Nous en avons parlé dans Alter Éduc, un arrêt de la Cour d’arbitrage du 22 juillet 2003 reconnaissait aux enfants de personnes illégales le droitd’obtenir en Belgique une aide sociale des CPAS. De nombreux recours devant les tribunaux du travail contre les CPAS qui refusaient toute aide sociale pour les enfants des illégaux ontfait suite à cet arrêt. Afin de mettre fin à ces recours, le 31 décembre 2003 paraissait au Moniteur belge une loi-programme dont certains articles battaient enbrèche l’arrêt de la Cour d’arbitrage. En l’absence d’arrêté royal, les recours devant les tribunaux du travail se sont cependant poursuivis. On aainsi vu de nombreux CPAS octroyer tantôt une aide sociale équivalente au revenu d’intégration, tantôt le seul remboursement des frais scolaires ou encorel’équivalent des allocations familiales ou du loyer… Mais voilà, ce 1er juillet, l’arrêté tant redouté (adopté le 24 juin) aété publié au Moniteur1. Il est entré en application le 11 juillet 2004. Mais plus encore que l’arrêté, c’est la circulairedestinée aux CPAS qui l’accompagne et signée par le ministre de l’Intégration sociale, Christian Dupont (PS), qui en laisse pantois plus d’un dans le milieuassociatif d’aide aux demandeurs d’asile et aux mineurs. Ainsi le Service droit des jeunes (SDJ)2 prépare un recours au Conseil d’État contrel’arrêté et la circulaire qui a suivi. Pour rappel, le SDJ avait déjà introduit un recours devant la Cour d’arbitrage contre la loi-programme.
Quelques morceaux choisis
En résumé, l’arrêté stipule que si un enfant mineur ou un de ses parents en séjour illégal chez nous introduit une demande d’aide socialeauprès d’un CPAS, « celui-ci après avoir vérifié que les conditions sont bien remplies, informe le demandeur qu’il peut se rendre dans un centrefédéral d’accueil déterminé en concertation avec l’agence pour l’aide matérielle visée. […] ».
La circulaire apporte quant à elle quelques précisions loin d’être anecdotiques : « Le CPAS informera également les parents sur la possibilitéd’accompagner leur enfant (dans le centre fédéral d’accueil) lorsque leur présence est nécessaire au développement de l’enfant. Le CPAS attireral’attention du demandeur sur le fait que la proposition qui sera formulée par Fédasil de l’héberger dans un centre d’accueil déterminé et surlaquelle il aurait éventuellement marqué son accord ne signifie pas qu’il sera effectivement hébergé dans le centre en question. […] »
Aide adéquate ?
En principe, il revient au CPAS de déterminer si l’aide proposée à une personne ou à une famille est adéquate. Ici, on lui demande uniquement de faire uneenquête sociale et de recueillir le consentement (du mineur) par rapport à un hébergement. « Or, objecte Benoît Van Keirsbilck, juriste au SDJ, ce consentement seradonné à un moment où les intéressés ne disposent d’aucune information concernant le lieu où ils vont être accueillis (un centre provisoire seracommuniqué par la suite par Fédasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) qui peut encore changer de centre à tout moment) et sansgarantie d’accueil des parents puisque c’est Fédasil qui décidera où, et si les parents sont bien indispensables pour le développement de l’enfant.»
À noter par ailleurs qu’il n’existe pas de recours contre la décision prise par Fédasil, au contraire de la décision du CPAS. « Or, Fédasildispose d’un pouvoir de décision important (avec ou sans parents, lieu d’accueil…). Le dispositif envisagé a pour conséquence d’obliger le CPAS àcommuniquer à un tiers, Fédasil, des informations recueillies dans le cadre de l’enquête sociale et donc soumises au secret professionnel, remarque le juriste de SDJ.L’ensemble du dispositif, notamment tel qu’il est précisé dans la circulaire, constitue donc une violation caractérisée du secret professionnel. Ilentraîne aussi une violation de la mission du travailleur social du CPAS et le met en contradiction avec la déontologie de travail qui devrait être la sienne ; de la mêmemanière, il met les travailleurs des centres d’accueil fédéraux en position très délicate, notamment quand il s’agira d’accueillir un enfant sansses parents. »
Autant de raisons qui devraient voir pleuvoir de nouveaux recours devant les tribunaux du travail et donc provoquer un contentieux de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Or, laloi-programme avait notamment pour objectif d’arrêter les recours…
1. Paru au Moniteur belge du 1er juillet 2004. Voir sur : www.ejustice.just.fgov.be.
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