Après nous avoir ouvert les portes de son Chez soi, en 2015 – réflexion politique et intime sur l’importance de l’espace domestique –, Mona Chollet se penche sur la figure de la sorcière, qui depuis des siècles fascine autant qu’effraye. Condamnées, torturées ou tuées (et ce, jusqu’au XVIIIe siècle!), les sorcières, figures de la subversion, inspirent les féministes depuis les années septante et connaissent une réhabilitation importante ces dernières années. Pour «explorer la postérité des chasses aux sorcières en Europe et aux États-Unis», Mona Chollet a choisi trois figures féminines – les femmes indépendantes (veuves et célibataires), les femmes sans enfant et les femmes âgées –, qui toutes transgressent les frontières de leur genre et du rôle que le système patriarcal attend d’elles. Mona Chollet s’attache aussi à analyser la vision du monde que la chasse aux sorcières a délibérément voulu réduire en cendres, au profit d’une science moderne, nourrie de mépris à l’égard du féminin. Un asservissement qui demeure encore aujourd’hui, en témoignent les nombreux cas de maltraitances gynécologiques rapportés récemment dans la presse. À la lecture de cet ouvrage nous vient la question: «Ne serions-nous pas toutes des sorcières?» «Si vous êtes une femme et que vous osez regarder à l’intérieur de vous-même, alors vous êtes une sorcière», clamaient les femmes du mouvement WITCH en 1968, citation retenue en ouverture de ce livre. Une lecture à compléter par l’écoute de la série documentaire Sorcières, sur France Culture, en quatre épisodes disponibles en ligne. Manon Legrand.
Sorcières: La puissance invaincue des femmes, Mona Chollet, La Découverte, septembre 2018, 240 p., 18 euros.