Les acteurs de l’aide alimentaire sont de plus en plus sollicités. En centralisant les achats de denrées et leur stockage, la plateforme Soli-Food facilite leur travail et promeut une alimentation plus locale et plus saine.
Article publié le 25 novembre, Alter Échos, n° 413.
Avec un Wallon sur cinq et un Bruxellois sur quatre qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, le secteur de l’aide alimentaire a de beaux jours devant lui. À côté des restaurants sociaux et des centres de distribution de colis, ce sont les épiceries sociales qui connaissent depuis une quinzaine d’années un véritable essor. Conçues comme de petits supermarchés où les bénéficiaires peuvent faire leurs courses à moindre coût, elles favorisent l’autonomie financière et alimentaire de chacun. Mais dès 2010, une étude réalisée par la Fédération des services sociaux (FdSS-FdSSB) et le Crédal (coopérative de crédit alternatif) a mis en évidence les difficultés d’approvisionnement du secteur. C’est ainsi qu’est né le Réseau des épiceries sociales Wallonie-Bruxelles (REPIS) qui développe des outils pour faciliter le travail de ces structures. «Jusqu’à présent, les épiceries sociales faisaient leurs courses au Colruyt comme vous et moi. Or, comme elles doivent revendre moins cher, quand les subsides viennent à manquer, cela crée nécessairement un trou financier. Par ailleurs, elles rencontrent de nombreuses difficultés logistiques au niveau du transport et du stockage des aliments. Alors qu’elles ont aussi pour vocation d’accueillir et d’accompagner les bénéficiaires, beaucoup n’ont plus le temps de le faire», explique Brigitte Grisar, chargée de projet de l’aide alimentaire et coanimatrice du réseau REPIS.
En 2015, REPIS a donc lancé la plateforme d’achats Soli-Food qui négocie directement les prix avec les grossistes. «Actuellement, la plateforme travaille avec environ 150 produits: 50% de ces produits peuvent être achetés jusqu’à 40% moins cher qu’en grandes surfaces», détaille Brigitte Grisar. À long terme, la plateforme souhaiterait travailler avec davantage de petits producteurs locaux, afin de favoriser une économie de proximité et l’accès à des produits frais, de saison… et pourquoi pas bio. «Il s’agit de trouver une intersection entre le prix que peuvent mettre les acteurs de l’aide alimentaire et celui qui est acceptable pour les producteurs. Malheureusement, on ne trouve pas toujours ce point de rencontre», tempère Grégoire Van Zeebroeck, coordinateur de la plateforme.
Vers une aide alimentaire «de qualité»
Il faut dire qu’outre ces inadéquations de fait, la notion d’alimentation saine demeure souvent une préoccupation seconde, voire taboue, dans le secteur de l’aide alimentaire. «C’est vrai, nous entendons encore ce type de discours: ‘Déjà, on les nourrit, on ne va pas en plus leur donner de la qualité!’ Le secteur reste très dominé par la vision caritative. Mais aujourd’hui, on voit cependant apparaître une nouvelle génération d’épiceries sociales, comme à Etterbeek et bientôt à Saint-Gilles, où l’on trouve davantage de produits bio, secs, en vrac…», observe Brigitte Grisar.
Toujours à l’état de projet pilote – mais en passe d’être pérennisé –, Soli-Food travaille d’ores et déjà avec quelque 25 organisations actives dans l’aide alimentaire, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, sans oublier un partenariat en Flandre. À terme, il est à espérer qu’elle puisse favoriser cette délicate convergence entre aide alimentaire et alimentation saine. «À l’avenir, nous aimerions travailler de plus en plus le frais, ce qui demande une organisation très spécifique, avec une rapidité dans le transport mais aussi des solutions de stockage, y compris pour le surgelé qui permet précisément de conserver le frais», explique Grégoire Van Zeebroeck. Autant d’appuis logistiques qui pourraient changer le visage de l’aide alimentaire, en quête d’efficacité mais aussi de cohérence.
Fil infos, www.alterechos.be, « Manger est un acte politique », interview de José Bové, par Manon Legrand, 24 juillet 2015