L’application stricte des règles en la matière par l’Onem a des conséquences inattendues. Un exemple avec la section théâtre du Conservatoire royal de Liège1, qui risque de perdre ses « conférenciers ».
Il y a un an, l’Onem décidait de « serrer la vis » concernant les règles relatives au chômage pour les artistes (voir encadré). Appliquées jusque-là de manière parfois « large », celles-ci se voyaient ramenées à une interprétation stricto sensu. Avec, à la clef, un émoi certain dans le milieu artistique, de nombreuses personnes voyant leurs droits remis en cause.
• l’article 10 de l’AM du 26 novembre 1991, applicable aux artistes de spectacle engagés à la prestation ou au cachet sans mention d’horaire, leur permet d’atteindre plus facilement le nombre de jours requis pour avoir droit aux allocations de chômage. Exemple : pour une personne de moins de 36 ans, celle-ci doit comptabiliser 312 jours de travail salarié sur les 18 mois précédant la demande d’allocation. Un artiste ayant perçu 1 000 euros bruts pour une prestation verra ce montant divisé par 38,44. Le résultat obtenu (26) sera comptabilisé comme autant de jours de travail.
• l’article 116§5 de l’AR du 25 novembre 1991, applicable aux artistes et techniciens de spectacle occupés au moyen de contrats de moins de trois mois, permet que ceux-ci soient maintenus dans la période d’indemnisation de chômage en cours au moment de l’octroi de l’avantage. Cet avantage est octroyé pour douze mois et renouvelé si une nouvelle occupation survient dans les 12 mois.
Cela dit, d’autres conséquences pointent le bout de leur nez. Ainsi, au Conservatoire royal de Liège, section théâtre, on tire la sonnette d’alarme. La nouvelle politique de l’Onem risque en effet de faire perdre à l’établissement les « conférenciers » qui composent près de 40 % du « corps pédagogique » s’occupant des élèves.
Les conférenciers, des professeurs ?
Première précision : les conférenciers sont des artistes extérieurs au conservatoire qui viennent, pour 3 à 12 semaines, monter un projet au sein de celui-ci avec les élèves. « Nous appliquons une pédagogie cherchant à produire des projets sur le modèle de ce qui se fait dans la profession, explique Nathanaël Harcq, directeur-adjoint du conservatoire et responsable de la formation des acteurs. Il faut que les élèves puissent avoir un contact avec la création artistique. Le rayonnement que connaît notre école vient de sa capacité à faire intervenir des artistes extérieurs, ce qui nous est d’ailleurs imposé par le décret de la Communauté française du 17 mai 1999 relatif à l’enseignement supérieur artistique. »
Jusqu’au « resserrement » opéré par l’Onem, ces artistes pouvaient prendre en compte ces interventions au conservatoire pour faire valoir leurs droits concernant les deux règles évoquées en encadré. Ce qui ne serait plus le cas. « Pour ce qui est de l’article 10, l’Onem ne considère plus que les conférenciers exercent un rôle d’artiste de spectacle dans le cadre de leur activité au conservatoire, mais bien un rôle de professeur. Ils n’ont donc plus le droit d’invoquer cet article », explique Nathanaël Harcq. Concernant l’article 116§5, le problème serait le suivant : certains conférenciers réalisant plusieurs projets pour le conservatoire, des projets considérés dorénavant comme de l’enseignement par l’Onem, ils finissent par comptabiliser plus d’activités en tant qu’« enseignants » que comme artistes. Or l’une des conditions pour se voir appliquer l’article réside dans le fait qu’il faut être occupé dans sa profession principale comme artiste ou technicien de spectacle.
Quid du statut ?
Résultat : risquant de perdre leurs avantages, les conférenciers ont adressé une lettre à la direction du conservatoire dans laquelle ils font savoir qu’il leur « sera impossible de garantir (leur) disponibilité pour l’année scolaire prochaine » Ce qui met le conservatoire dans le pétrin. Et fait s’interroger son directeur-adjoint. « Il est incompréhensible que l’on ne puisse pas considérer le travail des conférenciers comme une activité artistique. Les écoles d’art sont des espaces où les artistes/conférenciers viennent chercher d’autres conditions de production, qui leur permettent de faire advenir d’autres œuvres d’art », explique-t-il en soulignant que nombre de projets montés au sein du conservatoire se voient présentés sur des scènes professionnelles. Il insiste de plus sur le fait que la décision de l’Onem est en contradiction avec le décret de la communauté française du 17 mai 1999.
Un courrier a d’ailleurs été adressé à Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Enseignement supérieur de la communauté française. Son cabinet ne tient pas à se prononcer pour l’heure, mais confirme qu’une rencontre avec les représentants du conservatoire est prévue le 15 juin afin « de voir l’aide que l’on peut apporter ».
1. Conservatoire royal de Liège:
– adresse : quai Banning, 5 à 4000 Liège
– tél. : 04 226 44 53
– site : http://www.crlg.be