’empowerment facilitant la prise de leur place dans la société. Le SOFFT propose aussi des accompagnements individuels, au cours desquels les problématiques familiales prennent une importance majeure dans la possibilité pour les femmes de retourner à l’emploi. «Dans chacun de nos groupes, il y a des personnes victimes de violence. C’est notamment un des obstacles à la remise à l’emploi. Cette histoire personnelle a évidemment un impact et les effets de ce traumatisme peuvent ressurgir fréquemment, raison pour laquelle en formation, l’objectif du service est de permettre aux femmes de reprendre confiance en elles et de passer à l’action, histoire d’aborder l’avenir d’un pas plus assuré.» Sur les 22 participantes en 2019, 12 femmes avaient été victimes de violences conjugales et/ou familiales et en subissaient toujours les conséquences lors du suivi. «Souvent, ce sont aussi des personnes qui ont été brisées dès le plus jeune âge, notamment au niveau scolaire», ajoute la directrice de SOFFT.

Pour le CVFE, il n’est pas question de défendre autre chose que la capacité de la travailleuse de négocier sa place productive dans la société, en fonction de sa propre situation et, surtout, de ses désirs et de ses ambitions. «Pour notre association, le travail ne peut apparaître comme une forme efficace d’intégration sociale qu’à la condition de ne pas être une condition uniquement aliénante, c’est-à-dire de comporter un versant d’accomplissement personnel. On est là d’abord pour qu’elles puissent se recréer un réseau social, sans qu’elles culpabilisent, si au niveau du marché de l’emploi, elles ne trouvent pas immédiatement un emploi. Elles sont là pour se former, pour trouver la place qu’elles souhaitent dans notre société.»

«On sait que le choix du métier est conditionné par les choix de formation et ceux-ci sont influencés par les « stéréotypes » existant à propos des garçons et des filles.» Myriam Fatzaun, directrice de SOFFT

Mais il faut être honnête, dès l’entame de la formation, il y a cette peur très présente d’être suspendue du chômage, contrôlée ou sanctionnée par le Forem ou l’Onem. «Ce poids de l’activation chamboule complètement les personnes que nous accompagnons. C’est vécu avec beaucoup d’effroi, parfois sans comprendre ce qu’il leur arrive… Souvent, nous sommes pour ces demandeuses d’emploi la dernière porte.»

Dans un contexte où la notion d’«employabilité» est évoquée pour caractériser les conditions d’accès des travailleuses au marché de l’emploi, le centre veille à ne pas reproduire les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’accès au travail. «On sait que le choix du métier est conditionné par les choix de formation et ceux-ci sont influencés par les ‘stéréotypes’ existant à propos des garçons et des filles. Notre objectif est de faire connaître une multitude de métiers. Il arrive souvent, malgré nos efforts, que les femmes que nous accompagnons soient réorientées vers des métiers qu’elles ne veulent pas faire, notamment au niveau du nettoyage. Et tout doit alors être recommencé à zéro», termine Myriam Fatzaun. 

 

En savoir plus

À lire dans notre prochain numéro, sur le point de sortir:

«Travail, famille… Inégalités», Alter Échos n°490, mars 2021, Pierre Jassogne.

À relire également:

«Égalité financière entre les femmes et les hommes: toujours une chimère en Wallonie»,  Alter Échos n°478, novembre 2019, Manon Legrand.

«Écart salarial hommes-femmes: la guerre des chiffres», Alter Échos n°473, avril 2019, Julien Winkel.

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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